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Épargne salariale et retraites
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16 décembre 1999 ÉPARGNE SALARIALE ET RETRAITES : UNE SOLUTION MUTUALISTE Viabilité à terme du système français par répartition Colloque
Gaël Dupont, économiste OFCE 1. Contexte : vieillissement de la population, impact sur le système de retraites. 1.1. Le constat démographique. Le constat démographique est grosso modo partagé par tous les observateurs : aujourd’hui, il y a 5 retraités pour 10 actifs occupés : en 2040, il y aura plus de 8 retraités pour 10 actifs occupés. Les deux causes principales sont l’arrivée à la retraite des générations du baby boom à partir de 2005 et l’augmentation continue de l’espérance de vie. L’évolution de la fécondité, très incertaine, aura en revanche peu d’influence démographique d’ici 40 ans. L’ensemble des choix est donc restreint : il faut soit augmenter les cotisations, soit baisser le niveau des pensions, soit reculer l’âge de la retraite. Partant d’une simulation démographico-économique, l’OFCE a essayé de chiffrer l’impact du vieillissement sur l’économie selon le choix fait concernant les retraites. 1.2. Incidence sur le revenu des salariés et des retraités et sur le niveau des prélèvements sociaux. Aujourd’hui, la pension de retraite nette moyenne équivaut à 71 % du salaire net moyen. Cela assure grosso modo une parité de niveau de vie entre actifs et retraités : les retraités n’ont pas à épargner pour acheter des biens durables ou un appartement et ils n’ont plus d’enfants à élever. Partant de ce constat, on peut envisager deux évolutions polaires du système : d’une part le maintien du taux de cotisations retraites à son niveau actuel (20 %), d’autre part la stabilisation du revenu relatif des retraités à 71 %. Dans le premier cas, le niveau de vie relatif des retraités se réduit, dans le second il faut augmenter les taux de cotisations. Simulation de l’OFCE Scénario 1 : Cotisations retraites = 20 % Scénario 2 :
Remarque : Ce qu’on appelle " taux de cotisation " est le taux qu’il faut appliquer à la masse salariale (y compris cotisations patronales) pour financer les dépenses sociales (retraite, chômage, famille, santé). Hypothèses : Le taux de croissance de la productivité est supposé égal à 1,8 % par an. En début de période, l’économie croit à un taux annuel de 2,5 %. L’emploi augmente donc de 0,7 % par an et le chômage atteint 5 % en 2019. A partir de cette date, la croissance est déterminée de façon endogène par la tendance de la productivité et par l’emploi qui évolue comme la population active potentielle (-0,3 %). Entre 2020 et 2040, le Pib augmente donc en moyenne de 1,5 % par an. Les prestations chômage et famille sont indexées sur les salaires nets : les dépenses de santé par habitant pondéré (les plus de 65 ans comptent double) connaissent une croissance autonome de 1,8 % par an. L’évolution des prestations retraite dépend du scénario retenu. 1- Scénario 1 : maintien du taux de cotisations retraite à son niveau actuel (20 %) La stabilisation du taux de cotisations retraite à 20 % implique une diminution du niveau relatif de la pension de presque 40 % : le revenu moyen des retraités ne représente plus que 43 % du salaire net moyen en 2040 contre 71 % aujourd’hui. Le taux de cotisations totales baisse de presque 2 points en raison de la diminution des cotisations chômage. En moyenne, le revenu net des travailleurs augmente un peu plus que la productivité (1,9 % contre 1,8 %) du fait de cette baisse des cotisations chômage. Certes la pension moyenne augmente malgré tout (+0,7 %), mais le niveau de vie est une notion relative. 2- Scénario 2 : maintien du revenu relatif des retraités à son niveau actuel (71 %) Le maintien du niveau de vie relatif des retraités à 71 % n’a pas d’effet sur le taux de cotisations total jusqu’en 2019 : la baisse du chômage compense l’augmentation du nombre de retraités. Ensuite, le taux de chômage (5 %) ne se réduit plus et les cotisations se mettent à augmenter. Au total, les cotisations retraite augmentent de 8 points sur 40 ans. Les cotisations sociales totales augmentent moins que les cotisations retraites (6 points seulement) du fait de l’hypothèse d’indexation des prestations famille, chômage et retraite sur les salaires nets : quand les cotisations retraites augmentent, la baisse induite du salaire net réduit le niveau individuel de ces prestations et donc les cotisations afférentes. La hausse des prélèvements sociaux pèse sur l’augmentation du salaire net moyen, mais de façon limitée : en supposant que la productivité augmente de 1,8 % par an en