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par Alain Lipietz | 9 mai 2011

« La direction d’Europe écologie a mis en place une structure oligarchique »
Interview sur Marianne 2.fr
Entretien avec Gérard Andrieu sur les enjeux du congrès d’Europe-Écologie-Les Verts.

« La direction d’Europe écologie a mis en place une structure oligarchique »

Paru sur le site de Marianne2.fr

Marianne : A moins d’un mois du congrès d’Europe écologie – Les Verts (EÉLV), vous publiez sur votre blog un billet féroce à l’encontre de la direction actuelle et de sa motion baptisée « Maintenant ». Quels sont exactement vos griefs ?

Alain Lipietz : Il y a deux griefs qui sont finalement portés par les trois motions critiquant la direction sortante. D’une part, il y a la question du frein que la direction met à l’élargissement d’EÉLV, à la naissance de ce que nous appelons la « coopérative ». Et il y a la question de la démocratie. Ce ne sont pas des griefs nouveaux. Il y avait déjà eu de sérieuses inquiétudes après les législatives partielles dans les Yvelines, au moment de la constitution des listes d’EÉLV pour les élections régionales. Sur ces deux sujets, il y a des résistances de l’appareil des Vert, d’énormes coups de frein donnés par la direction.

Sur la question de l’élargissement, souhaitons-nous qu’Europe écologie – Les Verts soit seulement les Verts en plus grand, un peu comme le NPA avec la LCR ? Ou bien voulons-nous, avec EÉLV, marquer une rupture avec le modèle traditionnel du parti politique que nous connaissons depuis la Charte d’Amiens de 1906, et faire en sorte que ce soit une formation capable d’élaboration, d’action et de décision commune à des militants associatifs ou syndicaux, des citoyens actifs mais réticents envers les partis ? Car le constat est simple : les gens votent pour Europe écologie – Les Verts, mais ils n’y entrent pas…

Par ailleurs, la direction sortante (Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé et leurs amis) a mis en place une structure oligarchique. Ils ont évidé la démocratie ou, plutôt, ils l’ont suspendue au prétexte des négociations « complexes » pour la constitution des listes régionales, puis de la direction de Europe Ecologie Les Verts.

EÉLV qui affirmait vouloir « faire de la politique autrement » semble, lorsqu’on vous lit et vous écoute, faire de la politique tout ce qui a de plus à l’ancienne ?

Très à l’ancienne même ! Avec la direction sortante, nous connaissons clairement un retour à des pratiques que l’on croyait n’exister qu’à l’UMP ou au PCF, avec un chantage exercé sur les cadres et salariés du parti : ou avec nous, ou sans vous.

Vous reprochez à la direction d’être à l’origine de « tirs de barrages » contre Daniel Cohn-Bendit, notamment sur le fait qu’il ne puise pas conduire sa motion étant donné qu’il n’était pas à jour de cotisations. Pourtant, le Conseil statutaire d’EÉLV a fait des observations contre plusieurs listes et pas seulement celle que mène Cohn-Bendit et à laquelle vous appartenez ?

Ça me fait rire ! Il y a effectivement tentative d’invalidation de notre motion par le biais de son principal animateur qu’est Dany, tentatives aussi infondées qu’acharnées. Ceux qui ont lancé cette campagne n’ont pas conscience des effets désastreux que cela peut avoir. Ils font passer leur intérêt personnel au sein d’Europe écologie avant l’intérêt de l’écologie politique. C’est dans la nature humaine après tout… Mais cette tentation de tirer contre son propre camp est en train de susciter des réactions à l’intérieur même du courant de la majorité sortante. Beaucoup n’oublient pas que Daniel Cohn-Bendit a permis le succès d’EÉLV.

Ces déchirements internes ne rendent en tout cas pas service au futur candidat écologiste à la présidentielle quel qu’il soit. Vous en avez d’ailleurs vous même fait l’expérience lorsque vous avez été candidat à la présidentielle de 2002 ?

Oui, j’ai connu une éviction par des méthodes de lâcher de rumeurs assez similaires en 2001. Je peux en témoigner, cela nuit durablement… au mouvement ! Tous ces déchirements ralentissent en effet le vote et l’adhésion à l’écologie. Les gens ont pourtant besoin d’un parti-coopérative, un grand tuc collectif pour répondre à la crise écologique et sociale à laquelle nous sommes confrontés.

Un autre débat agite plus discrètement les écologistes : le fait que les dépenses de campagne des primaires ne soient pas plafonnées ? C’est notamment ce que certains reprochent à Nicolas Hulot ?

Les Verts ont décidé très tôt de ne pas accepter l’argent des entreprises, même actives dans l’environnement, pour garder leur liberté. Je me souviens qu’à la fin des années 80 la Compagnie générale des eaux avait envoyé un très gros chèque aux Verts. Nous ne savions pas qu’en faire ! Et puis il y a eu la révolution en Roumanie. Cet argent de la CGE a finalement servi à aider le mouvement écologiste roumain. Aujourd’hui, Nicolas Hulot, lui, arrive avec une autre tradition…

Hulot a dit qu’il s’interrogerait le moment venu. Cohn-Bendit et Bové, vos camarades de motion, également. Croyez-vous, comme eux, qu’il faudra s’interroger à la rentrée sur l’opportunité de présenter une candidature écologiste à la présidentielle si Marine Le Pen est toujours aussi haut dans les enquêtes d’opinion ?

Il faut s’interroger tout de suite, mais ne pas prendre de décision trop tôt. Jadis, la présidentielle reposait sur une idée simple : au premier tour, on choisit, au deuxième, on élimine. Cette logique a été rompue par la probabilité du FN au second tour : désormais, faut-il éliminer dès le premier tour ?

Mais le succès de Marine Le Pen repose sur l’incapacité de la gauche à présenter un programme « exaltant », or il le sera d’autant plus que sa composante écologiste sera forte. Je ne suis pas de ceux qui prennent pour acquis que le FN a réussi à capter durablement le vote ouvrier. Et l’on ne peut pas compter sur la pure tactique quant au nombre de candidats à gauche pour faire baisser le FN.

Néanmoins, nous ne pouvons écarter l’éventualité, au dernier trimestre, de changer notre tactique et passer un accord avec le PS sur la présidentielle et les législatives. Un accord qui ne portera pas sur 15 circonscriptions, mais 60 gagnables. Car, du fait de l’inversion du calendrier, si l’écologie disparaît des écrans radar pendant les six mois de la campagne présidentielle, elle risque de ne plus exister aux législatives, et qui alors pèsera pour une transition vers une sortie « verte » de la crise ? Si nous sacrifions la campagne présidentielle, le PS devra consentir à une très grosse compensation législative…




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