Nouvelle semaine chargée. Dimanche soir je commente les résultats de la primaire socialiste sur France 24. Mardi soir et mercredi soir je participe au Forum social d’Aubagne. Tout cela en poursuivant la mise au net de mon texte sur la crise, en répondant sur la crise de Dexia, etc...
Dés 20 heures on a les résultats dans l’ordre : Hollande, Aubry, Montebourg, et, loin derrière, Ségolène et les 2 autres.
Et surtout la participation apparaît impressionnante (2.5 millions).
J’en suis très content : c’est un vaste mouvement de participation citoyenne, qui à mon avis ne remet nullement en cause le rôle des partis (ceux qui ne sont pas que des machines électorales, qui élaborent des projets, mènent des campagnes, etc). Nous avions déjà remarqué pour la primaire d’Europe Ecologie (qui était plus exigeante, parce qu’il fallait s’inscrire à la coopérative) la disponibilité des sympathisants à se déranger pour choisir qui ils auraient au menu de la prochaine élection présidentielle.
J’insiste surtout, à France 24, que, quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur la sincérité et la résolution des différents candidats, le résultat de Aubry et surtout Montebourg, nettement au dessus des sondages, signifie la volonté des électeurs d’avoir un parti socialiste le plus « transformateur » possible. On n’est pas dans une logique de primaire tactique, où les participants choisissent le candidat qui a le plus de chances de gagner (mais ce sera peut-être le cas au second tour, dimanche prochain !), mais celui ou celle qui, en 2012/2017, sera le/la plus résolue pour assumer le Grand Tournant qu’exige la crise mondiale actuelle. Le plus « rooseveltien », en un mot. Les témoignages des journaux le lendemain montrent qu’il y avait dans les queues pour voter comme une ambiance de manif : un message adressé à la fois à Sarkozy et au PS.
Pour ma part, je l’ai expliqué dans mon précédent billet : j’ai préféré ne pas voter. C’était toujours mon intention le lundi matin. Mais j’ai changé d’avis.
La première chose qui m’a fait changer d’avis, c’est le ralliement général à Hollande, même de Montebourg. J’avoue que cela m’a agacé. Je soupçonne là comme des positionnements dans un jeu interne au Parti socialiste. Si je n’ai pas voté au premier tour, c’est que je considérais qu’en tant que négociateur avec le Parti Socialiste, je dois prendre le Parti socialiste tel qu’il est. Pour modifier le rapport de forces à gauche, je militerai pour Eva Joly, puis pour les candidats députés d’Europe Ecologie.
Ça ne veut pas dire que je négocie avec le PS en fonction de ses jeux internes. J’espère, en tant qu’écologiste, pouvoir convertir tous les socialistes à l’importance du tournant écologiste. Si ce n’est pas le cas, je souhaite évidemment agir pour que le candidat socialiste soit le plus "écolo-compatible" possible, et donc le plus rassembleur. Or je dois bien reconnaître qu’entre les deux finalistes, c’est Aubry qui s’est montrée la plus disponible à notre égard (sur le nucléaire, le temps libéré après la retraite, etc), même si j’ai eu, sous la majorité plurielle (1997-2002), d’aussi bons rapports avec l’une qu’avec l’autre. Donc j’irai voter pour elle.
Au Forum Social d’Aubagne et dans la semaine, mon impression se confirme.
Beaucoup de participants iront voter, et ils voteront pour Aubry.
C’est par exemple la position de Gus Massiah, comme ça sera celle de François Gèze que je rencontre le jeudi (deux vieux copains de la GOP, le groupuscule où nous nous sommes réfugiés après notre éviction du PSU par Michel Rocard, dans les années 70). Tous deux s’étaient inscrits pour voter pour Eva Joly, tous deux iront voter pour Aubry.
Je n’était jamais allé à Aubagne : pour moi ce n’était qu’un point au bout de la vieille vallée industrielle de l’Huveaune près de Marseille. Je découvre une ravissante petite ville provençale entourée de collines verdoyantes et de pitons calcaires : c’est la patrie de Pagnol, là où il a tourné Angèle, le paysage de La gloire de mon père. La municipalité est dirigée par des « communistes unitaires » qui avaient voté pour Bové à la dernière présidentielle, mais qui n’ont pas rejoint Europe Ecologie. Ca ne les empêche pas de prendre des initiatives intéressantes : bus gratuit, et ce Forum Social, qui s’active sous trois chapiteaux répartis dans la ville pendant toute la semaine.