moyenne, le salaire net moyen augmente de 1,5 %. L’augmentation relative du nombre de retraités ne " prélève " que 0,3 point de croissance. Dans le cas de l’indexation de la pension de retraite, l’augmentation du salaire induite par la hausse la productivité du travail n’est donc pas remise en cause par la hausse des cotisations. Il y a juste un ralentissement du revenu net. La robustesse du scénarioDeux hypothèses sont sujettes à caution : la valeur du taux de chômage de long terme (5 %) et le rythme de progression de la productivité (1,8 %). Pourtant d’autres hypothèses ne remettent pas fondamentalement en cause le constat global. Si on suppose que le taux de chômage ne descend pas en dessous de 10 %, le taux de cotisations retraites en 2040 n’augmente que de 0,3 point (par rapport au scénario à 5 %) et le taux de cotisations totales augmente de 3 points (cf. graphique). Cela vient de l’hypothèse d’indexation sur les salaires nets : le taux de cotisations chômage est plus élevé : cela pèse sur les salaires nets et, du fait de l’indexation, cela réduit le niveau individuel des prestations chômage, retraite et famille. La hausse globale des cotisations est donc atténuée. Au total, si l’économie ne parvient pas à réduire le taux de chômage en deçà de 10 %, le revenu réel sera plus faible pour tous (-6 % en 2040), mais cela n’aura pas des conséquences démesurées sur les taux de cotisations. On peut aussi supposer une croissance de la productivité différente. Si on maintient le ratio retraite / salaire net constant, cela n’a pas de conséquence sur le taux de cotisations nécessaire . Il est vrai que plus la croissance est forte, plus le niveau de vie de chacun est élevé, ce qui facilite la hausse des cotisations : la perte de 0,3 point de productivité est moins douloureuse si le revenu augmente de 2,8 % que s’il augmente de 1,8 % ? Contrairement à ce que l’on entend souvent, l’hypothèse de productivité n’est donc pas cruciale dans le débat si on suppose que l’objectif est de stabiliser le niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs. Le diagnostique d’ensemble n’est donc pas conditionnel à des hypothèses fortes concernant l’évolution de la situation économique. Cela tient à une hypothèse essentielle : l’indexation des prestations (retraite, chômage et famille) sur les salaires nets. Cette hypothèse a un effet stabilisateur très fort : l’augmentation des cotisations retraites implique un baisse du salaire net, donc une baisse de l’ensemble des prestations (par individu), hors prestations santé. Cela atténue la hausse des cotisations. L’indexation des prestations sur les salaires nets est également le mode le plus juste d’indexation des prestations sociales car elle permet une évolution parallèle des niveaux de vie. Si la croissance est forte, tout le monde en profite et si elle est relativement faible, personne n’est plus pénalisé que les autres. Notons que dans les régimes de retraites français, le calcul des pensions ne repose pas sur une indexation sur les salaires nets (prix dans le Régime général et les régimes complémentaires, salaires bruts dans les régimes spéciaux). La question du recul de l’âge de la retraiteLe recul progressif de l’âge de la retraite de cinq ans limite fortement l’augmentation du rapport entre actif et retraités : en 2040, on aurait environ 6 retraités pour 10 actifs. Cela permettrait de concilier les scénarii 1 et 2 : on pourrait stabiliser le taux de cotisations à son niveau actuel sans remettre en cause la parité des niveaux de vie entre retraités et actifs (cf. graphique). Mais retarder l’âge de la retraite suppose que le taux de chômage se soit sensiblement réduit. Sinon, les jeunes auraient des difficultés à accéder à l’emploi, les retraités se transformeraient en grande partie en chômeurs et l’allongement de la durée de cotisations impliquerait une réduction du niveau des pensions pour tous les retraités ne parvenant pas à avoir le nombre d’annuités suffisant. C’est pourquoi on a supposé que le recul ne se faisait qu’à partir de 2006 (sur une période de 10 ans). De plus une telle réforme suppose que les salariés préfèrent un recul de 5 ans de l’âge de la retraite à une baisse de leur revenu d’activité de l’ordre de 12 %. 1.3. Conclusion : le maintien du niveau de vie relatif des retraités n’empêche pas les salaires nets de croître. Stabiliser le taux de cotisations retraites à son niveau actuel aurait pour conséquence une baisse très nette du niveau de vie relatif des retraités. Il est possible de maintenir le niveau relatif des pensions de retraites alors même que le revenu réel des salariés continue à augmenter du fait de la hausse de la productivité. Le système de retraite par répartition est parfaitement viable. Il doit cependant être réformé, notamment en ce qui concerne les modalités de calcul des pensions. 