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par Alain Lipietz | 6 janvier 2005

La Tribune des Verts
Pour un OUI de mobilisation
Il est des moments dans la vie politique, comme dans la vie personnelle, où une décision ponctuelle change le destin. Une erreur, même de bonne volonté, peut avoir des conséquences tragiques. Le referendum sur le Traité pour une Constitution Européenne, comme celui sur Maastricht, est de ceux-là. Il faut alors résister à deux tentations :
- le choix d’humeur (« Je me suis déjà fait avoir... »),
le calcul tactique en fonction de ce que font les autres.

Nous voterons Oui, mais pas « parce que Le Pen, de Villiers, Charasse, Chevènement voteront Non », comme nous n’aurions pas voté Non « pour faire comme ATTAC ».
Nous voterons Oui, parce que nous pensons que la lutte pour l’écologie, pour la solidarité, pour la démocratie, pour la planète, sera plus facile avec le TCE qu’avec les traité actuellement en vigueur. Et parce que le TCE nous offre plus de possibilités d’évolutions ultérieures, par la mobilisation, que les traités actuel.

C’est en effet la seule question qui nous est posée. Voter Non, c’est décider d’en rester aux traités actuels (Maastricht - Amsterdam - Nice). Voter Oui, c’est accepter les modifications proposées.

Ces modifications sont importantes. Elles améliorent considérablement la définition des valeurs et des objectifs de l’Europe. Elles énoncent des droits qui ne figurent pas encore dans la Constitution nationale de nombreux pays d’Europe, elles doublent les pouvoirs du parlement élu, elles débloquent la prise de décision collective. Elles reconnaissent d’autres politiques de défense que l’OTAN, elles reconnaissent la spécificité du financement des services publics. Elles offrent surtout des moyens d’une évolution future fondée sur la mobilisation des citoyennes et des citoyens.
S’il nous était proposé de voter seulement sur ces modifications, nul doute que le Oui serait écrasant chez les Verts. Mais voilà : nous votons sur la totalité du texte, avec, dans sa partie III, tous les actuels articles que nous combattons depuis le Traité de Rome, et encore plus depuis Maastricht (la politique monétaire) et Amsterdam (le pacte de stabilité). Nous comprenons la tentation de voter Non, pour protester contre ces articles non modifiés. Toutes les critiques « de gauche » contre le TCE portent sur ces articles en vigueur depuis longtemps. Seulement voilà : voter Non ne permet même pas de se dire « je n’ai pas voté çà ! », car c’est justement voter qu’on en reste à ces articles-là, sans les réformes proposées par le TCE. C’est à dire aux traités qui depuis des lustres organisent le libéralisme, et qui seraient ainsi désormais sacralisés par le refus populaire de les réformer.

« Alors, vous votez pour le moins pire ? » Oui. Nous refusons la politique du pire (en rester à Nice). Toujours. C’est pourquoi, par exemple, nous n’avons jamais demandé la sortie de l’Union, malgré ces articles... Nous savons que l’environnement est infiniment mieux protégé par l’Europe que par la France, et que les multinationales ne pourront être contrôlées que par l’Europe.

Il n’y aurait qu’un argument pour la politique du pire : il serait plus facile de se mobiliser pour en sortir. Mais que se passera-t-il si le Non l’emporte ? Les partisans de « donner un coup d’arrêt » auront gagné : on en restera à Maastricht et Nice - liberté pour les capitaux et les marchandises, impuissance du politique. Les gouvernements de droite, qui, en décembre 2003, s’étaient opposés à la constitution, auront gagné. Or le traité de Nice ne peut être modifié qu’à l’unanimité des gouvernements. Les adversaires cachés des avancées du TCE (Chirac, Blair) prendront un air résigné : « Nous prenons acte que les peuples ne veulent pas aller plus loin dans l’union politique de l’Europe. Des coopérations intergouvernementales resteront possibles, dans les domaines technologiques, militaires, etc ».Le néo-libéralisme et sa constitution (Nice) resteront gravés dans le marbre pour 20 ans.

Et les forces sociales ? A l’échelle européenne, 80% des électeurs du Non seront de droite ou d’extrême droite. Et parmi les partisans du « Non de gauche », l’écrasante majorité est hostile à l’Europe, comme FO (seul au sein de la Confédération Européenne des Syndicats à voter Non), ou tout au plus pour une Europe des nations, celle des Fabius, Mélenchon ou Krivine. Au FSE de Londres, l’unique atelier pour le Non s’appelait : « Les Peuples contre une Europe fédérale ». Le non de gauche, écologiste, pro-européen, fédéraliste ? c’est insignifiant en Europe.

Si, au contraire, le Oui l’emporte, un premier pas dans la réforme démocratique de l’Europe aura été franchi, et déjà, au Parlement, la gauche s’empare du futur traité (pour les services publics, ou pour retoquer la Commission Barroso « non conforme aux valeurs de la Constitution »). Les députés obtiennent le droit d’initiative constitutionnelle, et les citoyens obtiennent le droit d’initiative législative, sur pétition d’un million de signataires. Rien n’est jamais définitif dans les textes européens, et nos 25 pays évolueront un jour , si nous apprenons à vivre les mobilisations à l’échelle européenne.

Une fenêtre s’ouvre alors pour une dynamique de réformes, articulant la démocratie représentative et la mobilisation des organisations de masse européennes (comme la Confédération Européenne des Syndicats, qui soutient la Constitution « comme le point de départ d’un long processus, et non comme un aboutissement.. ») Des batailles concrètes (sur les OGM, la citoyenneté, l’Europe sociale...) peuvent dès lors s’engager, avec des outils légaux, qui sont là pour ça. Les partisans du « Non anti-libéral » ne pourront pas s’y dérober : les amis qui auront fait sur le referendum des choix différents se réunifieront dans les combats communs.
On ne gagnera pas à tous les coups, ni tout de suite. Mais au moins l’espoir sera là, la preuve sera faite : oui, on peut changer l’Europe !

Natalie Gandais-Riollet, Patrick Garnon,
Alain Lipietz, Gérard Peurière,
Francine Ségrestaa-Comte




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