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par Alain Lipietz , Alain Lipietz et autres militants | 10 décembre 2012

Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi : prise de position écologiste

Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi : prise de position écologiste

Le pacte de compétitivité annoncé par Jean-Marc Ayrault le 6 novembre dernier sera soumis au vote de l’Assemblée nationale mardi 11 décembre puis à celui du Sénat quelques jours plus tard. Il consiste en 20 milliards de crédit d’impôt aux entreprises, assis sur la masse des salaires inférieurs à 2,5 SMIC. Ce montant annuel, qui sera atteint en 2014, sera financé à terme par 10 milliards d’économies publiques, 7 milliards de hausse de TVA et 3 milliards de fiscalité écologique. Dans son communiqué, EELV a dénoncé « une vision datée de l’avenir ».

Ce crédit d’impôt est en effet non seulement un chèque en blanc aux entreprises (la baisse de la TVA dans la restauration fut de ce point de vue un échec) mais c’est surtout un chèque à toutes les entreprises. Qu’il s’agisse de TPE ou de multinationales, d’entreprises en difficulté ou distribuant des dividendes, d’entreprises soumises ou pas à la concurrence internationale, d’entreprises écologiques ou polluantes, toutes bénéficient de la même disposition, sans condition. Cette mesure, pourtant extrêmement onéreuse, ne fournit donc aucun levier à l’Etat pour orienter l’économie vers une transition écologique. L’Etat verserait ainsi 20 à 30 millions par an à la société Mittal, ou encore 30 à 40 millions à Sanofi, qui aujourd’hui licencie malgré 5 milliards de profits.

Le bénéfice attendu de la mesure est une création revendiquée par le Gouvernement de 300 à 400 000 emplois. Même avec l’hypothèse la plus optimiste, on se retrouve donc à subventionner chaque emploi potentiellement créé à hauteur de 50 000 euros... ce qui correspond à un salaire net mensuel de 2 000 euros ! A l’heure où nombre de fonctionnaires ne sont pas remplacés, le Gouvernement nous propose donc de prendre en charge intégralement des emplois dans le secteur privé, en surajoutant ce crédit d’impôt sans condition à l’exonération (dite « Fillon ») de charges patronales sur les bas salaires.

En ce qui concerne le financement de cette mesure, les 10 milliards d’économies supplémentaires dans les dépenses publiques s’ajouteront à ceux que nous impose le respect dogmatique des 3 % et viendront à nouveau dramatiquement démanteler les services publics et grever les crédits d’intervention de la plupart des ministères. Ensuite, la hausse de 7 milliards de TVA revient à faire payer aux ménages le chèque accordé aux entreprises. En outre, la hausse de TVA se traduira essentiellement par l’augmentation du taux intermédiaire, qui passera de 7 à 10 %. Or c’est ce taux qui est appliqué à la plupart des secteurs participant à la transition écologique, qui se verront donc pénalisés : transports en commun, traitement des déchets, rénovation thermique des bâtiments, logement social etc. Enfin, si l’annonce d’une fiscalité écologique est certes une bonne nouvelle, son calendrier est très flou et son montant, 3 milliards, dérisoire : il en faudrait déjà 20, ne serait-ce que pour rattraper la moyenne européenne !

Ces mesures constituent un tournant radical dans la politique du Gouvernement. Signes qui ne trompent pas : François Bayrou a considéré que le Président « a annoncé un tournant majeur de sa politique en direction d’idées [qu’il défend] depuis dix ans », tandis que le MEDEF s’est déclaré « globalement satisfait ». De l’autre côté, d’éminents députés socialistes de la Commission des Finances se sont autorisés un communiqué pour réclamer que le crédit d’impôt soit ciblé sur les PME.

Plus surprenant encore, bien que cette réforme soit profondément structurante (probablement la réforme économique la plus importante du quinquennat), rien ne permettait de l’anticiper. En effet, le 31 août dernier, le Président de la République avait expliqué que « le travail ne coûte pas plus cher en France qu’en Allemagne » et que « la compétitivité est affaire surtout de gammes plus élevées, de secteurs à plus haute valeur ajoutée ». De même, le 27 septembre sur France 2, à la question « le Gouvernement augmentera-t-il la TVA dans les cinq à venir ? », le Premier ministre avait répondu « nous ne ferons pas cette erreur ». L’impréparation de cette réforme semble telle que le Gouvernement a été obligé de l’introduire par des amendements qu’il a dû déposer à son propre projet de loi de finances rectificative - une pratique peu propice à la concertation politique ni au débat.

Malgré l’urgence et la précipitation choisies par le Gouvernement, les députés écologistes ont réussi à mener avec lui un débat pied à pied. Ils ont proposé de nombreux amendements visant à aménager la hausse de TVA pour en épargner les secteurs critiques et d’autres pour mieux cibler le crédit d’impôt, en le dotant de conditions économiques, sociales et environnementales. Malheureusement, et malgré le soutien de nombreux autres bancs de gauche, aucun de leurs amendements n’a été accepté. Signe du manque d’ouverture du Gouvernement, tout ce qu’ils ont pu obtenir est la promesse de création d’un groupe de travail sur la TVA en 2013.