2. La répartition fait-elle moins bien que la capitalisation ? Rappelons que dans un système par répartition, les retraites sont directement payées par les travailleurs. Il s’agit de transferts. Dans un système par capitalisation, chacun épargne en vue de ses vieux jours : les travailleurs achètent des actifs financiers et constituent leur retraite en revendant ce capital. Les comportements d’épargne et l’accumulation sont donc différents dans les deux systèmes. Le niveau des retraites est indexé sur la rémunération du capital dans un système par capitalisation, alors que dans un système par répartition, il est indexé sur la croissance de la masse salariale : les retraités bénéficient à la fois du fait qu’il y a plus de travailleurs que lorsqu’ils étaient en activité, et de l’augmentation des salaires. Le système français de retraite par répartition est essentiellement contributif : les pensions sont grosso modo proportionnelles aux cotisations versées. Les critiques des systèmes de retraite par répartition reposent essentiellement sur trois arguments : 1) Le système par répartition est économiquement inefficace : il réduit le revenu national et accroît le chômage pour deux raisons essentielles : L’augmentation des charges sociales a pour conséquence directe le chômage (discours implicite presque partout), et le financement des retraites par la répartition réduit l’épargne, donc l’investissement et le niveau de production. A l’appui de cette critique, on évoque la situation française : on a à la fois un système par répartition, du chômage, des cotisations sociales élevées et un investissement relativement faible (par rapport aux États-Unis par exemple). 2) La répartition prive les futurs retraités du bénéfice des rendements financiers élevés. 3) En plus, contrairement à la répartition où la part du salaire consacrée à la retraite doit augmenter du fait de la hausse du nombre de retraités, dans un système par capitalisation, il n’y aurait pas besoin d’épargner plus pour conserver une pension décente. 21 Face au vieillissement de la population, pas besoin d’épargner plus ? Les économistes savent que cet argument est inexact : à taux d’épargne donné, si la durée de vie augmente, le capital accumulé doit financer une retraite plus longue. Donc la rente viagère est plus faible. Comme dans un système par répartition, les salariés doivent consacrer une part plus importante de leur revenu d’activité à la préparation de leur retraite future s’il veulent que celle-ci ne soit pas trop faible. Mais si les salariés décident d’accroître leur épargne, le taux de rentabilité du capital se trouve réduit. A l’extrême, si l’augmentation de la demande de titres financiers n’a pas pour contrepartie une augmentation de l’offre (c’est-à-dire de l’investissement productif), l’augmentation du nombre de vendeurs (retraités) par acheteur (travailleurs) induite par le vieillissement de la population implique une forte réduction du cours des titres financiers, donc des pensions de retraite. Dans un système par répartition, le choix du taux de cotisation (et de la valeur des pensions qu’il implique étant donnée la modification du ratio démographique) se fait collectivement et son augmentation se fait au moment où le ratio démographique se dégrade. Dans un système par capitalisation, l’augmentation de l’épargne se fait une génération plus tôt, au moment où les futurs nombreux retraités sont encore en activité. S’il s’agit de capitalisation libre, le choix est individuel et comme il est très difficile d’évaluer sa propre espérance de vie et le ratio démographique futur (qui joue sur le cours des titres), il est fort probable qu’un grand nombre d’actifs n’épargnent pas plus lorsque la durée de vie s’accroît : leur retraite sera faible. Il y a donc bien une relative symétrie entre les deux systèmes : dans un système par répartition, il faut augmenter les cotisations, et dans un système par capitalisation, les salariés doivent augmenter leur épargne. En fait d’un point de vue macroéconomique, les deux systèmes sont de la répartition : il s’agit de partager la richesse créée par les travailleurs entre ceux qui ne travaillent pas et ceux qui travaillent. Quand la part des inactifs augmente, il faut partager le gâteau en un plus grand nombre de parts. La question est de savoir si la taille du gâteau dépend du système de retraite. 