Le NPA et la révolution écologiste.
par Alain Lipietz

jeudi 9 septembre 2010

Après l’immense succès des manifs décentralisées sur le retraites, le 7 , le débat tactique devient très difficile. Je me garderais bien de conseiller les syndicats. Il faut trouver quelque chose entre la grève générale reconductible (qui ne se décrète pas) et les manif espacées où la mobilisation s’effiloche... Mais ce débat tactique en recouvre un autre : se bat-on pour dénoncer ou pour avancer ? Un débat que j’avais un peu oublié mais que m’a rappelé l’invitation aux journées d’été du Nouveau Parti Anticapitaliste

Hyper-sympa, ces journées ! Les militants du NPA ressemblent à ceux de EE, en nettement plus jeunes. Mais quand on discute, on se demande si l’on parle de la même planète…

Je commence par un atelier sur « quelle politique écologiste alternative ». La camarade du NPA introduit par une charge contre les écotaxes, les quotas, la « politique de la brosse à dent » (l’austérité volontaire dans notre jargon), bref touts ces trucs réformistes qui ne mettent pas à bas le système, car « le capitalisme est incompatible avec l’écologie ». Alors ? J’attends avec impatience la politique écologiste alternative du NPA. Mais « elle n’a pas le temps de développer » et propose : Nationalisation des banques et service public démocratique de l’énergie. Bien.

A la tribune, une palette assez large d’organisations de la gauche de la gauche et de décroissants. J’introduis, pour Les Verts, par un rappel de nos analyses habituelles : les régimes d’accumulation capitalistes de l’Après-guerre (fordisme puis libéral-productivisme) ont conduit à la crise écologique. La crise actuelle du libéral-productivisme combine à celle-ci un aspect de crise de surproduction à la 1930 , dont on ne peut pas cependant sortir par une simple politique de relance keynésienne qui ne s’accompagnerait pas d’une conversion verte de nos modes de produire et de consommer, que je détaille brièvement (alimentation, bâtiment, transport), en soulignant qu’il s’agit plus de produire des biens communs que d’élargir la norme de consommation individuelle.

Le débat porte très largement sur mon réformisme et celui de la camarade du PCF. Nous passons un sale quart d’heure… de plus d’une heure. À croire que c’est de notre faute si les Nouveaux Anti-Capitalistes n’ont obtenu que de si médiocres résultats aux européennes et aux régionales. Selon tous les intervenants de la salle, le capitalisme ne peut tolérer aucune politique écologiste, et il est déjà scandaleux, de ma part, d’avoir laissé entendre que le capitalisme fordiste, de 1945 à 1975, était socialement plus progressiste que celui qui allait suivre. D’ailleurs qu’avons-nous obtenu (nous, les Verts) avec Jospin, etc… Bref, ou la révolution , ou rien.

Je réponds qu’il ne faut pas confondre : « sortie du capitalisme » , « sortie d’un modèle particulier de capitalisme », et « alliance avec le PS » . Sous le gouvernement Jospin nous avons fait des choses (35 heures, parité, PACS, arrêt de Superphoenix et du canal Rhin-Rhone). On peut critiquer, mais la LCR elle a fait quoi ? Ensuite, il est clair que le capitalisme passera, comme tous les modes de production antérieurs. Mais nous, écologistes, n’attendrons pas ces heureux jours pour tenter de sauver la planète. Pour éviter une dérive incontrôlable de l’effet de serre, il nous faut d’ici 2020 un autre modèle de capitalisme, et ça c’est jouable.

D’ailleurs, quand le NPA dénonce « le recul de la part du salaire dans le PNB, par rapport aux années 70, et la destruction des services publics et de la sécurité sociale », ne reconnaît-il pas que le capitalisme fonctionnait différemment avant les années 80, et que par certains aspects c’était mieux ? En tout cas, à cette époque les banques étaient nationalisées et il y avait un grand service public de l’énergie, Electricité et Gaz de France. Ce qui n’a pas empêché la dégradation de l’environnement et l’expansion du nucléaire, car la majorité des citoyens n’était pas mobilisés sur ces thèmes…

Je pose la question sans obtenir de réponse : « Quand vous demandez une réforme des retraites avec retour aux 60 ans et 37,5 ans de cotisations et 1700 euros minimum , c’est une réforme que vous considérez compatible ou incompatible avec le capitalisme ? »

On me fait remarquer que le NPA n’attend plus « le grand soir » mais je n’obtiens aucune précision sur la stratégie de changement social que le NPA a en tête. Un parti anti-réformiste qui ne croit plus en la Révolution, qu’est-ce donc d’autre qu’un haut-parleur des luttes ? Tiens ben d’ailleurs c’est leur logo.

Mais le plus étrange, c’est qu’ils s’identifient eux-mêmes à une organisation écologiste, mais pas « une écologie d’adaptation » (contrairement aux Verts et à Europe Ecologie, naturellement). Ma foi, si le NPA se veut écologiste, tant mieux, tant mieux ! Je savais qu’il y avait des écolos sincères et compétents au NPA, surtout sur le nucléaire et les OGM, mais je n’avais pas capté que le NPA se désignait désormais comme tel.

Le soir, grand meeting sur la plage, beaucoup plus consensuel, de mobilisation pour les retraites, sur les modèles habituels du Collectif National « Exigences citoyennes sur les retraites ». Olivier Besancenot conclut par un grand discours de politique générale. Il parle de la crise, l’analyse comme une crise de suraccumulation, mais oublie totalement de parler de crise écologique !!! Il n’en parlera d’ailleurs pas du tout, ni d’écologie ni d’environnement. Dommage, dommage, pour le nouveau parti de l’écologie radicale…

À part ça : les débats font rage, sur les Roms, les cathos, les Juifs d’hier et d’Israel, les musulmans, sur ma page Facebook et surtout sur mon « statut » , souvent riches et de mieux en mieux maîtrisés, respectueux. Mais ça me bouffe et je n’arrive pas à les synthétiser sur mon site…



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