La SNCF numérise les archives… qu’elle veut ou qu’elle peut !
par Alain Lipietz

samedi 4 février 2012

La SNCF a annoncé hier qu’elle offrait à trois institutions ses archives numérisées de la période 1939-1945. Fort bien, mais…

Depuis 1992 et la découverte, par Kurt Schaechter, d’une facture adressée à la préfecture de Toulouse portant sur le transports des « internés et expulsés » (= déportés), la SNCF annonce régulièrement qu’elle ouvre « toutes ses archives » aux chercheurs. Elle l’a encore répété aux chercheurs américains l’an dernier.

Or depuis vingt ans on n’a rien trouvé dans ces archives-papiers ! Tout ce qu’on a trouvé, y compris la facture Schaechter, a été trouvé, plus ou moins régulièrement, dans les archives de l’État. On aurait du en trouver l’original ou le double dans les archives SNCF. Mais non, rien.

Ainsi, on ne dispose que de la trace d’une seconde facture, par la discussion entre deux ministères, découverte par Georges Ribeill, d’une lettre de rappel adressée par la SNCF, fin mai 1945, relative à une facture de transport d’expulsés de mai 1942. Mais ni la facture Ribeill, ni la facture Schaechter n’ont été retrouvées sous forme papier dans les archives SNCF, et il est douteux qu’on les retrouve après numérisation !

Plus grave : deux pièces essentielles sont indiquées par les archives de l’État déjà déclassifiées : la « convention des transports de l’espèce » (= des internés et expulsés) entre l’État et la SNCF, et un témoignage du ministre Bichelonne sur une lettre du président de la SNCF de 1943, Pierre-Eugène Fournier, au président du conseil de Pétain, Pierre Laval, actant un accord sur le transport des prisonniers. Cet accord et cette convention constituent un véritable « pacte » partageant la responsabilité des transports en vue de la Shoah et de la répression des résistants, entre Vichy et la SNCF. Or ces deux pièces sont manquantes dans les archives du Conseil d’administration de la SNCF !

Ces pièces très compromettantes, soit pour l’Etat, soit pour la SNCF, soit pour les deux, sont ou cachées ou détruites. Elles ont probablement été détruites à un moment quelconque entre 1944 et l’ouverture du procès intenté par deux rescapés, Georges Lipietz et son frère en 2002.

La nouvelle annonce de la SNCF correspond à l’ouverture du débat autour de mon livre La Sncf et la Shoah, en particulier dans les revues du groupe La Vie du Rail. Mon livre cerne, à partir des archives connues, le contenu probable de ces archives manquantes. Quelle que soit la sincérité des dirigeants actuels de la SNCF, il est douteux qu’ils puissent numériser des pièces dont la version papier et perdue ou cachée. En revanche l’État a sans doute, lui, le double de ces pièces !

Pour suivre le débat entre G. Ribeill et moi dans les publications de La Vie du Rail, cliquez ici



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