2.2. Les cotisations retraites engendrent du chômage et réduisent la production ? Les cotisations sociales sont jugées responsables du chômage à la fois parce qu’elles augmentent le coût du travail (cotisations patronales) et parce qu’elles diminue l’offre de travail qui est moins rentable (cotisations salariés). Le premier argument n’est pas valable car on peut très bien envisager de n’augmenter que les cotisations salariées auquel cas le coût du travail n’augmente pas. Économiquement, il est même logique que l’augmentation des cotisations retraite, nécessaire du fait du vieillissement, porte sur les cotisations salariés : en déterminant à long terme les règles de fixation des taux de cotisations et des prestations retraite, les salariés effectuent collectivement un arbitrage entre plus de revenu disponible aujourd’hui et des pensions de retraite plus élevées plus tard. Le patronat n’a pas à intervenir dans ce choix et il est souhaitable de déconnecter la question des retraites de la question des revendications salariales. L’idée que l’augmentation des cotisations salariés réduit l’offre de travail (effet désincitatif) est également contestable : dans un système contributif tel que le système français, les pensions sont grosso modo proportionnelles aux cotisations versées. On ne peut donc pas assimiler l’augmentation des cotisations retraite à des hausses d’impôts. A supposer que les prélèvements obligatoires aient un effet désincitatif, on peut difficilement penser que c’est le cas des cotisations retraite qui ne sont pas des prélèvements (au même titre que l’assurance automobile obligatoire n’est pas un prélèvement). En tout état de cause, l’incitation au travail dépend essentiellement des paramètres précis des régimes de retraite. L’existence de pensions de réversion réduit bien l’incitation au travail et les années de travail effectuées alors que le salarié a déjà droit à une retraite à taux plein ne rapportent rien, ce qui pousse les personnes concernées à prendre leur retraite. Mais les salariés du Régime général qui n’ont pas le nombre de trimestres de cotisation suffisant sont fortement pénalisés et ont donc intérêt à rester sur le marché du travail ? Pour modifier l’incitation au travail, il suffit de modifier les paramètres du système (à commencer par l’âge requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein ?). 2.3. La répartition fournit des retraites moins généreuses ? Certes, la répartition est un système viable, mais, entend-on souvent, un système par capitalisation permettrait aux retraités de bénéficier des rendements financiers élevés que l’on constate actuellement. Aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, les pensions futures des salariés augmentent à mesure que les indices boursiers atteignent des sommets. La capitalisation permettrait en outre de financer les retraites à moindre coût : les rendements financiers sont tels, qu’à la limite, ils pourraient financer à la fois les retraites et le renouvellement du capital productif sans besoin d’épargner : aux États-Unis, les ménages épargnent très peu, mais la Bourse augmente car ils ne réalisent pas leurs plus-values latentes. Schématiquement, on peut interpréter le niveau élevé des rendements financiers de deux façons : 1- Les records de la Bourse sont dus à l’existence d’une " bulle financière " : l’épargne est abondante (notamment parce que les baby boomers américains épargnent (croient épargner) pour constituer leur retraite future) mais l’offre de titres et les investissements productifs n’augmentent pas pour s’ajuster à cette forte demande. En conséquence les cours augmentent. Mais lorsque les retraités se mettront à vendre, les rendements effectivement réalisés seront inférieurs au rendements espérés. Et les retraités américains auront pour une grande part un revenu très faible. 2- Les taux de profit anticipés élevés qui stimulent les Bourses mondiales sont justifiés : les investissements effectués seront effectivement très profitables. C’est l’effet " new economy " (nouvelles technologies de la communication et de l’information ?). Alors la rémunération de l’épargne sera effectivement forte et les systèmes de retraites par capitalisation sont plus favorables que la capitalisation. Notons que si tel est le cas, cet " avantage " de la capitalisation pourrait n’être que provisoire : à terme les salariés bénéficieraient de ces nouveaux investissements qui stimuleraient la croissance des salaires, c’est-à-dire le rendement de la répartition. La réalité est certainement entre les deux . Quoiqu’il en soit, on voit que fondamentalement, si le " gâteau " à partager est inchangé, améliorer le revenu des retraités se fait nécessairement au détriment des salariés. Passer à la capitalisation n’a donc d’intérêt que si l’investissement réel est plus élevé dans un tel système. La question essentielle est donc de savoir si l’investissement est effectivement stimulé par la capitalisation. 