Militantisme très dispersé cette quinzaine. Désormais retraité, je sers un peu de bouche-trou volant…
Je m’occupe, par exemple, beaucoup des retraites, notamment dans le cadre de l’appel Exigences citoyennes sur les retraites. Mais je vous avais promis, dans mon dernier billet , de vous parler des conventions régionales d’Europe Ecologie. J’ai participé à celle du 8 mai en Ile-de-France et, le 18 mai à Avranches (Basse Normandie), aux Etats Généraux pour l’emploi d’Europe Ecologie qui se déploient parallèlement.
Flash back sur la Convention IdF, donc. Le maire Europe Ecologie d’Arcueil, Daniel Breuiller, a très bien fait les choses. Il met à notre disposition l’ancienne Mairie d’Arcueil, un groupe scolaire et la salle municipale Jean Jaurès. Très bien pour les ateliers, mais la salle Jean Jaurès (250 places) est trop petite devant l’afflux de écolos : la plénière d’introduction est retransmise vers la cantine du groupe scolaire. Quant au déjeuner, on pique niquera dans la cour de récré.
J’écoute l’assemblée générale de lancement depuis la salle de retransmission. Il y a d’abord une table ronde sur « Les valeurs de l’écologie » avec Eva, Dany et Cécile. Eva comme toujours très impressionnante. Pour elle, les valeurs de l’écologie, c’est tout simplement l’éthique : et d’abord l’honnêteté et la lutte contre la corruption. Pour Cécile et Dany, on sent qu’ils s’adaptent aux télévisions, lesquelles ne s’intéressent qu’à une chose : l’avenir organisationnel d’Europe Ecologie. Dany insiste un peu, quand même, sur la valeur « autonomie ». Cécile, d’une façon hautement significative des modifications culturelles introduites par Internet, renvoie tout simplement, comme par un lien hypertexte dans son discours… vers mon intervention et celles de Jean-Paul et Yves sur les valeurs, tenu aux Journée d’été de Nîmes !
C’est ce que je fais ici : cliquez ! Mais cette façon de cliquer « à l’oral » me cause quand même un choc… culturel. J’ai participé un jour au Congrès des Verts aux Etats-Unis : personne ne se serait permis ça, chaque orateur/trice savait illustrer les valeurs pour les quelles il ou elle se battait, de manière impressionnante dans la voix et dans le geste. Même dans ce pays hyper-branché, on garde un grand respect pour l’art rhétorique, la politique orale : c’est le pays des pasteurs et des acteurs. Obama a gagné parce qu’il était très bon orateur pour expliquer les valeurs qu’il défendait.
Il faut absolument que tous les animateurs Europe Ecologie apprennent à incarner, dans leurs discours autant que dans leurs actes, les valeurs dont a besoin un monde déboussolé. J’ai cité Eva (imaginez-la face à Sarkozy au débat d’entre-deux tours d’une présidentielle : elle n’en ferait qu’une bouchée), mais il y en a d’autres. J’ai assisté par exemple à une intervention de Philippe Meirieu en campagne régionale rhone-alpine. Vraiment on avait l’impression d’apprendre quelque chose d’important de la part du leader de la liste pour laquelle on allait voter. Et significativement sa liste a fait le meilleur résultat de France.
Heureusement, le débat sur les valeurs reprendra en atelier.
La deuxième table ronde dans cette AG d’ouverture porte sur l’organisation. Comme les journalistes sont déjà repartis, satisfaits de ce qu’ils ont capté des discours de Dany et Cécile, le débat glisse curieusement vers ce qui pourrait apparaître comme hors sujet mais n’en est pas moins significatif. On n’apprendra pas grand chose de ce que pensent les uns et les autres des débats « coopérative/fédération/ruche ». Mais on en apprendra beaucoup plus sur quelques évolutions ou batailles sous-jacentes.
Par exemple, le maire de Sevran, Stéphane Gatignon, ex-communiste et tête de liste EE en Seine st Denis apporte un témoignage critique sur sa vie politique passée : « Le stalinisme est arrivé quand les dirigeants d’organisation ont remplacé les dirigeants politiques. » Dans la salle où j’écoute le débat retransmis, on rigole : cette remarque semble viser son voisin Jean-Vincent Placé, redouté patron de l’organisation chez les Verts et directeur de la campagne régionale Europe-Ecologie. Celui-ci d’ailleurs, tout sourire, se défend d’être « un Richelieu ».
Richelieu ? certainement pas. Mazarin peut-être. J’ai amplement critiqué en son temps les erreurs techniques et politiques de la campagne régionale Europe Ecologie IdF, qui expliquent largement son échec relatif et l’inversion complète du rapport de force PS / Europe Ecologie entre les européennes et les régionales. Il faut toutefois nuancer : automatiquement, les succès d’Europe Ecologie conduisent les dirigeants « de l’interne du parti » à solliciter ou à occuper des positions politiques « externes », c’est-à-dire des responsabilités dans la conduite des luttes sur le terrain ou depuis un exécutif. C’est-à-dire franchir l’épreuve du passage de « dirigeant de l’organisation » à « dirigeant politique ». Passage dangereux comme vient de le souligner Gatignon, et qui demande l’acquisition d’une expérience : s’adresser à l’opinion publique, faire passer un projet, c’est autre chose que les négociations pour les places entre courants ou groupes parlementaires. Jean-Vincent , devenu vice-président aux transports de la région IdF est maintenant en position de faire ses preuves : il a conduit la campagne sur le thème du « pass transport unique » pour toute l’IdF (*), ses capacités politiques vont maintenant pouvoir se déployer dans cette bataille-là.
