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par Alain Lipietz | 20 novembre 2011

Note sur l’accord EELV – PS dans le domaine économico-social

Note sur l’accord EELV – PS dans le domaine économico-social.

J’ai voté l’accord EELV-PS, car il me paraît essentiel d’ouvrir dès maintenant une fenêtre d’espérance face à la crise. La dimension électorale de l’accord permettra en outre aux députés écologistes de peser en temps réel dans les 5 années qui viennent. Mais je suis attristé par la médiocrité de l’accord programmatique (cliquer ici). C’est vraiment le « minimum syndical », à compléter d’urgence si la gauche veut susciter l’enthousiasme au printemps prochain. Ce sera en tous cas le "Plus- Eva Joly" que de proposer beaucoup mieux.

« L’union est un combat », dit-on. Mais ce n’est pas qu’un combat EELV-PS. En réalité, l’étude des archives du débat montre que le combat a lieu aussi à l’intérieur du PS, car le texte de l’accord programmatique est en bien des points en deçà de l’accord négocié de juin à octobre dans la commission ad-hoc EELV-PS, et en deçà du programme du PS.

Je vais prendre l’exemple du volet « Economico-social ». La négociation sur ce volet a fait l’objet de nombreuses réunions dans le « groupe 1 » au cours de l’été. À ce groupe avaient été adjoints les domaines « Santé » (financement) et « Logement » qui sont toujours restés un peu déconnectés et se retrouvent dans d’autres chapitres de l’accord final : nous n’en parlerons pas ici.

Le 9 octobre un projet final pour le groupe 1 a été proposé par la partie EELV, intégrant déjà le maximum de prudence (selon EELV) sur les sujets « tendus ». Le PS a répondu par un texte ajoutant quelques paragraphes qui nous ont paru acceptables, et mettant entre crochets les points de désaccords non résolus et renvoyés aux négociateurs finaux. Ce qui n’était pas entre crochets marquait donc les points d’accord des négociateurs du Groupe 1.

Le texte ainsi crocheté (appelé par la suite du nom que la partie socialiste avait donnée au fichier « Groupe 1 VFinale ») représentait, de l’avis des négociateurs EELV, un espace d’accord déjà satisfaisant, laissant à Eva Joly assez de bifteck à défendre en propre, tout en justifiant l’alliance aux législatives. Il et a été transmis à l’équipe centrale de négociation. Nous pensions que seuls les textes entre crochets feraient l’objet de nouvelles tentatives de rapprochement.

En réalité, de nombreux points d’accord du groupe 1 ont été omis dans « l’accord final ». Ces points offrent donc une base de consensus entre EELV et une partie du PS (plus frottée d’économie ?). Espérons qu’ils seront « repêchés » d’ici 6 mois !

1 Aspects macro-économiques

Ces points, fusionnés avec le volet européen de la négociation, sont traités dans le I de l’accord final.

Le I-1 reprend et enrichit l’accord du groupe 1 de façon satisfaisante sur la partie de compétence européenne (qui n’est donc qu’un vœu !).

La question du désendettement du Trésor français disparaît toutefois, et complètement. Dans le texte « Groupe 1 Vfinale » il était dit :

a. Qu’il fallait se préparer à ce que « les dettes de certains États ne pourront pas être intégralement remboursées », et donc, implicitement, à ce que les banques françaises subissent des pertes. Cela s’est confirmé après la rédaction de la « VFinale » (50% des dettes grecques) et ça risque de continuer, mais l’accord final choisit de ne plus en parler, alors que c’est ce qui oblige à recapitaliser les banques françaises.

b. Que la France pouvait payer ses dettes à conditions de bien répartir l’effort : « [C’est] à la portée d’une réforme fiscale rétablissant la justice entre les ménages comme entre les entreprises, d’une réduction des « niches » coûteuses et inutiles, d’une dépense publique plus performante, d’une chasse aux fraudes, etc ». Ce point a disparu, ce qui ouvre la porte à un plan d’ajustement anti-populaire à la Papandréou-Zapatero.

c. Sur le retour à l’équilibre des comptes français, la proposition initiale EELV disait : . [Nous nous fixons pour horizon d’être revenus à un déficit de 3% en 2014.], le passé composé masquant diplomatiquement la divergence sur la date (2013 dans la campagne Hollande, « viser » 2014, sans garantie, pour EELV). Ce point est mis entre crochet dans la version “Groupe1 VFinale“ ; il disparaît totalement dans le texte de l’accord final. Ni 2013, ni 2014.

