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> Crise : Pour qui sonne le glas ? (http://lipietz.net/?article2955)
par Alain Lipietz | 15 mars 2013 Crise : Pour qui sonne le glas ? La Croix
1932. Depuis quatre ans, les gouvernements des grandes puissances luttent contre la « Grande dépression » à coup d’austérité. Aux États-Unis le libéral Hoover, en Grande-Bretagne le social-libéral Ramsay McDonald, en France le futur fasciste Laval… Les salaires baissent, les affaires s’étiolent, le chômage explose. Plus on cherche à solder les errements des « Années folles », plus s’approfondit la crise, et moins il est possible de solder les dettes. En 1932, donc, Hoover propose enfin un moratoire sur toutes les dettes souveraines. Mais il est trop tard : Hitler a gagné les élections, et lui, Hoover, est battu par Roosevelt. L’Allemagne et les États-Unis, de deux manières radicalement différente, l’économie de guerre et le New Deal, prennent en compte l’analyse de J.M. Keynes : la crise ne vient pas d’une insuffisance des profits, mais d’une insuffisance des salaires, qui bride la « demande effective ». Il faudra une guerre mondiale épouvantable pour déboucher sur la Reconstruction et la prospérité des « Trente glorieuses ». En 2008, après l’effondrement bancaire, on n’imaginait pas que les erreurs de Hoover, McDonald et Laval pourraient se reproduire. Chacun se rêvait en nouveau Roosevelt : la finance devenue folle avait trop pompé la richesse mondiale, il fallait mo-ra-li-ser. Les Mais investir massivement dans les industries « vertes », c’est l’équivalent d’une Reconstruction, cela passe par de nouveaux crédits. Les économistes verts font tourner les modèles, ceux de l’OFCE, de l’Ademe, du Cired. Les résultats convergent. Réduire par exemple la production de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2020, cela crée 650 000 emplois supplémentaires, mais à condition que la moitié des investissements soient financés par l’emprunt. Et cette « relance verte » permet spontanément un retour du déficit public de la France en dessous de la barre fatidique des 3%, en 2015. Eh bien non. Le terrible trio Merkel-Sarkozy-Cameron choisit, au tournant des années 2010, de reprendre la politique de Hoover et de Laval. Il n’y aura ni New Deal, ni Green Deal. Chaque pays se voit assigné un plan d’économies drastique. Et, au lieu d’élargir puissamment le budget fédéral (celui de l’Union), comme l’avait Roosevelt, les dirigeants européens s’entendent pour réduire ce budget, à la fureur des députés européens. Et comme en 1932, le résultat ne se fait pas attendre : l’Europe plonge dans la crise sociale, qui tourne à la crise politique. Faute de solidarité et de relance verte européennes, la Hongrie retourne aux démons des années 30, la Grèce voit flamber le vote nazi, l’Italie donne la majorité de ses voix aux populistes anti-européens. Élu pour jouer les Roosevelt, François Hollande, très vite, capitule devant Merkel et la droite européenne, et se résout au rôle d’un Ramsay McDonald. La mauvaise Europe chasse la bonne. Bien sûr, il y a « la Dette ». Mais des solutions techniques existent pour l’étaler dans le temps. Des mécanismes de financement par la Banque centrale européenne et la Banque européenne d’investissement, orientés vers la conversion verte, restent possibles. Dans mon livre Green Deal, je présente une synthèse des propositions des « gens raisonnables » (ceux qui se souviennent des leçons des années 30, et ceux qui sont conscients des nouveaux défis écologiques). Mais les prix Nobel d’économie comme Stiglitz ou Krugman, les agronomes comme Marc Dufumier, les énergéticiens de Négawatt, semblent clamer dans le désert. Une révolution intellectuelle s’impose. Entre le désastre du retour aux national-populismes et le sursaut collectif d’une sortie de crise verte, au moins à l’échelle européenne, la course est engagée. Il est plus tard que tu ne penses… |
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