Je participe à un premier débat sur le bilan de l’altermondialisme. Gus expose ses thèses sur un altermondialisme fondé sur la conquête des droits. J’insiste pour ma part sur l’énorme progrès dans la mise en commun des expériences, notamment de l’économie sociale et solidaire et de la participation citoyenne aux collectivités locales. Mais je dois regretter l’absence d’implication vis à vis des aspects institutionnels. On ne peut pas revendiquer des droits sans préciser qui doit les satisfaire : et il s’agit des institutions.
Deuxième débat sur les leçons du tournant à gauche de l’Amérique latine. Je reprends les thèses exposées ici sur les politiques sociales. Débat intéressant et assez tendu entre un représentant du gouvernement bolivien et un représentant des indigènes boliviens... Cette tension entre les peuples et des gouvernements qui se sont ralliés à la stratégie productiviste de "substitution aux importations" et suivent le schéma dévastateur de l’IRSA (réseau d’autoroutes et d’oléoducs devant traverser toute l’Amazonie) était à prévoir.
Au retour, discussion avec François Gèze, directeur des éditions La découverte où j’ai publié la plupart de mes livres.
Il ne souhaite pas rééditer Qu’est ce que l’écologie politique. La Grande transformation du XXIe siècle, épuisé depuis longtemps, alors que ce petit livre serait bien utile pour la formation à Europe Ecologie.
Finalement c’est Les petits matins (éditeur de mon roman Les fantômes de l’Internet et de mon livre sur La SNCF et la Shoah qui va le rééditer.)
François est beaucoup plus intéressé par un développement en livre de mes conférences de Londres et du Japon sur la crise et la réponse verte. C’est un très bon éditeur (et pas seulement un « publieur ») : convaincu par mon texte, il discute longuement du rééquilibrage entre les parties du livre, du style à adopter... et du titre à choisir. Parution prévue en mars, comme la réédition (augmentée) de Qu’est-ce que l’écologie politique. Je ne vais pas souffler.
C’est que la crise s’accélère et on n’est pas prêt d’en sortir. Je réponds à une interview de RFI-anglais sur « la crise de Dexia et la crise de l’eurozone ». La crise de la banque Dexia est d’une part la suite (non purgée en 2008) de ses spéculations sur les subprimes (les crédits toxiques aux ménages, qui n’ont pas pu rembourser) et d’autre part la sanction de crédits toxiques consentis aux collectivités locales, et qu’elles ne pourront pas rembourser. Dexia est la première des banques qui fait faillite parce que des autorités publiques (qui lèvent l’impôt) ne pourront pas rembourser. Or c’est une situation qui va se généraliser aux Etat nationaux eux-mêmes, à commencer par la Grèce.
Il faut bien comprendre que (comme je l’explique dans mon texte sur la crise), il y a deux problèmes à résoudre dans l’ordre. D’abord, assurer le financement de l’avenir, ensuite apurer le passé. Dans cet ordre là. La Grèce ne pourra jamais payer toutes ses dettes, mais réclamer l’annulation de ces dettes avant la mise au point d’un mécanisme de financement européen des besoins de l’Etat grec était irresponsable. Une fois obtenu un engagement de financement futur fondé sur la solidarité européenne, on pouvait passer à l’annulation d’une partie de la dette grecque. Et c’est ce qui est enclenché depuis juillet dernier.
Mais quand il faudra annuler une partie des dettes espagnoles ou italiennes, tout en continuant à financer ces deux pays en nouveaux crédits, ce sera une autre affaire. Dans mon texte, je suggère un mécanisme pour « annuler les dettes sans mettre les banques en faillite », inspiré de ce que je recommandais au début des années 80 pour la dette de l’Amérique Latine (et qui a été mis en œuvre partiellement par le « plan Brady »).
