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par Alain Lipietz | mai 2005

Nouvelle Revue Socialiste
Le Capitalisme mondial aujourd’hui
Entretien avec Henri Weber

RS : Quelles sont, selon vous, les grandes transformations du capitalisme contemporain ?

En quoi le capitalisme du XXIème siècle diffère-t-il de celui du XXème ?

De 1945 à 1975, le capitalisme occidental a fonctionné selon le « modèle fordiste » :

- une production de masse organisée selon les principes du taylorisme (les ingénieurs et techniciens organisent, les ouvriers sans qualification exécutent ;

- une consommation de masse croissante qui absorbait les gains de productivité ;

- et une régulation de ce parallélisme, dans un cadre national, par l’Etat et les partenaires sociaux, avec une politique macroéconomique (monétaire et budgétaire active) et de puissants services publics.

Au milieu des années 70, ce modèle (partagé avec les Etats-Unis et le Japon sous d’autres variantes) se brise à travers une double crise : la crise du taylorisme et celle de la régulation.

La crise du taylorisme se traduit par une baisse de la rentabilité. Le taylorisme, qui confie tout le travail de conception aux ingénieurs, nécessite d’investir dans des machines toujours plus coûteuses. Or, en dépit de ces investissements, on a observé une diminution des gains de productivité.

Quant à la crise de la régulation nationale, elle résulte évidemment de la mondialisation de l’économie. Il serait en réalité plus juste de parler de re-mondialisation. En effet, le capitalisme est né mondial au 18ème siècle. Ce n’est que par la suite qu’il s’est nationalisé, autocentré. Et on assiste depuis deux décennies à sa re-globalisation. Dès lors, le cadre national ne permet plus de réguler l’économie. C’est la leçon de l’échec de la relance budgétaire par la gauche en France, dans les années 81-83, qui a surtout profité à l’économie allemande et italienne.

Quelles réponses peut-on apporter à ces deux crises ?

La crise du taylorisme a donné lieu à deux types de réponses opposées.

La première réponse consiste - compte tenu de la rentabilité de plus en plus faible des investissements - à récupérer sur les salariés, abandonner les garanties sociales concédées par le fordisme, baisser les salaires et les droits sociaux, intensifier le travail, tailler dans les services publics : c’est la stratégie de la « flexibilisation. » Face à l’érosion de la rentabilité, on remet en cause la relation salariale et l’Etat Providence. Cette solution prédomine dans les pays anglo-saxons et en France.

La solution opposée consiste à relancer la productivité et la rentabilité par d’autres méthodes que le taylorisme : en associant les salariés à la lutte pour la qualité et la productivité. C’est la stratégie de l’implication négociée choisie par les Japonais et les Scandinaves. Il s’agit de mobiliser l’intelligence, le savoir-faire, et la qualification du travail ouvrier pour gagner en productivité.

Ces questions occupaient beaucoup les chercheurs et les syndicalistes dans les années 1980. Mais le grand débat sur l’organisation du travail a été occulté par un autre débat, celui sur la crise de la régulation, la crise de l’Etat Providence national. Tout comme la crise du travail, la crise de la régulation nationale donne lieu à deux réponses contradictoires. La première préconise l’abandon de toute régulation politique et le retour au tout marché. La seconde vise l’élargissement de la régulation politique à un espace supranational plus pertinent, au moins un bloc continental.

La logique aurait voulu que les partisans de la stratégie de l’implication négociée soient également partisans d’une réponse en termes d’élargissement de la régulation politique. À l’occasion d’un colloque organisé par le Bureau International du Travail à Turin, en 1989, les économistes « régulationnistes », comme Boyer et moi-même, nous sommes déclarés hostiles à l’adoption de l’Acte Unique. Nous partagions l’analyse suivant laquelle l’abolition des frontières économiques européennes devait s’accompagner d’une extension à la même échelle de la régulation politique. À défaut, on privilégierait forcément la stratégie de flexibilisation [1]. Dans les faits, on a pu observer une bonne résistance de certains pays à la dynamique enclenchée : l’Allemagne, la Suède, le Danemark, ont conservé leur modèle d’implication négociée tout en gagnant en compétitivité, alors même qu’ils avaient à faire face à la concurrence de pays de plus en plus flexibles. Mais, tous les ans, on proclame la fin du modèle suédois ou du modèle allemand, et avec l’actuelle hausse vertigineuse de l’Euro le modèle allemand commence effectivement à craquer.

