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par Alain Lipietz | 11 octobre 2000

Les Échos
Nous avons besoin de gouvernance mondiale
La réunion annuelle de la Banque mondiale et du FMI vient de se tenir à Prague. Plusieurs ministres, banquiers et représentants officiels sont venus discuter du monde entier et prendre des décisions sur des sujets vitaux pour des millions de personnes.

Des milliers de manifestants étaient là également, la plupart pour protester violemment contre la mondialisation. Mais qu’en est-il des parlementaires ! Ils semblent absents du débat. Ceci n’est pas acceptable : il est plus important que jamais qu’ils puissent discuter du rôle des institutions financières internationales et de leur évolution.

De plus en plus de parlementaires réalisent que la mondialisation n’est pas un phénomène étranger. Au cœur de la mondialisation se trouve un processus mondial d’intégration des économies par le biais du commerce, des flux financiers, des retombées technologiques et des réseaux de communication. Nos électeurs sont concernés par ces retombées.

À mesure que l’économie se mondialise, les pouvoirs publics contrôlés démocratiquement diminuent. La capacité de l’État-nation à répondre à cet état de fait est limitée.

Les organisations mondiales, que ce soient les Nations-Unies, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou la Banque mondiale et le FMI, apportent les moyens politiques de gouverner le développement mondial. Quand nous évaluons leur rôle, la question n’est pas de savoir si elles sont nécessaires ou pas. Dans un monde intégré, le besoin de règles et de surveillance mondiales ne fait aucun doute. Si l’on veut s’approprier le processus de mondialisation et non en être les victimes, les institutions mondiales doivent même être renforcées. Cependant les parlementaires ont le devoir d’examiner les politiques menées par les institutions internationales.

Jusqu’à maintenant ils n’ont pas été suffisamment impliqués dans ce processus, laissant souvent le débat aux technocrates, et aux organisations non gouvernementales (ONG). C’est une grosse erreur.

Un nouvel ordre du jour est en gestation pour les institutions financières internationales. L’enjeu est de conduire la mondialisation de manière à insérer les pauvres. Ceci implique d’ouvrir les marchés aux pays en développement, et de faire en sorte que le commerce bénéficie aux pays pauvres.

Dans tous ces secteurs, les parlementaires peuvent être des partenaires primordiaux. Les parlementaires du nord devraient avoir le courage de changer les politiques commerciales de leurs gouvernements. Un groupe de parlementaires du nord et du sud venu d’horizons politiques divers devrait faire pression pour un meilleur accès pour les produits textiles et agricoles des pays les moins développés afin d’assurer que les ressources libérées soient utilisées pour l’éradication de la pauvreté. Les parlementaires du nord devraient pousser pour une plus rapide et plus large réduction de la dette dans le contexte de l’initiative PPTE de la Banque mondiale et du FMI, alors que les parlementaires du sud doivent pousser au respect d’une " bonne gouvernance " chez leurs dirigeants et assurer que l’argent ainsi libéré soit utilisé au service de la réduction de la pauvreté et du développement humain. Dans leurs parlements, les parlementaires du nord devraient se faire les champions d’une aide au développement accrue, sans laquelle la majorité de l’allégement de la dette serait dénuée de sens. C’est à ces conditions que les objectifs de développement de 2015 pourront être atteints, tel qu’ils ont été déclarés par l’Assemblée du millénaire des Nations-Unies.

Ceci est d’autant plus important à l’heure où le FMI, la Banque mondiale et l’OMC sont tous en train de discuter la nécessité d’incorporer la pauvreté comme priorité essentielle de leurs activités. Il n’en est que temps ! Mais pour que cela marche, il faut une responsabilité et une transparence accrue de ces institutions et une réduction du déficit démocratique. Les parlementaires sont pleinement concernés par la discussion concernant le (bon) rythme et la (bonne) séquence de la libéralisation des échanges et des marchés de capitaux pour les pays en développement. Une analyse critique des politiques des institutions de Bretton Woods et de la mise en place de politiques davantage orientées vers la pauvreté est nécessaire.

En mai dernier, une première rencontre entre la Banque mondiale et un groupe représentatif de parlementaires a eu lieu à La Haye. Plus de 50 ;parlementaires venant de 26 ;pays d’Europe et de pays partenaires du sud ont participé à cette réunion. A Prague ce réseau vient d’être formellement établi. Sans le soutien des parlementaires, les gouvernements ne peuvent pas faire grand chose. Et sans le soutien des gouvernements ou des actionnaires, les institutions de Bretton Woods ne peuvent agir. C’est pourquoi il est essentiel d’engager sérieusement les parlementaires à répondre aux enjeux du développement, et de coordonner les actions des parlementaires informés dans leurs parlements respectifs, afin de démocratiser le développement.

Parlementaires signataires

 Hilde Johnson (député Chrétien démocrate, Norvège),
 Alain Lipietz (député Verts, Parlement européen),
 Kimmo Kiljunen (député Social démocrate, Finlande),
 Bert Koenders (député Social démocrate, Pays Bas),
 Bowen Wells (député Conservateur, Royaume-Uni).




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