La mort de Steve Jobs a provoqué de curieux couacs.
J’avais aussitôt mis sur mon « mur » Facebook le commentaire suivant :
« Il est rare qu’on ait à saluer la disparition d’un homme d’affaire. Mais Steve Jobs n’était pas qu’un homme d’affaire, il fut, comme Watt, Bell, les Lumière ou Edison, un inventeur, et ses inventions ont changé notre vie. Non par des inventions individuelles : tout ce qui a fait le charme de ses machines, et pour commencer le menu déroulant, a été inventé par d’autres informaticiens. Mais il a su concevoir des synthèses qui ont révolutionné notre rapport à l’informatique, en faire l’extraordinaire moyen de création et de communication qui a changé notre vie quotidienne.
Mon premier ordinateur personnel fut en 1985 l’Apple IIc, qui ne représentait pas une percée considérable et dont je ne me servais guère : il a permis à ma compagne d’autrefois, Francine Comte-Ségeste, de se sortir enfin de la rédaction de Jocaste délivrée.
Mais est venu le Macintosh monobloc, que j’ai su utiliser en quelques minutes, pour mettre en forme en une nuit les articles du recueil Les régions qui gagent. Jamais ces livres ne seraient sortis sans la mise à disposition de machines aussi simples.
Puis Jobs est parti, l’avantage de Mac s’est réduit devant les imitations Microsoft, et l’isolationnisme d’Apple a failli tuer la marque.
Steve Jobs continuait à innover chez Next, mais il ne pouvait plus franchir la barrière d’entrée de Microsoft.
Enfin il revint chez Apple, et ce fut de retour l’inventivité pour tous : l’iPod, l’iPhone, l’iPad. L’ordinateur, l’internet et la musique dans le creux de la main. Militer, écrire des livres et des poèmes (Francine griffonnait ceux de Destin de sable dans le métro, puis les travaillait directement à l’écran), lire les nouvelles en faisant la queue dans une boutique, tout cela, l’humanité sait le faire depuis des milliers d’années, mais nous n’aurions pu le faire si facilement sans ces inventions-synthèses de Steve Jobs.
Je dirai aussi que Steve Jobs a survécu des années au cancer du pancréas, un des plus terribles. Cette survie, il l’a sans doute gagnée avec son argent, mobilisant les meilleurs médecins, mais il l’a consacrée à son travail, à ses "usagers". Il a été un modèle pour bien des cancéreux affrontant avec résolution cette épreuve. Ce cancer a fini par le vaincre, mais au final c’et toujours la mort qui gagne, et la question est ce qu’on fait de notre peu de temps. Merci. »
Ce texte m’a valu une volée de bois vert sur Facebook : « Mais comment ! avec ce qui se passe dans l’usine Foxcom en Chine, où sont montés les iPhone ! » m’écrivaient des ami-e-s, sans doute sur leurs ordinateurs fabriqués en Suède par des ouvriers syndiqués.
Je réalisais alors que la campagne contre Foxcom (comme celle contre les sous-traitant de Nike) n’avait servi à rien. Au lieu de découvrir la réalité de TOUTE l’industrialisation périphérique dans l’ex-tiers monde à l’occasion de la mise sous le projecteur des sous-traitants d’une marque connue (loin d’être la pire parce que justement plus surveillée), certains lecteurs se sont imaginés que ce n’était que le cas de Apple ou de Nike… Bon, comme d’hab, il faudra expliquer, expliquer…
Plus rigolo, la critique de Politis : Apple est un système fermé, « transformant ses utilisateurs en consommateurs passifs ». Vieille critique des « pro-PC ». Je ne sais si à Politis on continue à bricoler ses ordinateurs au fer à souder, mais, pour ma part, ma créativité je la mets dans ce que j’écris sur mon ordinateur, et j’espère qu’il en est de même dans mon hebdo favori (nouvelle formule). Et je signale à Politis que tous les innovateurs des logiciels libres et gratuits se sont enfin intéressés à Mac OS X et à iOS.
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PS. Samedi, je remplace au pied levé Stéphane Hessel pour ouvrir le Festival du livre et de la presse d’écologie. Redoutable honneur…