Dans les années 80, en France, le choix était ouvert. À l’époque, la France avait plus de cercles de qualité que le Japon. L’Etat, avec les lois Auroux, encourageait le patronat et les syndicats à négocier l’organisation du travail. L’adoption de l’Acte Unique a inversé la tendance. Les syndicats ont alors choisi de se battre sur les salaires et d’abandonner le combat pour l’implication négociée ; la gauche, lors de son retour en 1988, n’a pas repris le flambeau. Au final, ce combat - y compris chez les chercheurs - a régressé, puis disparu. Et en 1997, le patronat a négocié la réduction du temps de travail contre la flexibilisation du travail ouvrier et l’intensification du taylorisme dans les usines [2].

Au risque de simplifier l’interaction des deux crises, on peut dire que la prévalence du « tout marché » comme réponse à la crise de la régulation nationale a conduit la plupart des pays à opter pour la stratégie de la flexibilité au détriment de celle de l’implication négociée. Néanmoins, la question reste ouverte. En effet, les pays les plus engagés dans l’implication négociée, loin d’avoir perdu en compétitivité, continuent à en gagner. Les Etats-Unis perdent 2 milliards de dollars par jour ouvrable, l’Allemagne et le Japon restent l’atelier du monde pour les hautes qualifications

RS : Pourtant la France est réputée pour être marquée par une extrême réglementation du travail. Une des raisons invoquées pour rendre compte du taux élevé du chômage en France est justement cette rigidité du marché du travail. Comment expliquer ce paradoxe ?

Pour ce qui est de la rigidité du rapport salarial en France, c’est de l’histoire ancienne. Aujourd’hui la France est plus « flexible » que l’Italie, et moins compétitive.

En fait, à cause de la menace de perte de compétitivité, la France, comme d’autres pays, s’épuise à faire jouer au déficit public un rôle de stimulation de la demande qui, dans les années 60, était joué par les hausses de salaire. Même Martine Aubry n’a pas osé augmenter le Smic pour compenser pleinement la réduction du temps de travail.

Mais stimuler la croissance par le déficit public national, c’est mission impossible. On observe que le taux de chômage des pays européens est corrélé non pas avec le modèle choisi, mais avec le poids économique du pays. Plus un pays est important, plus son taux de chômage est haut ! Quel que soit le modèle choisi, les grands pays ont un taux de chômage autour de 10% et leur déficit public dépasse 3%. En revanche, les petits pays ont un taux de chômage autour de 5% tout en respectant le « pacte de stabilité ». Le Portugal, qui a fait le choix de la flexibilité, a le même taux de chômage que la Suède et le Danemark qui ont pourtant fait le choix de l’implication négociée. Bizarre, non ?

L’explication est simple : dans la mesure où l’Europe est privée d’un véritable budget européen, le rôle de la régulation macroéconomique d’ensemble est dévolu aux budgets nationaux des cinq plus grands pays. Ces grands Etats - qui représentent près de 80% du PNB européen - sont obligés d’assurer leur demande effective intérieure par des politiques budgétaires peu compatibles avec le respect du pacte de stabilité. Et malgré ce soutien à la demande, ils ne parviennent pas à baisser vraiment le chômage. En fait, ces politiques profitent à l’économie des petits pays comme le Portugal ou le Danemark qui exportent des produits bas de gamme ou haut de gamme en profitant du rôle de régulation macro-économique que jouent les gros pays.

RS : Pourtant, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, et même la Chine, sont des grands pays dont le taux de chômage ne dépasse pas 5%. Or, ces pays ont choisi le modèle flexible.

