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Alain Lipietz et les Verts
> Un autre monde est possible... (http://lipietz.net/?article1916)
par Alain Lipietz | 25 septembre 2006 Contribution aux motions de l’AG 2006 des Verts Un autre monde est possible... ...mais il est dans ce monde-ci.
Pourtant, jamais le besoin de Vert n’a été aussi largement proclamé face aux crises (climat, énergie, biodiversité, santé, etc) qui menacent la planète, face aux tensions qui déchirent notre société (précarité, émeutes urbaines). Mais ce désir de Vert ne parvient plus à se cristalliser. La marchandisation rampante de notre société suscite des crispations qui paradoxalement ressuscitent des fausses alternatives productivistes, étatistes, que l’on croyait d’un autre âge. La responsabilité de notre parti est aujourd’hui écrasante. C’est seulement en nous rassemblant, en choisissant l’audace d’affirmer l’autonomie de notre projet, l’écologie politique, tout en cherchant à nouer des alliances pour mener des politiques publiques de fond et d’urgence, que nous pourrons reconstruire l’espoir. Nous le pouvons, parce que nous sommes intimement liés aux mouvements sociaux des années écoulées (contre les OGM, contre le CPE, contre les expulsions de nos frères immigrés) , tout en ayant donné des témoignages significatifs de politiques alternatives, locales, municipales ou régionales. Réformistes radicaux, nous sommes un parti de lutte et de gouvernement. 1) La présidentielle : du doute à l’espoirLa situation est paradoxale. On promet aux Verts un résultat désastreux face à la bipolarisation de la scène politique, et en même temps, on agite un trop plein de candidats écologistes, tant l’irréductibilité de notre message garantit aux yeux de tous un potentiel électoral irrécupérable par les autres partis. Oui, cet électorat peut se regrouper autour de notre candidate, si nous savons traiter avec respect nos partenaires potentiels, si nous savons montrer aux yeux de tous que la réponse des Verts est bien la synthèse des aspirations à un monde plus soutenable pour la planète, parce que plus solidaire entre les humains. Telle sera d’abord la tâche difficile de notre candidate. Bien que n’ayant pas tou-te-s voté pour Dominique Voynet lors de la primaire interne, nous sommes désormais solidaires de son aventure, qui sera dure. Cela veut dire surtout que les Verts, unis derrière leur candidate, sachent faire passer au cours des campagnes de 2007 non seulement un message d’urgence (qui est assez largement perçu par l’opinion), mais surtout un message d’espoir . Oui, il existe des solutions, oui, les Verts sont capables de les élaborer, avec d’autres. Oui, ces solutions sont réalistes et ne sont pas aussi « spartiates » que le prétendent nos adversaires. Oui, ces solutions qu’exige l’urgence des crises débouchent sur un monde plus convivial, et à tout prendre, plus agréable. Nous devons apprendre à le dire, à le montrer. « Penser globalement, agir localement », avons-nous l’habitude de dire. Cela signifie que nous devons apprendre à argumenter, à partir des conséquences des menaces écologiques sur la vie quotidienne de chacun, mais aussi que nous devons apprendre à décliner en propositions concrètes (en matière de logement, de transports, de soins, de nourriture, etc) les propositions globales que nous apportons. Il faut en finir tant avec les positions d’une « écologie populaire » réduite à des revendications sociales traditionnelles vaguement peintes en vert, qu’avec un environnementalisme se proclamant « radical » qui abandonne aux partis de la gauche traditionnelle les questions sociales. Notre candidate à la présidentielle, comme nos candidat-e-s aux législatives, devront multiplier les occasions de débat avec les syndicats, les organisations de consommateurs, les associations, pour affiner avec eux la dimension quotidienne et concrète de chacune de nos propositions. Ce processus de co-élaboration continu, par lequel nous aidons nos partenaires à s’accorder sur un faisceau de propositions, implique en contrepartie un droit de regard sur la gestion des politiques publiques auxquelles nous participerions. Telle est la contrepartie de notre conception du développement soutenable : « un modèle de développement satisfaisant les besoins de notre génération, à commencer par ceux des plus démunis , sans compromettre la capacité des générations suivantes à satisfaire les leurs ». À commencer par les besoins des plus démunis : le souci des exclu-e-s, des marginalisé-e-s, des précarisé-e-s doit être la pierre de touche de toute politique écologiste, non seulement parce que c’est justice, mais parce que c’est nécessaire si nous voulons la faire accepter, si nous voulons la faire aimer. C’est pourquoi, au delà du socle « environnement-nourriture-santé » qui constitue le champ incontesté des Verts, nous devons défendre un projet social fondé sur le partage du temps de travail et des richesses, et surtout sur l’économie sociale et solidaire, principal outil pour répondre aux besoins de nos communautés de plus en plus isolées tout en créant massivement des emplois pour les plus précarisés, principal vivier des ces « artisans de convivialité » qui sont la base sociale privilégiée des Verts. 