Alors que le jugement de l’appel de la SNCF « contre Georges Lipietz et consorts » (pour sa condamnation à 5000 euros de réparation par déporté, en 1944) devait être proclamé demain mardi, aujourd’hui à 15 h tombe la nouvelle : l’audience publique sera recommencée ! Elle aura lieu de nouveau le 21 mars, cette fois ci en « audience solennelle », c’est-à-dire avec 7 juges de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, et non 5 comme c’était le cas le 30 janvier. Un tel embrouillamini, quoique légal, est totalement exceptionnel. Qu’en penser ?
Bien évidemment, que les juges ont pu mesurer jusqu’à ce matin l’imbroglio juridique vers lequel les conduisaient les énigmatiques conclusions du Commissaire du gouvernement Péano. Ils ont surtout mesuré les formidables conséquences jurisprudentielles que pourrait avoir leur arrêt, s’ils suivaient ces conclusions :
* La remise en cause de la fermeture de la parenthèse par laquelle, entre l’arrêt Ganascia (1946) et les arrêts Pelletier-Papon (2001-2002) on ne pouvait demander aux personnes morales de droit public réparation pour les crimes commis en vertu des “actes dits lois” racistes de Vichy. L’arrêt Papon n’aurait ainsi bénéficié qu’à Papon lui-même, le bourreau, mais pas aux victimes de l’époque.
* La remise en cause du principe d’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, au nom de l’argument bizarre que l’on plaide « en réparation » et non au pénal, argument qui est rejeté par le Parlement européen, y compris par les eurodéputés français, surtout quand le responsable a caché (même « erronément ») sa responsabilité.
* En faisant porter le poids des réparations uniquement sur l’Etat, sous prétexte que la SNCF était payée par celui-ci, ces conclusions remettaient en cause tout un pan du droit public et de la responsabilité propre des fournisseurs, fussent-ils eux-mêmes des services publics.
Cette nouvelle audience est-elle bon signe ? Oui, certainement, en ce qu’elle témoigne pour le moins de la vacuité des conclusions du Commissaire Péano. Maintenant, y aura-t-il de nouvelles conclusions, proposées par un autre Commissaire ? Et quelle sera la position finale de juges ? La suite au 21 mars et au rendu de l’arrêt, encore plus tard…