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par Alain Lipietz | 25 janvier 2011

À propos du discours du président la Sncf, G. Pepy, sur la responsabilité de l’entreprise dans la Shoah

 Sur le discours du président la Sncf, G. Pepy, à Bobigny, ce 25 janvier 2011.

Le discours de G. Pepy tranche enfin avec l’invraisemblable bonne conscience, le cynisme de la Sncf en 2006, quand le tribunal administratif de Toulouse l’avait condamnée pour son rôle dans la Shoah. « Pourquoi n’avons nous pas distribué d’eau aux déportés ? assénait alors son secrétaire général. Parce que cela aurait perturbé le trafic. Or, aujourd’hui, comme à l’époque, le métier de la Sncf est de faire rouler les trains. »

Désormais, le président de la Sncf affirme ses « regregts », sa « profonde douleur » : « Entreprise d’Etat, la Sncf a été un rouage de la Shoah… Je m’incline devant les victimes, les survivants et les enfants de déportés, devant la souffrance qui vit encore ».

Pour ces mots tant attendus, que Monsieur Pepy soit remercié.

Pourquoi faut-il donc qu’il multiplie les clins d’œil à ses avocats, se gardant toujours contre les procès qu’il pourrait perdre d’un coté ou de l’autre de l’Atlantique , au point que de faire passer sa sincère douleur pour des larmes de crocodiles à l’usage des décideurs américains d’un contrat de TGV ? Pourquoi faire croire que la Sncf était « contrainte, réquisitionnée » quand elle avait passé une convention commerciale avec le régime collabo, quand elle avait fixé avec le chef de sa police René Bousquet le protocole de ces « transferts », pour lesquels elle se faisait payer, et l’avait encore aggravé en refusant de donner de l’eau ?

G. Pepy affirme aujourd’hui que la Sncf était une « entreprise d’Etat ». C’est faux : elle appartenait encore à 50% aux « barons du rail » qui ne pensait qu’à facturer au maximum la déportation (au prix de billets de 3e classe, pour des wagons à bestiaux) , y compris à la France libérée. Mais cette formulation lui permet d’échapper à la justice américaine. En France, en 2006, elle a plaidé en appel (avec succès) exactement le contraire : qu’elle n’était qu’une entreprise commerciale et pas investie d’une mission de service public, qu’elle ne pouvait donc être condamnée par un tribunal administratif.

G. Pepy cite le discours du Vel d’Hiv de Jacques Chirac. Mais pourquoi censure-t-il la phrase célébre « Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. » ? Cherche-t-il encore à jouer la montre, à profiter de la prescription décennale ? Ou s’apprête-t-il à indemniser les victimes, comme l’y avait condamné le tribunal administratif de Toulouse, et comme l’Etat a accepté de le faire ?

G. Pepy cite les travaux des historiens. Pourquoi censure-t-il le nom du seul qui ait travaillé sur les quelques archives accessibles, Christian Bachelier, travaux sur la base desquels la Sncf a été condamnée à Toulouse pour ses responsabilités propres ?

G. Pépy fait l’éloge – et grâce lui soit rendu aussi pour cela – de « l’insoumission, la révolte » des cheminots de base devant les ordres odieux de leurs chefs (qui, à plusieurs reprises, réorientèrent vers Auschwitz le dernier train de Bobigny, détourné par les cheminots résistants). Est-ce à dire qu’une nouvelle charte déontologique va enseigner aux cheminots, et en particulier aux cadres, à résister aux ordres qui ne mettent pas en première ligne le service dû aux êres humains transportés ? Va-t-il enfin honorer la mémoire du seul cheminot qui refusa de conduire un train de déportés, Léon Bronchart ?

Telles sont les réponses qu’attendent légitimement les cheminots et tous les Français. Pour que « plus jamais ça ».

 Lire ici le discours de G. Pepy :



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