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par Mounira Mehiri | 6 février 2006

Crise des banlieues, rapport aux services publics : les réponses du tiers secteur
L’action de l’association Partenaires pour la Ville
Vous pouvez consulter l’ensemble du programme.

J’ai créé et animé l’association Partenaires pour la Ville à Saint-Denis. L’association a produit des résultats dès lors que des moyens lui ont été octroyés à partir de 1997. Cependant, aujourd’hui, le désengagement de l’Etat, notamment sur le dispositif « emplois jeunes », fragilise l’action de l’association et conduit la ville de Saint-Denis à assumer seule cette association.

A l’origine, les transporteurs RATP et SNCF ont considéré que leurs salariés ne bénéficiaient plus des conditions de travail suffisamment correctes pour travailler dans certaines banlieues. Ces entreprises ont profité de l’arrivée du dispositif « emploi jeunes » pour créer une association qui confierait à de jeunes salariés un travail de médiation sur l’espace public. Ce travail devait être mutualisé, c’est-à-dire les salariés de l’association devaient travailler pour l’intérêt général et non pour chaque entreprise publique. Le Conseil d’administration de l’association a donc été composé de la ville de Saint-Denis, la RATP, la SNCF, EDF-GDF Service et la faculté de Paris VIII. La ville s’intéressait alors à la mise en place de services de proximité et de médiation sur son espace public et à la possibilité de donner de l’emploi à de jeunes habitants. A ce moment, la construction du stade de France était en cours, les finances de la ville étaient en hausse et tout le monde devait participer à cette richesse. L’association a embauché 70 salariés, dont cinq à six encadrants et 65 « emplois jeunes ». Le dispositif « emploi jeunes » était en principe ouvert à tous mais la Ville et l’Etat ont décidé qu’il bénéficierait à des jeunes non qualifiés et habitant sur place, non parce qu’ils étaient les mieux placés pour régler des problèmes qu’ils connaissaient, mais pour créer de l’emploi sur un territoire considéré comme un territoire de ressources partagées. Il existe un véritable sentiment d’appartenance à la ville de Saint-Denis où les habitants ne se sentent pas en banlieue.

Ce dispositif n’a pas produit les effets escomptés, à savoir la création de nouveaux services de médiation. Il a en fait réduit la distance qui existait entre les jeunes salariés et les services publics. La confrontation au quotidien de jeunes de banlieues avec des machinistes ou avec des guichetiers a entraîné une reconnaissance de part et d’autre. Au départ, les jeunes considéraient les machinistes comme des fainéants tandis que les machinistes se faisaient une image caricaturale des jeunes de banlieue (notamment en les assimilant à ceux qui jettent des pierres sur leurs autobus). Très rapidement, chacun a pu constater les difficultés auxquelles les autres faisaient face. Ainsi, les jeunes qui, au départ, s’estimaient largement capables de faire un travail de machiniste qu’ils considéraient comme extrêmement simple, changeaient radicalement d’opinion au bout de deux mois. Ils se rendaient compte que la solitude du poste et le stress induit par les problèmes de circulation rendaient ce travail très difficile et ils ne voulaient plus devenir machinistes.

Ce dispositif est une solution parmi d’autres. Mais en l’espèce, il y a eu un réel rapprochement entre le service public et les jeunes. Ce rapprochement est aussi dû au fait que le dispositif « emploi jeune » donnait accès à un véritable emploi. Même si le financement par l’Etat n’était assuré que pour cinq ans, les jeunes qui n’avaient connu jusque-là que des emplois de très courte durée se considéraient comme en CDI. Par ailleurs, il s’agissait d’un emploi de droit commun, ce qui entraînait l’accès à un statut social et au respect. Cet emploi leur permettait de faire des projets et de rencontrer des adultes, ce qui ne leur était pas arrivé, en dehors du cercle familial, depuis l’école.

Ce dispositif était censé apporter formation et qualification. Des stages d’accès à la citoyenneté nous ont été proposés mais nos avons préféré considérer que ce sont les conditions d’exercice d’un emploi qui permettent l’accès à la citoyenneté. Au sein de l’association, se sont constitués des délégués du personnel, des comités d’entreprise et des syndicats. Cela n’a pas été facile mais la majorité des salariés a participé aux élections.

La médiation s’est davantage faite entre les salariés du service public et ceux de l’association qu’avec la population, à la nuance près que le personnel de l’association constituait aussi une fraction de la population. Des tutorats spontanés se sont mis en place. Un grand nombre de machinistes se sont occupés de jeunes, sans qu’il soit ici question de charité, pour les aider à intégrer la RATP. Ainsi, les trois premières années, 30 % des jeunes sont entrés à la RATP et à la SNCF, ce qui a fait l’objet de fêtes dans des quartiers, ( on est loin des voitures brûlées, il faut savoir que ces deux types de réactions peuvent coexister). Dans certains quartiers, c’était la première fois qu’un jeune obtenait un CDI et devenait « fonctionnaire ». Là, on peut mesurer les « bienfaits « de l’égalité républicaine.

Des difficultés subsistaient tout de même. Certains machinistes refusaient que les jeunes montent dans leur autobus. Mais aucune confrontation directe ne s’est produite. Une autre façon de travailler s’est mise en place avec une liste noire des autobus que les jeunes refusaient d’utiliser.

Nous n’avons pas choisi les jeunes salariés. Un travail concernant la mixité a aussi été fait. Au départ, il existait un « consensus de fait », pour ne pas embaucher de jeunes filles censées ne pas protéger les machinistes. Seuls des jeunes hommes ont donc été embauchés, ce qui a posé d’importants problèmes dans la mesure où ces derniers adoptaient des postures provocatrices dans les autobus, entraînant des confrontations avec les usagers. Rapidement, les embauches masculines ont été bloquées et des jeunes femmes ont été recrutées. Cela a totalement changé l’appréhension de ces équipes par la population qui considérait que les jeunes femmes étaient là pour aider et non pour réguler ou surveiller. Ainsi, quand des machinistes, victimes d’une agression verbale ou de crachats, refusaient de reprendre leur autobus seuls, la RATP nous demandaient exclusivement des équipes de trois jeunes femmes pour créer un climat convivial dans le bus et rassurer le machiniste. Il est vrai que les jeunes hommes ne discutaient pas assez. L’exacte parité s’est ainsi mise en place au sein de l’association afin que le service rendu soit plus efficace.

Cela a aussi correspondu à la période où la RATP, qui jusque-là recrutait plutôt des hommes d’origine française, envisageait une plus grande mixité dans ses recrutements, aussi bien en termes de sexe que d’origine. Ce dispositif a aidé cette orientation. Des salariés qui n’imaginaient pas intégrer un service public se sont trouvé l’envie, les compétences et la légitimité à postuler. Certains postes ne requièrent qu’un niveau de CAP. De nombreux salariés pouvaient ainsi y prétendre.

Il est évident que le contact régulier dans des conditions de statut social égalitaire est un moyen de rapprocher les gens. Cependant, le désengagement de l’Etat entraîne la fin de certains financements de l’association tandis que les entreprises publiques, jusque-là fortement mobilisées par l’Etat pour travailler au nom de l’intérêt général, se referment sur leurs intérêts particuliers. Certaines d’entre elles, telle que la SNCF, se sont déjà désengagées. Aujourd’hui, le travail de mutualisation est devenu un travail de temps partagé, c’est-à-dire que les jeunes salariés se partagent entre les entreprises, ce qui n’a plus du tout le même sens, mais c’est à l’heure actuelle aussi une façon de maintenir ces emplois.




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