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par Alain Lipietz | 20 avril 2011

Réflexions sur l’Appel du 21 avril.

Son point le plus controversé est la proposition d’un candidat unique de la gauche. Dès la veille, l’information avait filtré par une dépêche erronée de l’AFP, qui affirmait que Dany Cohn-Bendit en était signataire. Au sein de Europe-Ecologie-LesVerts, la nouvelle a permis aux adversaires de la motion qu’il signait de tirer à boulet rouge sur un texte « qui n’osait pas encore appeler à voter DSK dès le premier tour. »

Nous avons aujourd’hui les vrais signataires : Susan George, Pierre Khalfa, Willy Pelletier, Patrick Viveret, Stéphane Hessel. Je le savais, car cet appel a été proposé au bureau de la Fondation Copernic. Je m’étais abstenu de signer, quoique j’y retrouve des gens qui comptent pour moi. D’abord pour ne pas polluer le débat du congrès EELV dont ce n’est pas le sujet principal, ensuite parce que je ne suis pas encore convaincu (je reste pour E. Joly jusqu’à nouvel ordre). Dany est de notoriété public plus convaincu que moi, mais lui aussi souhaite découpler la présidentielle du Congrès EELV. Mais les questions posées sont des problèmes réels qu’il va bien falloir affronter.

Un mot des signatures : c’est en gros ATTAC-Copernic (Susan George, W. Pelletier, P. Khalfa) plus la « deuxième gauche restée de gauche » (P. Viveret, S. Hessel). Pas du tout les strauss-kahnien, mais deux composantes de la gauche avec qui nous interférons souvent. Qu’ils/elle se posent ces questions doit nous inciter à les traiter avec plus de sérieux que ne le font les polémistes.

Le texte du 21 avril est essentiellement un plan de bataille anti-FN. Il appelle à une pratique renouvelée dans les quartiers (je suis d’accord), il appelle la gauche à discuter d’un programme d’espérance au lieu de ne parler que de personnes (je suis d’accord), il dit enfin que sur un tel accord il faudra un candidat commun, ce qui est plus contestable. Je ne discuterai ici que ce dernier point.

Leur méthode est juste : elle consiste à distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Ce qui ne dépend pas de nous, c’est (selon eux) le risque que Marine Le Pen soit au second tour, c.a.d la situation « 21 avril 2002 », soit au détriment de la droite , soit au détriment de la gauche.

Ce risque semblait balayé au soir de l’élection européenne grâce à la percée de Europe Écologie devenue troisième force politique française. À l’issue des cantonales, suite aux erreurs accumulées en 2 ans par la direction sortante de EELV, EELV a reculé à la 5e place ou 4e ex-aequo (derrière le FdG) et le FN a pris la 3e place. On peut espérer que EELV, en se ressaisissant, repasse devant le Front de Gauche (les cantonales donnant une prime au sortant, la position du FdG est surévaluée aux cantonales, comme d’ailleurs la qualité de la campagne de Dany-Eva-José et la question à traiter surévaluaient la force de EELV aux européennes). Il est très probable en effet que l’ordre réel soit aujourd’hui : PS, droite de gouvernement, FN, EELV, FdG.
Mais la possibilité que le FN s’intercale l’an prochain en 2e position est réel et ne dépend pas entièrement de nous, mais du risque d’ « erreur de casting » (Jospin) et d’atomisation excessive à droite ou au PS… et de l’approfondissement de la crise, qui pousse les masses au fascisme avent que n’émerge une issue progressiste.

Est-ce grave ? Il est évident que l’autre candidat aura la quasi certitude d’être élu avec 70 à 80 % des voix, comme Chirac en 2002. Si c’est la gauche (que ce soit DSK ou Aubry ou Hollande), tant mieux. Problème : cela revient à dire que l’élection présidentielle se jouera au premier tour. Le candidat de gauche ou de droite arrivé en tête au premier tour, derrière ou devant le FN, pourra être considéré comme élu.

Or tout le principe du vote à deux tour était d’offrir le choix aux électeurs de chaque « camp » de choisir leur « moindre mal » pour le second tour. Ainsi, au long de la 5e République, les candidats de la droite (Chaban/Pompidou/Giscard/Chirac/Barre) et ceux de la gauche (Duclos/Deferre/Marchais/Mitterrand) se départageaient tranquillement, ou plutôt c’est leurs électeurs qui choisissaient tranquillement qui incarnerait leur camp au second tour. Le cas 69 (Pompidou/Poher au second tour) nous rappelle que ce ne fut jamais garanti, mais le 21 avril fut un avertissement plus dramatique.