2) Les élections législativesComme la présidentielle, et quel qu’en soit le résultat, les élections législatives seront l’occasion de chasser la droite et seront vécues comme telles. L’effrayante dégradation des conditions du débat politique dans les deux dernières années ne nous a pas permis jusqu’ici, comme nous aurions dû le faire, de construire un rapport de forces permettant de peser sur les orientations de nos partenaires éventuels. Ce travail doit s’accélérer tout au long des campagnes à venir La question de l’accord programmatique est néanmoins distincte de la question des accords électoraux. Un accord programmatique, c’est un accord pour gouverner ensemble. Les accords électoraux visent au contraire à réaliser une répartition plus juste des élus dans le cadre d’un front commun pour battre la droite. Nous devons obtenir une représentation parlementaire correcte, permettant d’abord d’opérer un rassemblement qui conduise véritablement à une victoire sur la droite, de peser sur l’orientation gouvernementale en cas de victoire, outil de lutte, de surveillance, en cas de défaite . Nos partenaires sont conscients qu’ils ne sont pas à eux seuls suffisamment crédibles pour l’emporter. Quant à ce que le rassemblement de la gauche et des écologistes s’engagera à appliquer comme politique, nous en discuterons en temps utile par un CNIR élargi, qui en cas de victoire, nous permettra de décider de participer ou non à un éventuel gouvernement. La définition de mesures phares de ce gouvernement de la gauche et des écologistes se négocie dès aujourd’hui.
Mais ce n’est pas sur la base d’un simple score électoral, mesuré par la campagne autonome de notre candidate à la présidentielle ou des centaines de nos candidats qui se présenteront au premier tour des législatives, que nous pourrions construire ce rapport de forces. C’est en mûrissant, avec des partenaires dans le mouvement social, un véritable « front solidaire », qu’il sera possible de contenir les tendances conservatrices et social-libérales qui dominent actuellement le parti socialiste. 3) Les élections municipalesNotre implantation dans les majorités municipales depuis 2001 nous a roder à l’exercice des responsabilité publique. Il faut mutualiser et médiatiser nos réalisations, les micro-transformations de la société obtenues grâce au travail de fourmi des soutiers du mandat local , qui agissent au quotidien , pour progresser vers l’utopie. Cela demande un rapport de force considérable vis à vis de nos partenaires, qui passe par des listes autonomes au premier tour, au moins dans les villes de plus de 50 000 habitants. 4) La question de l’EuropeLe débat sur le Traité constitutionnel européen a vu une formidable vague critique contre la façon dont l’Europe se construit depuis l’Acte unique et le traité de Maastricht. En même temps, des divergences graves ont surgi entre celles et ceux qui, avec la majorité des Verts, considéraient que le traité constituait une avancée, fragile mais réelle, entrouvrant la voie d’une sortie de l’Europe de Maastricht-Nice, et celles et ceux qui pensèrent que le Non ouvrirait une dynamique permettant d’aller beaucoup plus loin. Ce débat a pu paraître abstrait jusqu’au 29 mai 2005. Un an et demi après, les faits sont là : non seulement nous sommes toujours dans l’Europe que tant de Françaises et de Français ont cru condamner en votant Non, mais des reculs sont déjà perceptibles aussi bien au plan interne (l’adoption d’une Directive d’inspiration néolibérale englobant les services publics, suscitant les réactions populistes nationalistes et la réapparition du risque de guerre en Europe), mais aussi au plan externe (la disparition diplomatique de l’Europe face à la crise extrêmement dangereuse qui se développe de la Palestine à l’Iran). Il est plus que temps d’affronter tous ensemble les institutions de Maastricht-Nice qui verrouillent l’Europe dans une situation d’économie de marché non contrôlée par une Europe politique paralysée. . Les profiteurs de la misère, ceux qui font du désespoir populaire leur fonds électoral, s’opposeront bien entendu à toute réforme d’une situation qui alimente ce désespoir. Toutes les autres forces politiques semblent paralysées face à cette situation. Seuls les Verts, parce qu’ils représentent un avenir pour la planète fondé sur le débat et la définition collective du bien commun de l’humanité, sont en mesure de prendre la tête d’un mouvement profond pour la réforme de l’Europe. La perspective de faire du Parlement européen élu en de 2009 une assemblée constituante sera un « mythe mobilisateur », mais il exige un travail réel et, encore une fois, ancré dans le quotidien, pour se mettre d’accord sur l’Europe à construire : une Europe fédérale, pour que la majorité de ses peuples puisse briser les égoïsmes nationaux, une Europe écologiste, sociale, féministe dans ses objectifs, une Europe respectant l’autonomie de ses régions, une Europe se percevant et agissant comme une puissance de Paix dans le monde. |
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