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1er juillet 1998

La Tribune des Verts n°3
Le printemps des Verts
Ah quel printemps ! Les sans-papiers à parrainer, la réforme du scrutin européen, l’enfouissement des déchets nucléaires, la loi contre les oiseaux migrateurs... Et toujours les réacteurs qui claquent, les pics de pollution, le "18 Joints", et les incinérateurs et maintenant la dioxine dans le lait...

Les Verts sont sur tous les fronts, parfois avec "leur" gouvernement de plus en plus populaire, le plus souvent contre lui, avec les oubliés des réformes, les oubliés de la reprise.

On savait que "l’union est un combat" ou, en termes écologiques, que la biodiversité s’équilibre dans la lutte perpétuelle des espèces. L’écosystème "pluriel" en donne une dure leçon à ceux qui l’auraient oublié. Le PS se croit revenu au temps de l’union de la gauche. Il oublie les engagements pour un développement durable et solidaire, il oublie qu’il aurait perdu sans les Verts, que cette majorité n’est populaire que par cela que nous avons injecté de nouveau dans le vieux fonds du progressisme français. Les 35 heures imposées par nous, et pour lesquelles les syndicats se mobilisent. La parité, le non-cumul des mandats, et tant d’autres conquêtes promises et qui restent à accomplir...

Mais c’est déjà trop d’audace ! L’heure a sonné de faire payer aux Verts ce qu’il a fallu leur concéder. Avec la loi sur le scrutin européen, le PS comptait nous forcer à la vassalisation. Avec le rejet de la moitié des sans-papiers, il donnait des gages à ceux qui ne se reconnaissent pas dans la "gauche morale". Avec l’entêtement dans la loi Bataille (imposant les "laboratoires" d’enfouissement des déchets nucléaires), léguer irréversiblement un cadeau empoisonné aux générations futures. Et, avec la loi sur la chasse, se payer une bonne tranche bien grasse d’électoralisme.

Eh bien, c’est raté ! Car dans leur traversée du désert, de 1992 à 1997, les Verts se sont enracinés dans leur autonomie, une autonomie ouverte, tendant la main aux forces qui se réclament du progrès humain, mais une autonomie imprescriptible. Nous avons "tenu" à 3%, nous avons tenu aux Européennes de 94, aux Présidentielles de 95, éliminant l’image d’une écologie sectaire ou d’une écologie vénale. Et il faudrait maintenant, quand nos scores remontent, quand les quelques bastions conquis dans les institutions nous rendent incontournables, que nous capitulions sur nos valeurs fondamentales ?

Imperturbables, nous nous en tenons à ce que nous savons juste et nécessaire, et, chaque jour plus manifeste, se creuse la différence avec leurs petits abandons et leurs grosses lâchetés face à la droite.

Exemple : la chasse. Que le FN, que le RPR, partis machos voire fachos, se retrouvent aux côtés des pires représentants de ce qui eut pu être un loisir responsable, nul ne s’en étonne. Qu’on trouve au PCF des amateurs pour se joindre à cette faune, on le savait. Mais voici que les Grrrands Européens, l’UDF de Giscard d’Estaing (qui présida la directive de 1979 régulant les espèces migratrices), ou le PS, prêt à tous les sacrifices imposés aux travailleurs quand il s’agit de sauver un règlement européen, se joignent au pire nationalisme, n’hésitent pas à sortir de l’Union Européenne sur une question d’intérêt continental engageant les générations futures ! Voici que notre petite escouade de députés et notre ministre se retrouvent isolées dans l’hémicycle. Mais au dehors, la presse quasi unanime salue les nôtres comme seuls représentants de l’intérêt général, de l’Europe et du sens de l’état, du bon sens tout simplement. Les organisations de défense de la Nature constatent que la défense des immigrants ne nous a en rien fait oublier la défense des migrateurs, que nous n’avons pas vendu notre âme en entrant dans les institutions, que les meilleurs environnementalistes sont les vrais écologistes, ceux qui savent qu’il n’y a pas de développement soutenable pour la vie sur la planète si ce n’est un développement solidaire entre les humains.

La démonstration que le social et l’environnemental sont intrinsèquement liés, c’est dans les faits, dans leurs actes, que les Verts peuvent en faire la démonstration. Parce qu’ils savent la même semaine parrainer des immigrants et se battre pour les oiseaux migrateurs, certes. Mais aussi parce qu’aujourd’hui ils assument pleinement (quoiqu’en débutants encore bien inexpérimentés) leur double rôle de parti de lutte et de gouvernement, de parti du mouvement social et de parti réformateur dans les institutions.

Que se serait-il passé si la loi contre les oiseaux avait été votée en 1996 ? Nous aurions crié notre indignation dans l’indifférence générale des médias face au consensus mou des politiques. Aujourd’hui nous sommes là, pour défendre le droit, un droit de responsabilité et de solidarité, et chaque bataille perdue nous attire la sympathie, chaque bataille gagnée la reconnaissance et le respect des militants. à chaque incident nucléaire, à chaque rapport justifiant nos craintes et nos propositions (contre les incinérateurs ou pour le cannabis...), nous sommes là pour avancer des inflexions dans les politiques publiques, avec nos alliés de la majorité plurielle quand ils savent en reconnaître la justesse, dans les manifestations quand ils traînent les pieds.

Il y en a, chez les Verts, pour ne voir dans nos demi-succès que de demi-échecs. écœurés, ils s’impatientent : "Mais quand est-ce qu’on descend ?" Amis, ne voyez-vous pas que notre départ serait salué avec soulagement par ceux de nos alliés qui s’agacent de nos exigences ? Pensez-vous, en partant, rendre service aux sans-papiers, aux chômeurs, aux défenseurs de la nature ? Vous évoquez ces associations de terrain, ces mouvements sociaux qui s’indignent des promesses non tenues, des besoins non satisfaits : tous nos partenaires, que nous rencontrons régulièrement aux ministères, à Parmentier, à l’Assemblée ou aux Conseils régionaux.. Quand nous les retrouvons dans les manifs dont nous sommes souvent l’ossature, avez-vous l’impression que (à part les maniaques de l’isolement) ils souhaitent nous voir quitter les quelques incrustations que nous avons conquises pour eux dans l’appareil d’état ?

Petit à petit se font les comptes. Que reste-t-il du "pôle de radicalité" quand il s’agit de manifester avec les sans-papiers ? Quelques communistes du courant réformiste, encore moins de "gauche socialiste", jamais d’élus de Lutte Ouvrière.

Oui, la majorité du Mans et de la Rochelle est écœurée autant que vous des insuffisances et des reniements de la majorité plurielle. Mais l’expression de cette souffrance ne constitue pas une ligne politique. Nous nous battons pour conserver ce que nous avons conquis, au service de celles et ceux que nous entendons défendre. Servir le mouvement social, servir la cinquantaine de milliers de nos sympathisants directs, nos millions d’électeurs, les dizaines de millions d’opprimés qui justifient notre combat, ce n’est pas capituler devant les revers, mais s’accrocher pour gagner.

Mais nous ne gagnerons pas sans eux, pas à leur place. Gagnant leur sympathie, il nous reste à les convaincre de construire avec nous un rapport de force. Et d’abord convaincre nos sympathisants de nous rejoindre, pour construire ensemble un grand parti populaire, créatif, fort de nos valeurs : l’écologie et la solidarité. 10 000 cette année, 50 000 à l’aube du XXIè siècle...




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