L’après-midi je participe à l’animation de l’atelier « valeurs ». Vous trouverez ici mon intervention initiale, où je résume ce que, habituellement, on considère comme « les valeurs de l’écologie politique », et détaille par exemple pourquoi les écologistes sont féministes. Le féminisme : une valeur que les rédacteurs (tous masculins) de la première version de l’appel d’Europe Ecologie avaient fait sauter, et que l’indignation des militantes et militants (toutes origines confondues !) avaient fait rétablir en quelques jours par mobilisation sur Internet et Facebook.
Mais le débat porte surtout sur la question difficile de l’utopie écologiste. Je donne mon point de vue sur le « réformisme radical » des écologistes, et ce que cela implique dans notre vision de l’utopie. Schématiquement l’écologie, contrairement à la révolution socialiste, implique une prise en compte du temps qui passe comme un coût, et donc donne beaucoup plus d’importance au « chemin », à la direction de la progression, qu’au but utopique à atteindre. C’est à la fois une revanche de Bernstein (Le but n’est rien , le chemin est tout), et une restauration des deux vers de Paul Eluard « Un autre monde est possible/ Mais il est dans celui-ci ». C’est surtout le constat qu’un certain type de « progrès » a failli au 20ème siècle.
Dans la cour de récré, on discute des premiers pas du Conseil régional à majorité PS-Verts. Comme je l’ai déjà dit, les négociateurs verts ont abandonné l’Economie Sociale et Solidaire (et l’Egalité Femmes-Hommes), et le PS a présenté cash la facture aux agglos : le budget des conventions territoriales consacré au soutien à l’ESS, telles que négociées dans la précédente mandature par la Verte Francine Bavay, est amputé des deux tiers ! Autant de moins pour l’emploi et le lien social. Que faire ? eh bien tout simplement se retourner vers les départements, quand ils ne sont pas tenus par le PS. Pour le Val-de-Marne : le PCF (assez « rénovateur » au niveau départemental). Pour les Hauts de Seine : l’UMP, où un très jeune conseiller général, provisoirement privé de responsabilités importantes (devinez qui !), s’est montré attentif aux demandes des Verts de soutenir l’ESS…
Autre échelle à Avranches, un débat dans le cadre des Etats généraux de l’emploi, qu’Europe Ecologie organise parallèlement à ses conventions fondatrices.
70 personnes ! C’est assez considérable pour cette petite ville (8000 habitants). Il faut dire que François Dufour est là. François, qui fut porte-parole de la Confédération paysanne, était venu à la Mutualité pour le meeting de clôture de ma campagne des européennes 2004, il était également 2ème de la liste Europe Ecologie nord-ouest aux européennes de 2009, et il a raté de quelques dizaines de voix son élection. Normalement avec les deux euro-députés supplémentaires que le traîté de Lisbonne attribue à la France, il devrait être aujourd’hui Euro-député, mais Sarkozy a obtenu que l’Assemblée Nationale désigne les deux députés français, et non pas le vote de 2009 des électeurs, comme dans les autres pays !
Yann Forestier, leader des Verts de la Manche, avait organisé notre confrontation à Saint-Lo alors que François était pour le Non. Il tenait depuis longtemps à nous réunir de nouveau, et c’est vrai que François, devenu maintenant vice-président EE du conseil régional de Basse-Normandie en charge de l’agriculture, commence à mieux mesurer l’importance de la codécision du Parlement européen sur le budget agricole pour infléchir les politiques agricoles productivistes. On retrouve d’ailleurs la même évolution chez José Bové. Il faut dire que, à notre grande amertume, la Confédération paysanne n’avait pas pris conscience jusqu’en 2005 que le Parlement européen, dans le cadre des traités jusqu’à Maastricht-Nice, n’avait aucun pouvoir de décision sur la PAC, alors qu’à partir de l’année prochaine il en votera le budget !
La discussion à Avranches porte sur l’ensemble des moyens pour développer l’emploi en zone rurale : pas seulement l’agriculture, mais l’ESS, , le développement local, les services publics…
J’ai d’ailleurs failli ne pas venir « à cause d’eux ». Lorsque je suis arrivé à la gare Montparnasse, tous les trains étaient bloqués ! Les infirmières et infirmiers anesthésistes occupaient les voies. J’arrive à me faufiler le long des voies jusqu’à la manifestation, qui occupe les rails juste à la sortie de la gare, et me joins à un groupe de cheminots qui observent. Bloquer l’outil de travail des autres et tous leurs usgers, c’est une forme de lutte assez radicale et inattendue. Mais les cheminots avec qui je bavarde ne sont pas hostiles. Tandis que les manifestants de la santé (en fait pas seulement anesthésistes) dialoguent avec les gendarmes mobiles qui les encerclent, les cheminots évoquent leur grève de 1995…
(*) Pour la direction de campagne, c’était possible sans augmentation de tarif (sauf sur la zone 1, de l’ordre d’une sortie hors-zone par mois).