On ne sait si cela correspond à une poussée de réalisme de la part du PS… mais le point inquiétant est l’affirmation d’un retour à l’équilibre (0%, pas -3% de déficit)… en 2017 ! Évidemment, de l’eau aura coulé sous le ponts, mais on ne peut qu’être inquiets de la disparition des garde-fous aux quels avaient souscrits les négociateurs PS du groupe 1 : « Les politiques d’austérité généralisées à toute l’Europe ne font que précipiter celle-ci dans une récession dont les pays du sud européen offrent l’exemple tragique. Notre stratégie économique et financière sécurisera au contraire les dépenses de solidarité car c’est l’honneur de la République que de venir en aide aux plus pauvres et aux plus faibles, donnera la priorité aux dépenses d’éducation et de santé, privilégiera les investissements d’avenir. »

2. Financement de la conversion verte.

Il y a une large reprise de nos propositions, jusque dans l’accord final, avec certes un accent « financement de la production industrielle en général », mais bon, on va pas chipoter…

3. Travail.

La principale surprise vient de la disparition de la réduction du temps de travail, que ce soit sous forme hebdomadaire (les 32 heures) ou à l’échelle de la carrière (retraite). Nous étions partis en juin d’un accord sur le fait que : sortir de cette crise supposait un rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée en faveur des salariés. Les EELV étaient dans leur rôle en insistant sur la RTT , le PS dans le sien en insistant sur les hausses des salaires.

Dans le texte « Groupe1 VFinal » le rattrapage salarial se limite au Smic et aux minima sociaux, ce qui est à a portée du législatif. Ce point disparaît dans l’accord final qui ne parle plus du tout des revenus. De même, il y avait des propositions de mesures contre l’emploi précaire (« Pour lutter contre la précarité au travail et le salariat pauvre, nous modulerons les exonérations de cotisations sociales. Les conditions de travail décentes (temps de travail supérieur à 120 heures, contrat à durée indéterminée) donneront droit à des allègements de cotisations sociales et les conditions de travail précaires seront pénalisées par une augmentation de ces cotisations »). Elles avaient été acceptées par les négociateurs PS (qui avaient en revanche rejeté les mesures pour limiter les écarts de salaire), et ont disparu de l’accord final.

De même sur les écarts hommes-femmes (« Nous renforcerons les sanctions pour les entreprises ne mettant pas en œuvre d’actions de réduction des inégalités professionnelles [et nous réformerons le congé parental pour le remplacer par un congé parentalité de 52 semaines partagé hommes-femmes non transférable.] » Le second point n’avait pas été accepté par les négociateurs PS (crochets), mais même la première phrase a sauté dans l’accord final. Or selon un sondage IFOP-JDD de ce jour, 84 % des sondées font une proiorité de l’égalité salariale hommes-femmes et 92 % sont favorables à de telles sanctions !

S’agissant de la RTT :

a) Hebdomadaire (ou « tout au long de la vie »). Nous n’avions obtenu qu’un renforcement des 35 heures, qui est conservé dans l’accord final, sauf un détail important : « reconnaissance d’une co-décision entre salariés et employeurs sur le moment de prise du temps libre », qui a sauté. Or on sait que l’annualisation de la RTT s’est transformée en souffrance nouvelle pour les ouvriers, ce qui a pesé dans la défaite de 2002. Pour les 32 heurs, nous avions proposé un compromis « à la loi Aubry 1 » : marche aux 32 heurs sur la base du volontariat encouragée par une baisse des prélèvements, mais les négociateurs PS du Groupe 1, qui n’y étaient pas hostiles, l’avaient mis entre crochets, renvoyant cette proposition à l’échelon de négociation final.

b) La retraite. Nous avons vite compris que le PS avait accepté la réforme de 2003 (sur la durée de cotisation) mais espérions qu’il reviendrait au moins sur le critère de 60 ans, position du PS dans la bataille de l’an dernier. Dans le texte « Groupe 1 V finale », cela donnait : « Cette réforme rétablira le droit de prendre sa retraite à 60 ans, et à taux plein pour ceux qui ont commencé à travailler tôt ou exercé des emplois pénibles ». Dans l’accord final, le retour au critère de 60 ans est restreint aux emplois pénibles…. les autres ne peuvent partir avant 62 ans, même à taux « pas plein » (c’est à dire sans décote) !

Sur cette histoire de taux pleins, nous avions proposé la suppression des décotes-surcotes, cohérente avec l’idée qu’il ne faut pas sur-pénaliser celles et ceux qui « libèrent un poste », mais cela avait été refusé par les négociateurs du groupe 1, qui étaient d’accord avec nous et nous avaient demandé d’insister au niveau de la négociation finale, espérant que ça passerait ! Non.

Par ailleurs, la solution des trimestres gratuits pour les carrières pénibles et la possibilité de cotiser à la retraite dès les études, ont sauté dans l’accord final, alors qu’elles avaient été acceptées par les négociateurs PS du groupe 1.

3. Économie sociale et solidaire.

Les négociateurs PS du Groupe 1 avaient insisté pour que « ce ne soit pas un paragraphe dans un texte de plusieurs pages ». Ils ont été entendu au delà de toute espérance dans l’accord final : elle n’est plus évoquée qu’en une phrase, « il y aura une loi cadre ». Quel contenu ? mystère. Comparez avec l’accord Verts-PS de 1997 qui stipulait que la loi assurerait le financement pérenne du tiers secteur, et ses conditions internes de reconnaissance !