Si on applique aux taux de chômage britannique et américain les mêmes instruments de calcul que ceux du taux français ou allemand, on obtient non pas 5%, mais plutôt 7-8 %. Mais il reste une différence réelle : ces pays ont gardé le contrôle de leur politique économique. Si la Grande-Bretagne était dans l’euro, son taux de chômage serait, à mon avis, similaire à celui de la France et de l’Allemagne. Dans la mesure où elle a conservé son autonomie, elle peut avoir recours à des politiques monétaires et budgétaires lui permettant de réduire son taux de chômage. De même pour les Etats-Unis qui n’hésitent pas à avoir recours à des politiques keynésiennes massives, avec de fortes variations du taux d’intérêt et du déficit budgétaire. Le différentiel de chômage réside non pas dans le modèle choisi (qui détermine plutôt la compétitivité et surtout... la qualité de vie des salariés !), mais dans l’autonomie budgétaire et monétaire.

J’insiste : rien ne démontre que le modèle de la flexibilité soit plus compétitif que celui de l’implication négociée. J’ai comparé, il y a quelques années, une usine Toyota au Japon et une usine Ford au Mexique. L’usine mexicaine était entièrement automatisée, tandis que l’usine Toyota fonctionnait selon le modèle de l’implication négociée. Les ouvriers eux-mêmes commandaient leurs pièces détachées, si bien que l’usine Toyota avait seulement deux heures de stock, contre quinze jours pour l’usine mexicaine ! Dans les années 90, l’informatisation n’était pas rentable...

Depuis sept ou huit ans, il est vrai que ça change. Les gains de productivité liés à l’informatisation sont apparus, faisant des usines automatisées « à l’américaine » de sérieux concurrents du toyotisme. La performance de l’économie américaine repose aujourd’hui sur les NTIC, et non sur la supériorité du modèle flexible. Cela dit, en dépit de leur percée technologique, les Américains n’ont pas récupéré de parts de marché sur les produits manufacturés.

L’exemple chinois est atypique. La Chine est devenue l’« Atelier universel », elle pourrait assumer la quasi-totalité de la production mondiale en bas de gamme grâce à des salaires défiant toute concurrence. Son « armée de réserve » de chômeurs cachés à la campagne est quasi-infinie. Même si, demain, l’ensemble des ouvriers chinois bénéficiaient d’un triplement de leur salaire, ils seraient toujours plus compétitifs que les ouvriers indiens. Pour l’heure, la stratégie chinoise consiste à poursuivre son industrialisation fondée sur un taylorisme sauvage et bas de gamme, tout en accumulant des avoirs en dollars (donc des droits sur l’économie américaine et ses centres de recherches) dont elle se servira un jour pour remonter vers la qualité.

RS : De quels outils l’Europe dispose-t-elle pour se défendre contre les évolutions du capitalisme que vous venez de décrire ?

Je vous l’ai dit : j’étais très hostile à l’Acte Unique, et encore plus au traité de Maastricht. En 1992, en adoptant ce traité, l’Europe non seulement ne s’est pas doté d’une régulation globale, mais elle a choisi la logique du retrait du politique devant le marché, avec l’indépendance de la Banque centrale et les « critères de convergence ». J’ai également voté contre le traité d’Amsterdam qui transformait les critères budgétaires en « Pacte de Stabilité », avec cette règle aberrante des 3% à laquelle personne ne croit plus aujourd’hui. Je reconnais toutefois qu’Amsterdam a opéré un tournant institutionnel majeur en déléguant au Parlement Européen un réel pouvoir de décision. Et ensuite j’ai voté contre le traité de Nice qui impose des règles de décision si complexes que chaque pays a en fait un droit de veto contre toute décision collective !

A chaque fois, mon critère a été le même : l’Europe progresse-t-elle ou régresse-t-elle dans la voie d’une régulation politique à l’échelle européenne, capable d’une vraie politique économique (budgétaire et monétaire), d’une harmonisation vers le haut des législations sociales et écologiques ? Les quatre derniers traités allaient dans le mauvais sens. C’est pourquoi la stratégie de Lisbonne , qui voulait jouer la carte de « la compétitivité par la connaissance », c’est-à-dire par la qualification et l’implication de ses travailleurs (avec une claire référence « régulationniste » chez sa principale rédactrice, Maria João Rodrigues), n’a pas pu être mise en œuvre. Une telle stratégie nécessite un pilotage politique, le marché ne peut faire ça tout seul. Mais je dois dire que, malgré ses honteuses insuffisances, le « Traité pour une constitution européenne » (TCE) va, lui, plutôt dans le bon sens. Il généralise la prise de décision à la majorité des pays et la co-décision avec le parlement, il passe d’une tolérance à l’égard des services publics à l’obligation de « veiller à les fournir et à les financer », etc.

