Match de « poids lourds » dans les Yvelines.
par Alain Lipietz

dimanche 13 septembre 2009

Depuis que la presse des Yvelines a comparé ma candidature au « débarquement d’un poids lourd », l’UMP et le PS se sont hâtés d’améliorer leur offre politique. L’UMP a tranché entre ses deux prétendants en appelant à la candidature : David Douillet (suppléant, le maire de Plaisir, Joël Regnault).

David Douillet : bigre, ça c’est un poids lourd ! Quatre médailles olympiques en judo alors que je dois me contenter d’un titre de champion de France de parachutisme par équipe… Bon, je ne rigole qu’à moitié. Dans certains quartiers dépolitisés, la tentation peut être grande de voter pour un « people ». Inversement, on peut s’étonner que l’UMP, pour remplacer un député condamné pour corruption, ait choisi un homme dont le site Bakchich.info et L’Express ont révélé qu’il figurait sur la liste des 500 personnes plaçant leur fortune dans un paradis fiscal, le Lichtenstein (les faits, remontant à plus de 3 ans, seraient prescrits).

En tout cas, l’UMP n’a pas pris la mesure du rejet qu’inspirent aujourd’hui la corruption, les paradis fiscaux, les parachutes dorés etc.

Mais l’homme est sympathique. Je le rencontre au forum des associations de Plaisir et lui propose un débat public sur le fond des problèmes de la France et des Yvelines. Il reste évasif et me renvoie vers son directeur de campagne (voir la video sur mon site de campagne, ici)

Quant au PS, après avoir proposé le poste de suppléant au maire PRG de Carrières, Eddie Aït (qui avait été le candidat commun PS-PRG en 2007), il s’est rendu compte de la gaffe qu’il y avait à présenter les maires (hommes) de deux villes du « pôle nord ». Exit donc Eddie Aït (et le PRG), place à une suppléante du sud de la circonscription, Yveline Darneau, conseillère municipale à Plaisir.

Ma candidature semble également déplaire à un groupuscule souverainiste et islamophobe, Riposte Laïque, qui me poursuit de sa haine depuis des années. Je ne pense pas que cela ait beaucoup d’influence (ils ont cependant une petite base aux Mureaux) mais j’ai rédigé à tout hasard une réponse point par point.

Cette troisième semaine de campagne est pour moi très enrichissante. On fait d’ailleurs toujours de belles rencontres dans une campagne de terrain. Cette semaine, je n’en citerai que deux : l’association Berges en dérive et le maire de Crespières, Adriano Ballarin.

Berges en dérive est l’association des habitants d’une île artificielle de la Seine, l’île de la Dérivation à Carrières-sou-Poissy. On y accède par une passerelle en plan incliné, et c’est heureux car aucune voiture ne peut y circuler et la ruelle-trottoir qui l’irrigue fait tout de même 800 mètres de long. Il y a donc un petit tracteur de viticulture pour emprunter la passerelle afin de transborder les paquets que l’on dépose sur la terre ferme. Les habitants sont très fiers de leur situation un peu à part, exigeante mais tranquille et solidaire : pas de voitures ! (Enfin, ça ne les empêche pas d’utiliser des motos).

Et voilà que – catastrophe – la Direction de l’Equipement s’acharne contre ce paradis où viennent s’ébattre le weekend des centaines d’habitants des environs. On veut y faire passer l’autoroute A104 et un pont reliant Achères à Carrières. Ce pont n’est lui-même qu’un prolongement d’une voie express en pointillés, prolongeant un autre pont à Triel. Regardez sur une carte : vous verrez qu’il s’agit de deux solutions pour disperser vers l’Ouest de Paris les camions arrivant du nord et de Grande-Bretagne par l’autoroute A16 et se dirigeant vers l’Espagne. Cette autoroute dont, nouvellement élus au conseil régional d’Ile de France en 1992, nous avions bloqué la construction à l’entrée de la région.

