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> L’Europe et le New deal Vert (http://lipietz.net/?article2448)
par Alain Lipietz | 23 mai 2009 Alternatives Economiques Hors Série Europe, 3e trim2009 L’Europe et le New deal Vert
Face à ces blocages, il faut opposer, comme au temps du New Deal de Roosevelt ou du Front populaire, un pouvoir politique résolu, appuyé sur une forte base démocratique. Et ce défi semble encore plus insoluble : le New Deal, comme le Front populaire, avaient les institutions politiques de leur projet (les États-Unis d’Amérique et la République française.) Le New Deal Vert serait nécessairement mondial, car l’économie et la crise écologique sont globalisées. Or, il n’existe pas de République universelle. Oui, mais il existe une Union européenne. Et celle-ci produit la grande majorité de ce qu’elle consomme, et consomme la grande majorité de ce qu’elle produit. Première puissance économique mondiale, deuxième émetteur de gaz à effet de serre, pesant en population une demi Chine, l’Union européenne a la masse critique pour réaliser chez elle un New Deal Vert et pousser ses partenaires vers ce modèle. Mais en a-t-elle les moyens et la volonté ? Qu’elle en ait la volonté semblait jusqu’ici évident, c’était même sa « spécialité ». En pointe depuis Kyoto sur les questions d’environnement, elle prétendait opposer au modèle agressivement libéral américain la force de ses compromis sociaux, de ses États-providence. Il a suffi que le splendide Obama soit élu face à l’ultra-libéral Barroso, aux autoritaires Sarkozy et Berlusconi, à l’alignement des socialistes et des centristes européens sur le « réalisme » d’Angela Merkel, pour que s’inversent les images. Preuve que « l’avance » socio-écologique du modèle européen n’était pas si évidente ! L’Europe peut-elle conserver ou retrouver cette avance ? C’est l’un des enjeu fondamentaux des prochaines élections européennes, et surtout de la pratique future de l’Union. Premier problème : de quelle Union parle-t-on ? Beaucoup de médias disent « Bruxelles » pour désigner indifféremment le Parlement (élu par les citoyens), le Conseil (lieu des compromis diplomatiques entre gouvernements nationaux), et la Commission (exécutif sensé appliquer les décisions des deux précédents). Or, la réalité des traités en vigueur, ceux de Maastricht et de Nice, laisse pour l’instant peu de place à l’expression directe des citoyens et donne le poids principal aux compromis diplomatiques en Conseil. La Commission s’est transformée en secrétariat permanent de ce Conseil, lui-même dominé par l’Allemagne de « grande coalition » chrétiens démocrates – socialistes dirigée par Angela Merkel. Autant dire qu’une telle Europe n’est guère prédisposée aux prises de position résolument « vertes et solidaires ». Illustration : la capitulation de Sarkozy et Merkel devant les industriels allemands, italiens et polonais lors du sommet « climat » de décembre 2008. Alors que jusqu’ici l’Union se préparait à réduire de 30% ses gaz à effet de serre d’ici 2020 pour limiter le réchauffement à 2° C, le Conseil impose de réduire cet objectif à –20%, ce qui correspond à un réchauffement de 3 à 4 degré ! Et, au Parlement, les principaux partis (PPE, PSE, ALDE, avec les Français de l’UMP, du PS, du Modem) approuvent ce « compromis » suicidaire. La toute première nécessité pour l’Europe, si elle veut promouvoir son modèle comme prototype du New Deal Vert, est donc une réforme démocratique de ses institutions, renversant le rapport de force enter les élus (le Parlement) et les technocraties gouvernementales, nationales ou européennes. Le Traité Constitutionnel (TCE) représentait un pas en avant. Le traité de Lisbonne, édulcoration du TCE, reste à ratifier. Mais, face à la crise, beaucoup d’opinions hier euro-sceptiques placent aujourd’hui leur espoir dans l’Europe, y compris les Irlandais qui avaient rejeté ce traité. Celui-ci a donc quelques chances d’être accepté, mais ne suffira certainement pas : le New Deal de Roosevelt avait impliqué une croissance considérable du pouvoir fédéral sur les États fédérés américains. Admettons que le pouvoir fédéral européen (on dit « communautaire ») se développe , la crise aidant. D’ores et déjà, l’Union européenne se révèle beaucoup plus « planiste » qu’il y a quelques années, s’assignant des objectifs chiffrés, et hésitant de moins en moins à prendre des mesures de protection, comme dans le cas de l’aviation (les compagnies aériennes étrangères devront payer leur « quota » en se posant en Europe). Mais on reste encore loin des mutations qu’exige cette crise multiforme.
Ces réformes sont profondes. Elles exigent que se constituent, tant aux niveaux nationaux qu’au niveau européen, des majorités pro-sociales et écologistes. Car les meilleures constitutions du monde ne peuvent donner que des résultats désastreux si les électeurs se donnent à des majorités désastreuses. Il ne faut jamais oublier que ce fut précisément le cas au début de la crise des années trente : en 1938 les réponses autoritaires à la crise l’emportaient presque partout. Puissent les prochaines élections européennes et nationales écarter les solutions nationalistes et sécuritaires, et choisir la solidarité transeuropéenne, internationale et intergénérationnelle. Le New Deal avait triomphé en1945… mais au prix d’une guerre mondiale. Que cette expérience pousse les peuples européens à choisir pacifiquement et directement la voie du New Deal Vert. ![]() |
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