2.4. La capitalisation accroît l’investissement donc le revenu national ? Selon la théorie néo-classique, le système de retraites par répartition réduit le taux d’épargne donc l’investissement : lorsque les individus peuvent bénéficier d’une retraite financée par répartition (c’est-à-dire par transfert), ils n’ont pas besoin d’épargner pour leurs vieux jours. Il y a moins d’épargne disponible pour financer l’investissement, donc celui-ci est plus faible que dans un système par capitalisation. A long terme, il y a moins de facteurs de production, donc de production. Le " gâteau " est plus restreint. Or les économies seraient en situation de pénurie d’épargne. En témoigneraient les fortes plus-values enregistrées sur les marchés financiers : du fait du manque d’épargne, seuls les investissements les plus rentables se réalisent et les investisseurs doivent fortement rémunérer les capitaux. Un passage à la capitalisation permettrait de financer d’avantage d’investissements productifs. Notons que dans un tel scénario, les rendements des placements financiers baisseraient nécessairement, donc pour les futurs retraités, l’avantage de la capitalisation sur la répartition serait réduit. Mais la capitalisation aurait un effet stimulant sur l’économie via l’augmentation du capital productif. Par ailleurs, un basculement vers la capitalisation supposerait une accumulation préalable très importante. Elle se ferait au détriment des premières générations : celles-ci devraient à la fois payer les retraites par répartition de leurs contemporains et épargner en vue de leurs retraites futures. On peut se demander s’il est nécessaire de stimuler le taux d’épargne. Le taux d’épargne français est relativement élevé (de 1990 à 1998, le taux d’épargne brut des ménages français a été de 15 % contre 8 % pour les américains). De plus, il n’est pas évident que l’augmentation du taux d’épargne ait un effet positif sur l’investissement. L’accroissement de l’épargne peut au contraire peser sur la conjoncture. Si les ménages réduisent leur consommation pour épargner plus, l’investissement des entreprises peut diminuer au lieu d’augmenter du fait de la réduction des débouchés (effet accélérateur). Dans une telle situation, l’augmentation du taux d’épargne est donc totalement contre-productive puisqu’elle a pour seule conséquence la chute de la production. Par ailleurs, en économie ouverte, le niveau de l’investissement est relativement déconnecté du niveau d’épargne. En 1997 et 1998, les résidents français ont fortement investi ? à l’étranger : la France a " exporté " (en net) plus de 3 % de son Pib (solde du compte financier), pour une bonne part sous forme d’investissement directs et d’investissements de portefeuille. En tout état de cause, l’économie française a d’avantage besoin d’augmenter son investissement que le niveau de son épargne. On considère parfois que la faiblesse de l’investissement français s’explique non par le volume trop faible d’épargne, mais par la structure de celle-ci : si elle était plus longue et notamment sous forme d’actions, cela favoriserait l’investissement des entreprises et leur expansion. Cela justifie-t-il de modifier le système de retraite ? L’objectif d’un système de retraite est spécifique : transférer du salaire dans le temps et assurer le risque de durée de vie. La puissance publique dispose d’autres instruments permettant d’influer sur le niveau d’épargne et sa structure, à commencer par la fiscalité. Actuellement, les revenus des placements en actions sont plus fortement taxés que les revenus des obligations. Une modification de la fiscalité permettrait d’accroître la volonté de détention d’actions. Contrairement à un système de retraite, la politique fiscale et la politique conjoncturelle peuvent être modifiées facilement au gré des besoins. Si par exemple, la croissance économique, particulièrement dynamique, venait buter sur les capacités de productions de l’économie, l’État pourrait dégager un excédent budgétaire (c’est-à-dire une épargne) et à rembourser une partie de la dette publique. 