Vert contact n°670
Porto Alegre 3 : construire, enfin...

8 février 2003 par Alain Lipietz

Porto Alegre 3 n’est pas seulement un nouveau bond en avant quantitatif (100 000 personnes, 5 fois plus qu’il y a 2 ans !). Non, ce qui frappe, c’est l’immense enthousiasme pour construire, enfin !

Le Forum Social Mondial est né d’un refus, celui de la globalisation libérale sous hégémonie nord-américaine et son symbole : le Forum économique de Davos. Porto Alegre 1 en portait la trace caricaturale : face à la mondialisation, vive la souveraineté de l’État-Nation !

Et Jean-Pierre Chevènement, le nationaliste français chasseur d’immigrants était porté sur le pavois en tête de défilé. Porto Alegre 2 avait amorcé le tournant : après le 11 septembre, le Forum se déchaînait contre le souverainisme... des États-Unis, leur refus de ratifier Kyoto ou le Tribunal Pénal International, de respecter les conventions comme celles des prisonniers de guerre. Porto Alegre 3, le tournant est pris : face à la mondialisation du capital, il faut un vrai internationalisme politique, il faut des institutions multinationales. "L’axe 5" des grands débats est entièrement consacré à la mise en place d’un "ordre mondial démocratique et pacifique".

Et on entre dans le détail ! J’ai participé à un atelier sur la contribution de l’Europe à la sortie du nucléaire en Argentine et au Brésil, un autre sur : "Libre-échange ou échange équitable : faut-il ouvrir les marchés du Nord aux exportations du Sud ?" Par dizaine de milliers, on discutait de nouvelles règles pour le Conseil de Sécurité, pour le commerce mondial.

Bien sûr, il y avait l’élection de Lula, l’illusion lyrique qui s’emparait de tous les participants, comme nous jadis à l’élection de Mitterrand, ou en Afrique, après celle de Mandela. Les désillusions viendront plus tard. Mais un nouvel espoir est né : construire, au XXIème siècle, les institutions d’un monde solidaire et respectueux des générations futures. Aujourd’hui, cela passe encore par la diplomatie, et les gouvernements de gauche d’Amérique latine (Brésil, Venezuela, Équateur) n’ont guère d’interlocuteurs.

Reste les députés, réunis au Forum Parlementaire Mondial. J’ai participé au débat sur "Partis et mouvements sociaux". Argentins et... Français ont rappelé aux Brésiliens qu’il ne suffisait pas de gagner une élection, encore fallait-il rester l’expression des exigences écologiques et sociales et ne pas (trop) céder à l’ordre libéral mondial. Décision a été prise d’envoyer des députés du monde en "boucliers humains" en Irak (14 eurodéputés verts sont déjà partis, dont Alima Boumediene et Marie-Anne Isler-Béguin).

En attendant les institutions, c’est déjà une fraternité planétaire qui se construit...



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