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Accueil  > Vie publique > Articles et débats > À propos des luttes pour la paix et sur l’immigration. (http://lipietz.net/?article2355)

par Alain Lipietz | 26 janvier 2009

À propos des luttes pour la paix et sur l’immigration.
Interventions au Forum Parlementaire Mondial tenu à Belém en marge du Forum Social Mondial.

 I. Sur la paix

Je suis député européen, et Vert. J’ai organisé récemment un débat sur la chaîne qui va de la lutte pour les ressources naturelles (eau, pétrole, etc) aux tensions et aux guerres, et des guerres à la destruction de l’environnement.

Et pourtant je ne voudrais pas que l’on tombe dans le réductionnisme écologisant qui attribuerait toutes les guerres à une lutte des puissances pour s’approprier une ressource naturelle. C’est très souvent le cas. Ce n’est pas toujours le cas. Il serait tout à fait abusif de réduire la création d’Israël à l’invention par les puissances colonialistes d’une entité politique destinée à surveiller l’approvisionnement en pétrole. Et ce n’est certainement pas pour cela qu’Israël massacre actuellement les habitants de la Bande de Gaza. C’est pour une raison beaucoup plus simple : ils ne veulent plus les voir. Ils considèrent qu’un Israélien vaut plus que cinq cent Arabes, que leur gouvernement a le droit de parquer un million et demi de personnes dans un ghetto affamé. De même, le conflit actuel, mais qui dure depuis aussi longtemps, entre l’Inde et le Pakistan, conduisant ces deux pays à alimenter des groupes terroriste l’un contre l’autre et à s’armer de bombes nucléaires, n’a rien à voir avec une lutte pour les ressources : il est plutôt fondé sur une rivalité de superstitions religieuses.

La "nation" est l’une d’elles. Ne confondons pas le principe de souveraineté populaire et l’idéologie de la souveraineté nationale. "Les travailleurs, disait Marx, n’ont pas de patrie, ils n’ont que leurs chaines à perdre et un monde à gagner". Comme à la Convention de Philadelphie en Amérique ou à la Fête de la Fédération en France, c’est aux peuples, à leurs représentants, qu’il revient de définir l’espace politique du "vivre ensemble", et de fonder progressivement des espaces plus larges que ceux que les rois ou les colonialistes ont découpés.

Il est donc absolument essentiel que les forces progressistes apprennent à dépasser les explications simplistes et s’attachent, chacune dans leur propre pays, à lutter contre les identités qui enferment, à lutter pour des formes d’appartenance transnationales et laïques, telles que l’Union européenne ou la Communauté Sud-Américaine des Nations. C’est ce que ce Forum a fait à Mumbai », où pour la première fois ont pu dialoguer des députés pakistanais et indiens.

Il faut faire vite. Car la grande crise dans laquelle nous entrons peut amener les classes dominantes à agiter n’importe quelle différence pour opposer les classes populaires les une aux autres.

 II. Sur les migrations

Je suis Français, ce qui signifie deux choses pour notre débat. Comme un Français sur trois, j’ai au moins un de mes 4 grands-parents étranger (j’en ai même deux), et c’est également le cas de mes petits enfants. La France a été, est et reste une terre d’immigration.

En même temps, la France qui, par exemple avec la Guyane, est l’une des portes d’entrée vers l’Union européenne, joue un rôle particulièrement dur dans l’adoption par l’Union de barrières à l’immigration, telle que la directive « de la honte », la directive "retour".

Comment en est-on arrivé là ? Il faut bien comprendre que depuis plus d’un quart de siècle, le thème de la lutte contre l’émigration est devenu un thème de surenchère entre la droite et la gauche. Pour la droite, ça se comprend. Comment est-ce possible de la part de la gauche ? Comment les socialistes et même, il y a une trentaine d’année en France, les communistes, ont-ils pu mener des actions ou voter des lois contre les immigrés ? Comment est-il possible qu’un Jean-Pierre Chevènement, que Lula faisait défiler à ses côtés au premier Forum de Porto Alegre, ait pu être en même temps celui qui organisait une chasse impitoyable aux immigrés sans papier ?

Je crois que ces partis prêtent à leur électorat populaire - parfois avec raison, mais de façon exagérée - une attitude xénophobe ou raciste. Ce n’est pas tout à fait la même chose : on peut être xénophobe à cause de la concurrence sur le marché du travail, on peut être raciste simplement parce qu’on n’aime pas « les autres », qu’ils soient juifs ou qu’ils soient musulmans, considérés comme les boucs émissaires de tous les malheurs.

Alors, chacun pour notre part, menons la lutte dans nos propres partis, dans nos propres pays et vis-à-vis de nos propres gouvernements, surtout de gauche, pour qu’ils ne cèdent pas à la tentation d’entretenir cette supposée xénophobie, ce supposé racisme de leur électorat. Par exemple, je vous en prie, dans les négociations d’accords entre vos pays d’Amérique latine et l’Union européenne, ne laissez pas vos présidents exiger d’abord le libre accès au marché européen du soja ou des bananes, faites qu’ils s’occupent d’abord de la dignité et des droits politiques des émigrants de vos pays !



À noter :

Photo neona, sous licence CC.

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