3. Les avantages de la répartition. Le caractère obligatoire de la répartition est contraignant. Les travailleurs n’ont pas la possibilité de déterminer librement la part de leur salaire qu’ils consacrent à leur retraite future : celle-ci est déterminée par la collectivité et elle est fixe tout au long de la carrière (les salariés n’ont pas la possibilité de concentrer leurs cotisations sur les dix dernières années de leur carrière, par exemple). Mais par rapport à la capitalisation libre (fonds individuels ou liberté de création par l’entrepreneur), les systèmes obligatoires ont des avantages. Ils sont plus justes : les systèmes de retraites non obligatoires impliquent des inégalités sociales très grandes (les gens à faible revenu ne placent pas pour leur retraite, les salariés des grandes entreprises sont favorisés). En l’absence de système obligatoire, de nombreux individus (et pas seulement les plus pauvres) n’ont pas la clairvoyance de s’engager eux-mêmes dans une stratégie d’épargne à très long terme. Les systèmes de capitalisation libre sont également coûteux fiscalement : les gouvernements incitent les travailleurs à épargner pour leurs vieux jours par des exonérations fiscales qui coûtent en général très cher. La répartition n’est pas seulement un système favorable aux plus modestes. C’est un système économiquement efficace car il est parfaitement adaptée à un contexte de mobilité du travail et de pluralité des formes d’emploi. De plus, la centralisation implique des coûts de gestion réduits. A l’inverse, lorsque la retraite est financée par capitalisation, les coûts de commercialisation (payés par les affiliés) et de contrôles (destinés à assurer un minimum de sécurité aux salariés)sont élevés. Contrairement à la capitalisation, la répartition permet un partage des risques économiques entre salariés et retraités (à condition d’une indexation sur les salaires nets). De plus, un système par répartition fournit l’équivalent d’un actif indexé sur l’augmentation de la masse salariale, ce qui est complémentaire des actifs financiers. En outre, lorsque les retraites sont financées par capitalisation, les travailleurs ne peuvent pas s’assurer un niveau de vie prédéterminé pendant leur retraite du fait de la forte incertitude sur le rendement des placements financiers . A l’inverse, un système par répartition peut assurer un niveau de vie relatif des retraités déterminé socialement. Dans un tel système, le principal risque pesant sur les futurs retraités, est l’érosion progressive mais non programmée du niveau des pensions pour limiter les hausses de cotisations. La confiance dans le système suppose un pilotage à long terme c’est-à-dire la détermination de règles stables et viables (éventuellement conditionnelles aux évolutions démographiques et économiques). Un système où les pensions évoluent comme le salaire net moyen a des avantages indéniables : il est juste et robuste (son pilotage ne repose pas sur des hypothèses de taux de croissance de l’économie, ?). Une telle indexation ne préjuge en rien le niveau relatif des pensions (la valeur de 71 % en moyenne peut être modifiée, mais elle doit être suffisamment élevée pour assurer un niveau de vie décent aux retraités). Celui-ci doit être déterminé par la collectivité. La collectivité doit également déterminer le plafond au delà duquel les salaires ne sont pas assurés par la répartition (pas de cotisations et pas de prestations). On peut en effet considérer qu’au dessus d’un certain niveau de revenu, le système social n’a plus à assurer un revenu de remplacement. Libre aux salariés concernés de déterminer la part qu’ils souhaitent épargner pour leur retraite en supportant les risques financiers. Au niveau macroéconomique, les avantages à long terme de la capitalisation (stock de capital productif plus élevé et donc production et consommation plus élevées également) sont, on l’a vu, loin d’être garantis. La " solution mutualiste " a pour objectif essentiel de réorienter qualitativement les investissements (défense de l’emploi et de l’environnement ?) et de stabiliser l’actionnariat des entreprises. Cela ne concerne donc pas en premier chef la question des retraites. Cela suppose que les salariés possèdent une part significative des entreprises. Ce n’est pas sans poser de problème (suraccumulation, financement de la transition ?) et il peut être contradictoire de défendre la répartition et de militer pour cette forme de capitalisation de masse. Il faut également que les salariés orientent effectivement leur épargne vers des investissements alternatifs. Pourquoi ne choisiraient-ils pas les investissements les plus rémunérateurs ? Faut-il des incitations fiscales en faveur des fonds mutualistes ou un monopole de ceux-ci pour ce qui concerne l’épargne retraite ? Comment s’assurer que les mutuelles effectuent bien des investissements de très long terme ? Les questions restent posées. Voir le plan du colloque. |
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