...Et non pas semaine calme, loin de là. La crise de la Communauté andine m’a occupé une bonne partie de la semaine. Le reste du temps a été consacré à l’économie de l’environnement, sujet de plus en plus brûlant.
Comme nous sommes en pleine diplomatie, je résume.
En 2004, au début de cette mandature, la Communauté andine comprenait 5 pays : Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou, Bolivie. Je suis donc président de la délégation du Parlement européen pour ces 5 pays. Depuis, le Venezuela, critiquant (avec raison d’un strict point de vue économique et juridique) les accords de libre-échange conclus par le Pérou et la Colombie avec les États-unis, a quitté la CAN et demandé son entrée dans le Mercosur. Demande qui attend sa ratification par le Congrès brésilien, où la majorité est de droite et ne fera pas de cadeau au Pt Hugo Chavez. Le Venezuela est donc assis entre deux sièges, et le Parlement européen a pour le moment décidé de le maintenir dans la délégation CAN, avec deux pays classés progressistes (la Bolivie et l’Équateur) et deux pays classés comme libéraux et amis des États-unis (Pérou, Colombie).
Par ailleurs, l’Union européenne a proposé à la Communauté andine un accord d’association de bloc à bloc et à 3 piliers (politique, coopération-développement, accord commercial). Elle a dès l’origine souligné qu’elle reconnaîtrait les asymétries entre elle-même et la CAN (c’est-à-dire qu’elle serait plus ouverte aux produits de la CAN tout en reconnaissant à la CAN le droit de se protéger), et les asymétries à l’intérieur de la CAN (c’est-à-dire qu’elle reconnaissait des droits particuliers aux pays les plus pauvres, en l’occurrence la Bolivie).
À partir de là, chacun a tiré dans son sens. Au nom de l’asymétrie, la Bolivie demande à n’être concernée que par le moins d’articles économiques possible, et en tout cas pas les « chapitres de Singapour » de l’OMC. Le Pérou et la Colombie cherchent à se débarrasser du volet politique (et notamment défense des Droits de l’Homme) pour ne garder qu’un pur accord de libre-échange le plus complet possible avec l’Europe (ce qui est aussi le souhait du Commissaire européen au Commerce, P. Mandelson, mais pas du Conseil, du Parlement ni de la direction des Relations extérieures de la Commission).
Noter enfin que la Bolivie et l’Équateur ne sont pas du tout dans la même position par rapport à l’Europe : les exportations vers l’Europe représentent 2% pour la Bolivie et 18% pour l’Équateur qui est le plus grand fournisseur de bananes à l’Europe.
Inversement : Colombie et Équateur, politiquement opposés et économiquement concurrents en tant qu’exportateurs de bananes, ont porté plainte contre l’Europe devant l’OMC pour protester contre le traitement préférentiel que celle-ci accorde aux importations de bananes en provenance des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Bon, normalement, d’un point de vue mathématique, le problème a trop d’équations. C’est infaisable. Mandelson, la droite et le Pérou doivent gagner. Mais on essaie quand même.
Éléments nouveaux des derniers jours, nous apprenons successivement :
– l’ouverture d’une crise entre les indigènes de la CONAIE et le président équatorien Correa,
– puis la démission (avec soutien chaleureux de la gauche latino-américaine) du président de la Constituante équatorienne Alberto Acosta, devant la volonté du président Rafael Correa de conclure d’ici la mi-juillet la rédaction de cette Constitution, alors que lui cherchait plutôt à construire une bonne constitution en prenant le temps nécessaire,
– et enfin, samedi, une déclaration fracassante du président Correa, dorénavant président en exercice de la CAN (comme Nicolas Sarkozy va être président en exercice de l’Union européenne), suspendant les négociations avec l’Union européenne pour protester contre l’adoption par celle-ci de la « directive de la honte.
À mon avis, R. Correa a triplement raison sur ce point : cette directive est inacceptable, même pour nous ; quelques 20% de la population équatorienne en âge de travailler le fait à l’étranger ; et enfin, à la conférence Eurolat et au sommet de Lima, en mai dernier, il avait été convenu solennellement que les questions d’immigration feraient l’objet d’un dialogue.
Du coup, je m’active auprès de la Commission européenne (très embêtée) pour trouver une solution au problème du traitement des citoyens latino-américains dans la directive Retour (« directive de la honte »). Car, bien entendu, il n’y a pas que l’Équateur qui proteste. Toute l’Amérique latine, dont une grosse minorité de citoyens peuvent prétendre à la nationalité espagnole ou italienne, pousse des hurlements, le Pérou portant l’affaire... devant l’Organisation des États Américains !
