Lors de ma dernière visite, en février dernier, Jesus Perez, ancien ministre des affaires étrangères et de l’environnement, m’avait invité a donner un séminaire sur l’écologie politique. Son ambition, partagée par quelques ami-e-s de la coalition chaviste (Armando Rojas, vice-ministre de l’éducation, Jhanet Madriz Sotillo, VPte du Parlandino, Luis d’Angelo de Pietri, Pt de la Commission Environnement de l’Assemblée nationale), était claire : donner un tour plus résolument écologiste au bolivarisme. La mienne est tout aussi claire, et je ne m’en suis pas caché devant la presse : paver la route d’une alliance entre l’Union européenne et le Venezuela dans les conférences internationales sur l’environnement.
Le séminaire est une réussite. Co-organisé par le ministère de l’éducation, le ministère des relations extérieures, le parlement vénézuélien et le Parlandino (le Parlement de la CAN), il nous permet deux jours de discussions approfondies sur ce qu’est l’écologie politique, la négociation climat, les enjeux de la négociation biodiversité.
Comme je l’explique aux participants et à la presse, le Venezuela joue un rôle clé dans ces deux grandes négociations :
côté changement climatique, le Venezuela est à la fois un pays exportateur de pétrole et une grande victime de l’effet de serre provoqué par la combustion de ce pétrole (voir les pluies tragiques de 1999 et celles de février dernier)
côté biodiversité, le Venezuela a une longue tradition de lutte pour la propriété de ses richesses naturelles ; c’est en même temps un pays du groupe des « mégadivers ». Enfin, il reconnaît déjà les droits de ses peuples indigènes : il a financé une extraordinaire base de données des savoirs de ses chamanes, pour chacune de ses plantes médicinales. Cette base de données, quel est son statut, doit-elle être rendue publique, quels droits confère-t-elle à ses auteurs ? c’est un des enjeux de la négociation sur la propriété du savoir traditionnel
Dans l’assistance, bien sûr beaucoup d’enseignants, des diplomates, mais aussi des militants de « petites organisations environnementalistes ». Les quelques grandes organisations ayant pignon sur rue, celles des élites, sont, elles, contre Chavez. Elles sont tellement réactionnaires qu’elles s’opposent même à la récente orientation du Congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature prenant en compte la lutte contre la pauvreté ! La présence des associations écologistes « de base » montre que ce mouvement est loin de partager leur avis.
Comme je m’y attendais, de long débats portent sur le concept de souveraineté. En Amérique latine, ce concept est extrèmement important et remonte d’ailleurs à Simon Bolivar. Il faut toute une pédagogie pour expliquer qu’au 21e siècle, face à l’hyperpuissance américaine, à la globalisation et aux crises écologiques globales, la souveraineté populaire ne peut s’exercer véritablement que dans un cadre supranational. Il faut donc découpler la notion de souveraineté populaire de la notion de souveraineté nationale. C’est le difficile apprentissage de l’Europe. C’était déjà l’intuition de Bolivar. C’est la décision qu’ont prise les douze chefs d’Etats d’Amérique du sud en lançant la Communauté sud-américaine des nations.
J’écoute avec amusement et admiration le débat entre Vénézuéliens. Le vice-ministre de l’éducation n’hésite pas à invoquer les débats entre Bolivar, Sucre, Miranda, Santander... On dirait des militants marxistes citant Lénine, Trotsky ou Rosa Luxembourg, sauf que là, on invoque les grands ancêtres du siècle des Lumières. La révolution bolivarienne est bien une révolution démocratique bourgeoise, mais une révolution démocratique contre la bourgeoisie ! En témoigne d’ailleurs la passion avec laquelle les militants de base se réfèrent au « petit livre bleu » : la Constitution bolivarienne...