Pourtant il y avait un accord total entre les négociateurs du groupe 1 pour une loi ambitieuse et déjà détaillée sur une demi-page : « La loi cadre définira des formes simples d’auto-déclaration des entreprises su secteur de l’ESS (et de contrôle par les pairs) et une grille de droits à rémunération sociale (prenant notamment la forme d’abattement sur les prélèvements sociaux et fiscaux) définis secteur par secteur en fonction d’un cahier de charge. »

Il sera très intéressant que les négociateurs EELV du « sommet » nous débriefent à quelles oppositions ils se sont heurtés. Il s’agit pourtant d’un secteur qui sera décisif, nous seulement pour l’emploi (déjà plus de 10 % de l’emploi en équivalent taux plein, beaucoup plus dans le régions périphériques), mais aussi pour la politique sociale des quartiers, le « care » d’une population vieillissante (par opposition au « clean », comme dit Sandrine Rousseau), l’entretien des biens communs, etc.

4 Fiscalité.

L’accord était intervenu d’emblée (en juin) sur la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu dans un impôt unique, comme nous l’avions demandé en vain en 1997 (nous avion obtenu en compensation de « rendre la CSG progressive par un abattement à la base »). Le livre de Piketty (PS) Pour une révolution fiscale, qui reprenait ce projet, a en effet permis une rapide évolution de l’opinion au sein de son parti : le PS est dorénavant prêt à cette réforme, qui permettrait de rétablir une progressivité générale de l’impôt.

Mais les négociateurs du PS et de EELV du Groupe 1, dont certains étaient associés en 2000 au sein du Conseil d’Analyse ÉconomiquÉ de Jospin, avait suivi de près l’échec de la « progressivité de la CSG » devant le Conseil Constitutionnel. En effet, disait le Conseil, on ne pouvait ignorer le fait que la CSG avait pour cotisants les individus et non les ménages, et il était donc difficile de concilier deux formes d’équité différentes. Pour contourner l’obstacle du Conseil, il faut donc d’abord individualiser l’impôt sur le revenu lui-même, en introduisant des compensations à la disparition du quotient familial.

Il a paru au négociateurs EELV et PS (qui avaient leur idée en tête sur la façon de s’y prendre : réforme égalitaire des alloc familiales, etc) qu’on pouvait remettre cette alchimie à plus tard dans les négociations, et le texte unanime « Groupe1, VFinale », disait : « la fusion de la Contribution Sociale Généralisée et l’Impôt sur le revenu, le prélèvement à la source et l’individualisation de l’impôt (avec des mesures compensatoires pour les coefficient familiaux et conjugaux) »

Dans le texte de l’accord, le recul est général. On ne parle plus que d’un « rapprochement » ( ?) entre les deux impôts. L’individualisation (qui fait l’unanimité chez les femmes du PS) disparait, et donc aussi la possibilité de les fusionner (vue la jurisprudence CC) et donc plus rien sur la réforme des allocations familiales et le statut fiscal du/de la conjoint-e au foyer, quoiqu’il soit plus loin question d’un « impôt unifié » sur lequel aucune précision n’est donnée.

Même recul sur la fiscalité des entreprises. Nous n’avions pas pu, en Groupe 1, fixer un plancher (mis entre crochets), mais avions l’unanimité pour introduire la progressivité (moins imposer les petites entreprises que les grosses : actuellement, par le jeu des niches , c’est l’inverse !) Ce point a disparu.

En revanche, une tranche supplémentaires pour les revenus « extravagants » et le retour à 2002 pour l’impôt sur la fortune et sur l’héritage sont conservés.

Conclusion.

Au total, non seulement aucun rapprochement n’est obtenu sur les points laissés entre crochets et renvoyés « en haut lieu » par le G1, mais une somme de petits et grand reculs de la négociation finale par rapport à l’accord intervenu entre négociateurs du Groupe 1, dont le plus graves sont les disparitions :

- du retour à 60 ans comme critère d’âge général.

- de la condamnation des politiques d’austérité en cours en Europe, avec des garde-fous précisant comment devrait se faire le rééquilibrage budgétaire.

- et surtout de l’Économie sociale et solidaire.

Il faut insister sur le fait que les négociateurs PS du groupe 1 s’en tenaient strictement au programme du PS : ce qui était mis entre crochets visait ce qui n’était pas dans leur programme, étant entendu que les négociateurs finaux devraient trouver un moyen terme entre notre programme et le leur.

Au final, l’accord est en recul par rapport au propre programme du PS, ne présente aucune avancée à la mesure de la crise, bref plus proche de Daladier que de Léon Blum ou Roosevelt ☹

Certes, c’est autant que Eva Joly pourra dire elle-même. Sauf qu’une fois élue présidente elle n’aura de majorité parlementaire que sur ce programme là. Et même Obama n’a pu faire grand chose sans majorité parlementaire sur son programme…



À noter :

Sur tous ces points, il n’est pas inutile de lire ou relire les leçons tirées de l’expérience Jospin : Refonder l’espérance. Leçons de la majorité plurielle.

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