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Crise des banlieues, rapport aux services publics : les réponses du tiers (…)
> L’expérience des régies de quartier (http://lipietz.net/?article1838)
par Zinn-Din Boukhenaissi | 6 février 2006 Crise des banlieues, rapport aux services publics : les réponses du tiers secteur L’expérience des régies de quartier
Le Comité National de Liaison des Régies de Quartier est un réseau d’acteurs qui travaille à la capitalisation des expériences et essaie de les diffuser. Je suis un enfant à la fois de la classe ouvrière et des mouvements d’éducation populaire. Cela tranche avec le regard de plus en plus ethnicisé que l’on porte sur les jeunes des quartiers populaires et qui, à mon avis, pose problème. Le terme « régie de quartier » n’emprunte pas à la terminologie des collectivités locales, au sens de régie de service d’une collectivité locale ou d’un bailleur, mais à celle du théâtre. En effet, la régie met en scène les acteurs d’un territoire et essaie de donner à voir un certain nombre d’actions, d’activités et de projets de façon à valoriser les personnes qui les portent et à repenser l’action publique ou privée dans ces quartiers. L’expérience des régies a vingt ans. Celles-ci développent, sur des territoires circonscrits à l’échelle d’un ou plusieurs quartiers, principalement d’habitat social, des activités de gestion urbaine de proximité, telles que l’entretien de la voirie ou des parties communes des bailleurs, dans une logique de coproduction de services. Ces actions visent à ce que les habitants définissent avec les acheteurs publics (collectivité locale ou bailleurs) les conditions d’exécution des prestations en doublant chaque prestation technique d’une prestation de lien social. Les régies développent par ailleurs une série d’actions inventées par les habitants pour répondre à des besoins locaux. Il peut s’agir d’un garage ou café-restaurant associatif ou encore d’une activité d’écrivain public, c’est-à-dire toutes sortes d’activités concourrant à recréer du lien et à rapprocher les habitants des institutions publiques implantées dans ces territoires. La participation des habitants fait partie de notre projet politique. Une régie ne peut pas être labellisée par notre réseau si les habitants ne sont pas majoritaires au sein des conseils d’administration des régies, à la fois en tant qu’acteurs salariés et qu’acteurs bénévoles. En règle générale, il existe au sein de ces conseils d’administration un collège des habitants salariés et un collège des habitants usagers des prestations développées par la régie. Comme toutes les associations qui travaillent dans ces quartiers, nous rencontrons des difficultés à mobiliser les habitants sur notre projet politique qui est complexe. Nous avons aussi beaucoup de difficultés à mobiliser les hommes politiques, quelle que soit leur couleur politique. Lorsque nous leur présentons notre projet, les politiques répondent qu’ils refusent la création de comités de salut public. Il existe donc une crainte fantasmée vis-à-vis des habitants, et surtout des jeunes. La deuxième difficulté tient au fait que notre projet s’inscrit dans le champ de l’économie solidaire et non de la précarité des emplois. Nous demandons que les habitants, relevant majoritairement du droit commun, bénéficient de contrats eux-mêmes de droit commun. Notre projet politique vise à former les habitants et à leur donner une responsabilité sur leur territoire de vie à partir d’un contrat de droit commun qui pérennise leur prestation et leur présence. Cependant, nous rencontrons de grandes difficultés avec les bailleurs et les élus quand nous évoquons des CDI. La troisième difficulté est liée à la nature des publics que nous accueillons. 80 à 90 % des salariés des régies sont issus de l’immigration. Or certains élus locaux ont des difficultés à appréhender la question du salariat avec ces publics. Ces difficultés pèsent sur notre taux de croissance qui demeure faible. Depuis six ans, notre réseau plafonne à 140 régies alors que je travaille sur vingt projets de création de régie par an. En interne, nous devons aussi faire face à des difficultés pour former nos militants et nos cadres. Dans certaines Régies, l’organisation démocratique n’est pas priorisée. Nous sommes toujours dans des organisations pyramidales et hiérarchisées. Les régies de quartier et les entreprises ordinaires suivent des modes de fonctionnement très proches dans la gestion de leurs équipes. Nous n’avons pas réussi à former des cadres qui repensent le fonctionnement démocratique à l’intérieur de l’entreprise. Une deuxième difficulté concerne la formation des cadres qui peuvent porter un regard ethnicisé sur les habitants et sur les quartiers. Nous sommes confrontés à un turnover important des cadres, comme toutes les associations dans ces quartiers. Il faut donc former en permanence les cadres, qui ne sont pas forcément acculturés, aux grands mouvements d’éducation populaire. Il faut donc en permanence remettre l’ouvrage sur le métier avec des moyens qui sont relativement faibles. S’agissant du lien entre le développement d’activités par les régies et les relations avec le service public, nous avons développé l’activité des correspondants de nuit qui est une activité de médiation nocturne. Nous avons travaillé deux ans sur l’approche méthodologique et déontologique de cette mission. Il était important pour nous que cette activité ne se substitue pas à l’action de la police ni au travail social établi dans les quartiers. La régie a plutôt vocation à inventer des formes nouvelles d’intervention sur les espaces publics. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur le projet des agents spécialisés des écoles maternelles. De nombreuses régies ont été sollicitées par les collectivités locales pour mettre en place cette activité, mais dans une logique d’externalisation des services publics. Or nous nous sommes opposés à cette logique. Il était important pour nous de travailler avec les femmes des quartiers sur le rôle de l’école et de créer des passerelles entre elles et l’école publique. Mais nous ne souhaitions pas que les régies se substituent à une activité de la fonction publique. En ce qui concerne les événements de novembre, je n’aime pas utiliser l’expression « violences urbaines » car, à mon sens, on ne se rend pas compte de la violence inouïe subie par les habitants de ces quartiers, particulièrement par les jeunes. Je préfère l’expression « émeutes urbaines ». Pendant ces émeutes, nombre de régies ont créé des cellules de veille avec les habitants usagers, salariés ou militants pour conduire une régulation sociale et éviter les explosions de violence trop fortes. Aucune régie n’a été visée par les violences. Je pense que les régies ont une vraie capacité à accomplir ces actions de régulation quand elles ont une vraie légitimité dans les quartiers et ont conduit un vrai travail de participation effective avec les habitants. |
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