Si Le Pen se maintient au même niveau, les règles changent. Si ! je dois bien si ! Mais s’il y a un risque, alors la question de la division de chaque camp au premier tour se pose. À gauche il y a trois candidatures « de gouvernement » : PS, FdG et EELV. Plus l’extrême gauche. A droite il semble qu’il n’y en est que 2 : UMP et centristes (que ce soit Bayrou ou Borloo), et que Villepin soit déjà dans les choux. Même si la gauche est globalement plus forte que UMP+Centre, elle part à priori plus divisée. Le risque est non négligeable que DSK ou Aubry ou Hollande (et Hulot ou Joly, et Mélanchon et Besancenot…) ne soient pas au second tour. Et l’affreux paradoxe est que ce risque sera d’autant plus fort que nous ferons une bonne campagne et approcherons d’un score à deux chiffres !

D’où l’idée très rationnelle émise régulièrement par DCB (qui anticipait l’Appel du 21 avril) : ne courrons pas ce risque, négocions un candidat unique contre 60 circonscriptions sûres (12 %).

Je vois trois objections. D’abord nous ne sommes pas exactement « du camp de gauche » , nous écologistes. Nous sommes progressistes et alliés à la vieille gauche, mais absolument sûrs que la vieille gauche ne nous sortirait pas de la crise. S’il y a « un candidat de trop à gauche » ce n’est pas nous. Si nous décidions de nous retirer, d’une part il nous resterait très peu de possibilité d’accélérer la transition verte, d’autre part rien n’indique qu’une écologie indépendante et centriste ne tenterait pas le coup (pas gênée, elle, de se rallier à Borloo), et elle a son candidat, N. Hulot.

Ensuite je ne crois pas un instant que le PS soit déjà convaincu du prix à payer, en terme de circonscriptions législatives, pour que nous n’ayons qu’un candidat présidentiel. Actuellement la direction EELV sortant ne négocie que sur la base de 15 places « sûres »… et a du mal ! Il faudra que le risque soit beaucoup plus palpable pour qu’une telle hypothèse puisse être envisagée par le PS.

Car enfin (troisième objection) tout cela reste spéculatif. Il n’est pas sûr que le FdG par exemple ne fasse pas ce raisonnement avant nous, ce qui laisserait de la place à gauche pour la présidentielle (mais beaucoup moins pour nous aux législatives, évidemment). Il n’est pas sûr que Le Pen reste à un haut niveau, et un bon accord programmatique à gauche intervenant à la fin de l’été et orchestré festivement « à la 36 » peut casser les reins au populisme. A l’inverse, il n’est pas sûr que Borloo/Bayrou se maintiennent…

Bref, il est urgent d’attendre avant de prendre une position aussi tranchée que l’Appel. Et en attendant « faire comme si », c’est-à-dire lancer notre candidature le plus vite possible et faire campagne, fermement pour la révolution écologiste et un accord programmatique enthousiasmant.

MAIS il faut arrêter de culpabiliser ceux qui disent « il faudra peut être décider de changer finalement notre fusil d’épaule ». Stéphane Hessel, Susan George, W Pelletier, P. Khalfa et P. Viveret nous en avertissent : nos électeurs, nos sympathisants,et sans doute même nos coopérateurs, ne nous suivrons pas si nous leur faisons prendre des risques inconsidérés. Ce message doit être entendu avec respect. Et pour en avoir beaucoup discuter avec « les gens » au porte à porte ou sur les marchés pendant les cantonales, je peux dire que ce message représente l’avis largement majoritaire.

Entendre ce message c’est prendre deux précautions.

- D’abord ne pas contracter d’emprunt dès le mois de juin pour financer la campagne présidentielle (700 000 euros en 2001…)

- Fixer dès maintenant la barre plus haut qu’aujourd’hui avec le PS, pour éviter « l’effet bernique » (le candidat PS qui s’accroche) et ne pas nous retrouver en situation catastrophique si, en décembre, la pression de nos propre électeurs et sympathisants nous obligeait à retirer notre candidat-e.




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