En fait, c’est pour ce flux de camions que l’Equipement multiplie les projets autoroutiers : de plus en plus loin vers l’Ouest avec l’A104 et ce pont, mais aussi l’élargissement de la route départementale 30, la Voie Nouvelle de la Vallée de la Mauldre, etc.

Nous visitons l’île avec les animateurs de Berges en dérive. Ils ne mènent pas seulement un combat NIMBYste (Not In My Back Yard : « pas dans mon jardin de derrière »), ils comprennent très bien l’enjeu régional de leur combat et y opposent un discours très construit, en faveur des transports en commun et des transports fluviaux.

Ils ont du mérite : le passage de convois de péniches à grand gabarit le long de leur l’île sape petit à petit les berges, rongeant leurs jardins. Et le service public Voies Navigables de France refuse de compenser ces dégradations infligées à des particuliers au nom de l’intérêt général. Il me semblerait au moins honnête de leur offrir un enrochement végétalisé de leurs rives.

Mais je laisse l’antenne, pour vous raconter cette visite, à ma suppléante Sophie Renard qui vient d’ouvrir un blog sur notre site de campagne : cliquez ici.

Deuxième visite délicieuse : au village de Crespières. Déjà, ce village est adorable (comme tous les villages de la circonscription), mais il a surtout donné un des meilleurs résultats à Europe Ecologie en juin 2009, et a choisi en 2008 un nouveau maire étonnant. On le remarque du premier coup d’œil en arrivant : voies cyclables dans les deux sens au cœur du village, etc. Il nous reçoit avec chaleur, nous explique sa politique écologiste et solidaire. Il explique la poussée écologiste dans le village par la proximité du projet de Voie Nouvelle de la Vallée de la Mauldre à quelques kilomètres à l’ouest de la circonscription. Avec la A104, la voie express Achères-Triel, l’élargissement de la RD 30, ce ne serait que le 4e contournement routier à l’Ouest de l’Ile de France à quelques kilomètres les uns des autres, au détriment des meilleures terres agricoles proches de Paris !

Lui aussi nous tient un discours pas du tout NIMBYste : plutôt que cette nouvelle voie express nord-sud, il propose un système de bus permettant aux habitants de rallier les gares du RER. Mais il ne prendra pas publiquement parti pour nous, et se déclare résolument « apolitique », ce qui signifie pour lui ne pas se mettre à dos le conseil général (UMP) dont son village a besoin pour subventionner ses investissements.

Bref, pour la population, l’UMP, toute-puissante dans les Yvelines, est une sorte de tuteur malfaisant : on est contre ses projets de bétonnage, mais comme elle tient tout, on a du mal à rejeter sa tutelle.

Et côté PS ? La grande inconnue est évidemment de savoir si le succès d’Europe Ecologie (six points d’avance sur le PS le 7 juin) sera confirmé au premier tour de cette législative. Nous avons vu à Aix-en-Provence et ailleurs qu’il ne faut pas trop compter sur une stabilité d’un vote sur l’autre.

Mais, en distribuant des tracts sur le marché de Poissy, j’ai une première indication et c’est une bonne surprise. Un jeune couple me déclare : « Nous nous sommes retenus de voter pour vous aux européennes mais cette fois-ci nous allons sans doute franchir le pas. Le PS n’est vraiment plus en ordre de marche. »

L’écologie a certainement marqué les consciences dans les vingt dernières années. Serait-elle en passe de transformer cette influence culturelle en influence politique ? L’affaire de taxe carbone semble l’indiquer. Alors qu’au fil des années, de la droite au PS, tout le monde paraissait se rallier à une taxation de l’énergie, et en particulier de celle produisant du gaz à effet de serre, le PS a semblé se disperser. Certains de ses leaders (Ségolène Royal) ou de ses économistes (Liêm Hoang Ngoc) se sont retournés contre le principe même de la taxe carbone lorsque Sarkozy en a présenté sa version. Seuls les écologistes ont su opposer à Sarkozy un contre-projet de pollutaxe à la fois écologiquement efficace et socialement redistributive.



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