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En réponse à :Eurolat. SNCF. Cadeaux.
vendredi 21 décembre 2007
Cette semaine, c’est la première session, à Bruxelles, de l’Assemblée Euro-Latino-américaine, l’Eurolat, que je vice-préside. En début de séance, on m’annonce de Colombie la libération prochaine de Clara Rojas, de son enfant et d’une sénatrice (voir mon commentaire sur le site de Monica (…)
En réponse à :
Eurolat. SNCF. Cadeaux.
Je pense que dans cette affaire vous avez obtenu l’essentiel : la condamnation de l’Etat, donc de la République, pour les actes commis par Vichy (dont la première décision avait justement été de supprimer la République...). Vous avez tiré tout le parti possible du scandaleux arrêt Papon d’avril 2002. Je ne reviens pas sur ce point sur lequel nous nous sommes déjà tout dit et je vous laisse volontiers à votre communauté d’opinion sur le sujet avec Arno Klarsfeld et Annette Viewiorka.
Reste le cas de la SNCF. Sur ce point, j’avais vraiment tendance à vous donner raison et je pensais qu’il n’y avait rien à redire au jugement du Tribunal de Toulouse qui avait, en bonne justice, fait la juste part des choses : toute l’action se déroulait dans le cadre d’une mission de service public (au sens, bien sûr, où l’entendaient les autorités de l’époque : internement et transport de juifs), et il y avait une “faute de service” de la SNCF. Mais cette faute (maltraitance des passagers) était distincte (“détachable”) de celle de l’Etat, et de gravité moindre (comme en témoignait le montant des indemnités, moindre pour la SNCF que pour l’Etat). Bref, pour faire vite, maltraiter des détenus, les traiter dans des conditions contraires à la dignité humaine, c’est quand même beaucoup moins grave que d’interner des gens parce que leur seule faute est d’être nés juifs. C’était le sens du jugement de Toulouse.
Or ce jugement ne vous satisfaisait pas. Il vous fallait absolument voir reconnue l’unicité de la faute. Vous êtes même allés jusqu’à dire – de façon stupéfiante – que les conditions de transport étaient un début d’exécution (conscient et organisé à cette fin) du génocide par la SNCF. Ce faisant, en raison de cette exagération, il me semble que votre cause à l’encontre de la SNCF a perdu beaucoup de sa crédibilité, et a poussé le juge administratif à donner raison en totalité à la SNCF, jusqu’à l’absurde.
En effet, si je comprends bien l’arrêt du Conseil d’Etat, la SNCF ne disposait pas de prérogatives de puissance publique, elle n’avait strictement aucune autonomie et de surcroit “(les) modalités de traitement (des victimes) étaient fixées par l’occupant et mises en œuvre par les autorités de l’Etat “ (souligné par moi). Au fond, la SNCF n’existait pas dans cette affaire : voilà le fond de l’affaire telle qu’elle a été jugée par le CE. Une conclusion totalement différente de celle du Tribunal de Toulouse pour qui la SNCF participait, en tant que personne morale de droit privé, à l’exécution d’un service public.
Résumons nous : pour le CE il n’y avait pas de mission de service public, pas de prérogatives de puissance publique conférées à la SNCF. Qu’y avait-il alors ? N’y avait-il pas une voie de fait tout simplement, c’est à dire une action totalement insusceptible de se rattacher à une quelconque légalité. Auquel cas, la juridiction administrative serait également incompétente. De quelque côté qu’on tourne et retourne la question, c’est imparable.
C’est imparable, mais c’est absurde. Car la vérité c’est que la SNCF existait bien. Et la thèse de la contrainte absolue ne l’exonérait en rien de sa responsabilité propre dans les conditions de transport des passagers : la SNCF, même sous la contrainte, se devait de refuser de transporter les passagers dans ces conditions, et d’exiger que les autorités (forces d’occupation ou Etat) se chargent de la garde des détenus. Et on sait bien qu’elle y serait parvenue : ce qui intéressait les Allemands, c’était le transfert à Drancy. Pour ce qui est de la maltraitance, ils s’en chargeraient plus tard... Voilà, selon moi, le fond de l’affaire Lipietz-SNCF.