Après la discussion des articles du texte à l’Assemblée, qui s’est achevée vendredi 7 décembre, la question qui se pose désormais est celle du vote de ce projet de loi, mardi 11 décembre après-midi. Les signataires de cette motion considèrent qu’un vote unanime pour ce texte des députés et des sénateurs écologistes ne serait pas représentatif de la position du mouvement.

L’argument d’une obligatoire solidarité avec le Gouvernement sur ce texte au motif qu’il s’agit d’une loi de finances rectificative ne nous semble pas évident. Si l’on peut concevoir que le vote du budget de la France constitue un marqueur de l’appartenance à la majorité, cela ne saurait s’appliquer à toute loi de finances rectificative. Le vote du budget, c’est le vote de l’ensemble des crédits des ministères, programme par programme, action par action. Cet examen, qui comporte en creux la validation de toutes les politiques sectorielles, n’a lieu qu’une fois par an, dans le projet de loi de finances. Les lois rectificatives sont beaucoup plus nombreuses, elles comprennent des mesures diverses (par exemple, l’octroi de la garantie de l’Etat à Dexia avait nécessité une loi de finances rectificative spécifique) et ne reviennent pas sur les crédits des ministères. Considérer que le vote de chacune d’entre elles signe l’appartenance à la majorité est donc un pur postulat, que nous ne partageons pas.

Même si ce projet de loi comprend aussi d’intéressantes dispositions contre la fraude fiscale, son cœur est bel et bien un crédit d’impôt de 20 milliards sans condition aux entreprises, payé par des économies sur les services publics et une augmentation de l’impôt sur les ménages le plus injuste : une mesure contraire à la vision écologiste, une mesure fondamentale qui n’était pas dans les engagements de François Hollande et encore moins dans nos accords politiques, une mesure que le Premier ministre considérait encore il y a mois comme une « erreur », une mesure non préparée, pour laquelle le Gouvernement ne laisse aucune marge de manœuvre au Parlement...

Au début de la mandature, les présidents de nos groupes parlementaires avaient revendiqué avec force leur liberté de vote. Si elle n’est pas exercée par nos parlementaires sur ce texte, quand le sera-t-elle ? Le TSCG aura-t-il été le premier et le dernier texte sur lequel les écologistes se seront autorisé une expression forte ? Rappelons que ni le vote contre ni l’abstention de nos parlementaires ne changera le destin de ce projet de loi, ni à l’Assemblée ni au Sénat... Voter pour cette loi de finances rectificative irait à l’encontre de ce que portent les écologistes.

Premiers signataires : Laurent Audouin, Michel Bock, Yves Cochet, David Cormand, Karima Delli, Jérôme Gleizes, Alain Lipietz, Didier-Claude Rod, Marine Tondelier.

Signataires : Françoise Alamartine, Marie-Elisabeth Allaire, Denis Arbel, Jérôme Artaz, Francine Bavay, Malika Benarab Attou, Francois Beaumert, Claude-Marie Benson, Michel Berthelin, Aurélien Berthou, Christophe Blanquart, Hervé Bocquet, Maryvonne Boileau, Nicolas Bonnet, Robert Bordin, Serge Borvon, Michel Bourgain, Bruno Bourgeon, David Bourguignon, Pierre Boyer, Eliane Brousse, Benoît Brulin, Michel Cadiou, Hélène Carlet, Dominique Carré, Emmanuel Cau, Yves Chagneau, A. Chasseloup, Philippe-Eric Chatelain, Joël Chesnais, Pierre Christophe, Sergio Coronado, Alain Coulombel, Louise Crovetti, Bernard Crozel, Pierre-Yves Dacheux, Philippe Debeire, Elen Debost, Pierre-Nadir Doumandji, Sylviane Dupont, Corine Faugeron, Jean Fleury, Fabrice Floch, Yves Frémion, Claire Grover, Valérie Guérout, Julien Hermilly, Ghilaine Jeannot Pages, Cécilia Joxe, Wandrille Jumeaux, Bernard Lachambre, Jean Laffont, Annie Lahmer, Patrice Lanco, Jocelyne Le Boucicaut, Olivier Lebrun, Gilles Lemaire, Marc Lipinski, Elise Lowy, Vincent Madeline, Olivier Masson, Daniel Meilhac, Pierre Meriaux, Christian Métairie, Annick Minnaert, Pierre Minnaert, Agnès Mollon, Yann Mongaburu Domejean, Monique Morin, Eric Mourey, Maryse Oudjaoudi, Raymonde Poncet, Jean Quilleret, Sandra Renda, Philippe Reynaud, Alain Richou, Daniele Roury, Anne de Rugy, Philippe Sabatier, Laurent Saint-André, Thierry Schlumpf, Marie-Cécile Seigle-Vatte, Martin Siloret, Sébastien Simon, Djamila Sonzogni, Frédéric Supiot, Jean-Marc Tagliaferri, Dominique Tessier, Marie Toussaint, Jeannie Tremblay, Daniel Trillon, Jordan Trombetta, Claude Vilain, Nicolas Villain, Théo Zimmermann.




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