Par ailleurs, nous apprenons que la Colombie vient de rompre l’accord qu’elle avait avec l’ONU pour observer l’évolution des plantations de plantes à drogues. L’Office des Nations unies venait, dans un rapport, de montrer que, malgré la « guerre à la drogue » du Plan Colombie, les plantations ne faisaient que croître, et que, dans les aires protégées, seulement 18% de la déforestation pouvait être attribuée aux cultures illicites.
C‘est pas fini.
Normalement, nous avons une réunion de la délégation pour la Communauté andine jeudi matin, pour finaliser le voyage au Venezuela que nous devons faire en septembre. Mercredi dans la journée, coup de théâtre. Le ministre des affaires européennes du Venezuela vient m’annoncer que son pays refusait d’accueillir notre délégation... non pas à cause de la directive de la honte, mais parce qu’elle s’appelle « délégation CAN » et que le Venezuela n’est plus dans la CAN.
Dans la nuit, le secrétaire (fonctionnaire du Parlement) de la délégation, Thierry Jacob, trouve avec le président de la délégation pour le Mercosur une solution élégante : une délégation conjointe. Jeudi, j’expose la situation devant ma délégation où un seul membre du PPE est présent. Je fais d’abord voter le principe de la solution trouvée et acceptée par le président de la délégation pour le Mercosur. Mais cela implique peut-être de déplacer la date de la visite au Venezuela. Là-dessus, le collaborateur du PPE s’agite tant et si bien que devant le faible quorum (il n’y a dans la salle que deux Verts, deux PS, un PPE, pas de GUE et pas d’ALDE), on reporte la décision finale à la semaine prochaine.
Le conseiller du PPE, Juan Salafranca, voudrait-il par hasard nous forcer à une visite au Venezuela sans l’accord du gouvernement, afin de n’y rencontrer que l’opposition ??
Les ambassadeurs de Colombie, Bolivie, Équateur, sont présents. L’ambassadeur d’Équateur annonce que la négociation CAN-EU a repris ce matin et que l’Équateur y participe. Ouf !
Et là-dessus, on apprend en fin de semaine que la Justice colombienne invalide la réélection du Président Uribe, que celui-ci a tenté un coup monté contre la Justice en faisant dire par un paramilitaire démobilisé qu’un magistrat lui avait demandé de témoigner contre le Président, et finalement que le Président convoque un référendum pour s’asseoir sur la Cour suprême de justice : conflit qui couvait depuis 5 mois.
Ça me rappelle quelque chose : le président péruvien Alberto Fujimori, au sommet de la popularité (80%, comme actuellement A. Uribe), grâce à sa « main de fer » contre le Sentier Lumineux (sorte de Farc, en plus cruel), avait tenté et réussi une manœuvre semblable. Une fois vaincu le Sentier Lumineux, ça s’était mal terminé pour lui…
Les Français vont redécouvrir les dangers des plébiscites...
Je n’en dors plus.
Un nouveau thème se prépare au niveau de l’Union, la question de la capture du CO2. J’ai déjà reçu la semaine dernière les lobbyistes de Shell, cette semaine ceux d’Alstom, et nous organisons au niveau du groupe Vert une réunion avec des experts. Il ne s’agit plus seulement de faire pousser des arbres (solution qui pose elle-même des problèmes), mais bien de 12 grosses expériences d’injection directe dans le sol (dans des aquifères salins très profonds) du gaz carbonique émis en grande quantité par les grosses installations de pétrochimie, sidérurgie, type Dunkerque ou Fos-sur-Mer.
La plupart des experts écologistes pensent qu’une part de capture sera nécessaire si on veut atteindre l’objectif de « moins 80% d’ici 2050 ». Naturellement, les industriels voudraient commencer très vite, et ils ont raison. Cela implique des emprunts qui ne peuvent être basés que sur une évaluation du prix de marché des quotas de carbone évités, au moment où ces installations coûteuses entreront en fonctionnement et seront reproduites.
Justement, nous avons un déjeuner du Kangaroo Group (club trans-courants de discussions entre parlementaires et représentants du monde économique), qui m’a invité à intervenir sur la question : « Écotaxes et changement climatique ». Vous trouverez mon intervention ici.
Et je dois par ailleurs faire un saut à Paris où les Verts tiennent une conférence de presse puis trois heures de débat autour de Pascal Canfin sur le programme économique des Verts pour les élections de 2009. Sont présents une camarade anglaise, un Belge et le secrétaire du parti Vert européen, Juan Behrend. J’y présente mon analyse de la crise financière et de la contribution de l’économie Verte pour en sortir... mais, désolé, par encore eu le temps de la coucher par écrit.
PS : Les interventions du colloque Sécurité collective et Environnement sont dorénavant disponibles sur ce site, les interventions écrites le seront petit à petit, au fur et à mesure de leur transcription.