En fait , les quatre traités précédents étaient déjà des constitutions (ils déterminaient comment l’Europe adopte ses décisions, et notamment celles que malheureusement elle n’a pas les moyens de prendre), et le projet de Constitution reste encore un traité entre vingt-cinq pays différents prenant jalousement le maximum de garanties. Cela reflète où on en est au bout de cinquante ans de construction européenne. Dans un traité, on fixe dans le détail l’intégralité des engagements réciproques, sans véritable délégation de pouvoir décisionnel à un niveau supérieur, à l’instar par exemple du Traité Nord-Américain de Libre-échange (NAFTA) ou de la troisième partie du TCE. Dans une constitution, on se contente de fixer des règles de prise de décision, les décisions elles-mêmes étant laissées à l’avenir. Quand Susan George dit que la Constitution américaine tient en dix pages, il faut rappeler que le NAFTA, c’est des milliers de pages. Le Traité constitutionnel européen représente une sorte de moyen terme : nous ne sommes pas encore des Etats-Unis d’Europe, et déjà plus une zone de libre-échange.

La grande critique qu’on doit faire au TCE, c’est de ne pas aller assez loin dans la « révolte contre Maastricht et Nice ». Il conserve le pacte de stabilité, l’indépendance de la Banque centrale, l’unanimité en matière d’harmonisation fiscale ou sociale. Mais il est nettement plus facile à réviser que le traité de Nice, celui qui demeurera si le Non l’emporte et qui, lui, ne peut être révisé qu’à l’unanimité. Le TCE, avec ces trois procédure de révision possibles, avec ses « passerelles » et l’introduction d’un seuil des « quatre cinquièmes des pays », est conçu pour être révisable presque en continu. La première révision du futur TCE est déjà en cours d’élaboration : elle portera sur le pacte de stabilité (si le Non l’emporte, ce pacte sera aussi réformé, mais plus modestement). Et, à mon avis, la révision suivante modifiera le statut de la Banque centrale européenne.

Restons-en à la réforme en chantier : le pacte de stabilité. Ce pacte impose, depuis Amsterdam, de mener une politique d’austérité en période de vaches maigres, tandis qu’il autorise le laxisme budgétaire en période de vaches grasses ! La raison voudrait le contraire : il faudrait « inverser le calendrier », mener une politique « contra cyclique », réduire les déficits pendant les périodes d’euphorie, et desserrer les boulons en cas de récession. Par exemple, il aurait mieux fallu que Laurent Fabius, ministre de l’économie et des finances, fasse le choix de rembourser la dette en puisant dans la « cagnotte », plutôt que de baisser les impôts en 2000.

Je ne suis pas contre un pacte coordonnant les politiques budgétaires des Etats-membres. Mais il faut qu’il soit intelligent ! Dans la mesure où le budget européen ne pèse rien par rapport aux budgets nationaux, la conduite de l’économie européenne est assurée par les budgets des cinq grands pays. Si on en reste à Nice, on se contentera de modifier le calendrier des sanctions, on ne peut rien faire d’autre, mais ce serait déjà pas mal. Si on adopte le TCE, la « procédure de révision simplifiée » permettra sans doute d’évoluer vers un véritable gouvernement économique de l’Europe. Idéalement, il faudrait que le Parlement européen décide chaque année le montant du déficit autorisé des Etats. On pourrait même aller encore plus loin. Selon moi, un emprunt visant à financer le respect du protocole de Kyoto ne devrait pas être pris en compte dans l’appréciation du déficit budgétaire. La question de la « soutenabilité » devrait être introduite dans la définition du déficit autorisé, comme dans les futurs objectifs de la Banque centrale. Cette idée fait son chemin.

Mais soyons lucides : les deux « bonnes » sorties de la crise du capitalisme, une bonne régulation macro-économique européenne et un bon accord sur la qualification et la valorisation du travail, ne sont pas au centre des changements apportés par le TCE. Le TCE ne répond directement à aucune de ces questions, puisque, sur ces points, il en reste à Nice. Dans un premier temps, qu’on dise « Oui, nous passons au TCE » ou « Non, nous en restons à Nice », les questions de la sortie de la crise ne sont pas au menu du référendum !

Mais je pense pourtant que les avantages qu’apporte le TCE, aussi bien immédiats (en termes de démocratisation, de services publics, de droits sociaux, d’indépendance par rapport à l’OTAN - quoi qu’en disent ceux qui ne lisent pas les deux traités en vis-à-vis !) qu’en termes stratégiques, en termes de « révisabilité », sont suffisants pour répondre Oui au référendum. Pour la première fois, un traité européen ne comporte aucune avancée du marché, mais des avancées notables du point de vue de la régulation politique à l’échelle d’un continent.

On rétorquera que les progrès de la co-décision avec le parlement et de la majorité en conseil ne touchent pas les chapitres-clés. Certes, mais le nombre de votes en co-décision modifie l’économie générale de la prise de décision. Prenons l’exemple de l’Erika. Après le naufrage, la Commission a proposé une directive s’attaquant aux navires poubelles, le « paquet Erika1 ». Le Parlement l’approuve. Mais, Gayssot, alors président du conseil européen des transports, constate que la Grande-Bretagne, le Danemark et la Grèce sont opposés à ce projet, car ils ont une flotte comportant de nombreux navires inadaptés. Gayssot peut passer en force, à la majorité. Pourquoi fait-il ce jour-là le choix de l’unanimité ? Parce que les jours suivants, d’autres décisions du Conseil des ministres nécessitent l’unanimité. Pour éviter des représailles, la France fait le choix de l’unanimité, qu’elle obtient par des mesures d’assouplissement... qui permettent deux ans plus tard le naufrage du Prestige !!

Plus il y a de votes à la majorité, moins les « représailles » sont possibles. Plus le Parlement co-décide, plus la voix des citoyens se fait directement sentir. Cet espace politique n’a toujours pas de dimension sociale, il est vrai. Mais la possibilité du droit d’initiative législative citoyenne à partir de un million de signatures permet cette mobilisation sociale.

RS : Selon vous, le modèle européen est-il capable d’absorber les chocs économiques ?

Oui, du moins l’a-t-il été jusqu’aujourd’hui. Toutefois, l’arrivée des nouveaux pays - la Pologne, la République tchèque... - qui renforce l’hostilité latente de la Grande-Bretagne, modifie cette capacité de résistance. Il n’est pas exclu que ces trois pays (qui sont pour « Nice ou la mort ») votent Non et imposent l’Europe-impuissance niçoise pour une génération. On aura une Union Européenne réduite aux acquêts et ceux qui souhaitent aller plus loin avanceront dans le cadre de coopérations renforcées. Une sorte de « guerre de sécession interne » où ceux qui voudraient aller plus loin devront le faire hors Union Européenne. Au contraire, avec leTCE, cette « sécession » pourrait notamment s’appuyer sur la règle des « quatre cinquièmes » de l’article 443, qui indique que, s’il n’y a que trois ou quatre pays récalcitrants, il est légitime d’avancer. Comment ? Mystère.

Au fond, il y a plusieurs sortes de partisans du Non. Il y a ceux qui préfèrent l’Europe de Nice, l’Europe-impuissance de l’unanimité des gouvernements : la droite souverainiste et les communistes. Et il y a ceux qui disent Non par tactique ou par révolte : si le TCE était refusé, on resterait alors au traité de Nice, et comme le Traité de Nice est très mauvais, la volonté de le modifier serait très forte et on pourrait « la prochaine fois » faire encore mieux. Je ne crois pas, personnellement, à cette dynamique du Non positif. « La prochaine fois », c’est maintenant, et on fera encore mieux la fois d’après... À condition d’avoir déjà fait ce premier pas !




NOTES


[1Danièle Leborgne, Alain Lipietz : « Comment éviter l’Europe à deux vitesses ? », Travail et Société vol.15 n°2, Avril 1990.

[2Voir Alain Lipietz, Refonder l’espérance. Leçons de la majorité plurielle, La Découverte, Paris, 2003.

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