Politis n° 987
La Une des faux-culs

31 janvier 2008 par Alain Lipietz

Selon la Une de Politis n°985, développée par l’article de Michel Soudais dans son article, ceux qui s’opposeraient à la modification de la constitution française en congrès imposeraient à Sarkozy le vote des Français par referendum sur le traité de Lisbonne. Ayant démontré que c’est exactement le contraire, y compris sur le blog de Politis (voir un résumé de mon argumentation), je suis donc assimilé à un « faux cul ». Charmant.

Le problème est simple. Je suis , comme la quasi unanimité des Verts , pour l’organisation d’un referendum sur le traité de Lisbonne et pour y voter Oui, comme nous avons appelé à voté Oui au TCE, comme j’ai voté Non à Maastricht et à Nice. Le traité de Lisbonne, moins favorable certes que le TCE , reste quand même nettement moins libéral que l’actuel traité de Maastricht-Nice.

Or, les articles 11, 54, 62 de la constitution française, et la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre dernier, sont formels : on ne peut pas organiser de referendum sur le traité de Lisbonne, ni même le ratifier de toute autre manière, AVANT d’avoir modifié la constitution française (essentiellement sur des points de vocabulaire, les modifications de fond qui auraient permis l’adoption du TCE ayant déjà été adoptées).

Si donc la tactique Fabius-Emmanuelli l’emporte, 40% de parlementaires français auront, par un tour de procédure, empêché le peuple français et 26 autres peuples européens de se prononcer sur le traité de Lisbonne, qui rejoindra d’office le TCE aux poubelles de l’histoire. Les Irlandais, qui sont en train de préparer leur propre referendum sur Lisbonne, n’auront plus qu’à l’annuler. Et tout cela soi-disant pour « forcer Sarkozy à organiser un referendum »…. que ce vote rendrait anticonstitutionnel.

Pour Michel Soudais, je fais du « juridisme ». Qui aurait pensé il y a 3 semaines que Politis appellerait Sarkozy à organiser un referendum anti-constitutionnel ? Je déteste la Ve republique, mais elle a été adoptée par les Français par referendum, et je suis contre les coups d’Etat, surtout confiés à Sarkozy.

Michel Soudais, qui admet le problème, m’oppose un argument de Michel Rousseau : « Apres que la modification de la constitution ait été battue en congrès, ya ka organiser un referendum sur le referendum, c’est à dire faire renverser le vote du Congres par un premier referendum pour la modification de la constitution, le gagner, et ensuite organiser le referendum sur le traité. »

Très drôle en effet. Petite question : à ce premier referendum (sur la constitution française), MM. Fabius et Emmanuelli voteront Oui, pour permettre le second referendum, le vrai, sur Lisbonne, alors qu’ils auront voté non à la même question au Congrès de Versailles ? et si le Oui passe à ce premier referendum, qu’est ce qui obligera Sarkozy à faire adopter le traité de Lisbonne par un second referendum et pas par voie parlementaire ? Sa bonne foi ? son sens de l’honneur ? Excellent.

En fait, les Nonistes de 2005 tremblent à l’idée que, consulté par referendum, le peuple pourrait changer d’avis et adopter le traité de Lisbonne (un peu moins bon mais assez proche du TCE). Or c’est son droit le plus strict, au peuple, comme de ne pas revoter Sarkozy en 2012.

Alors MM Fabius, Emmanuelli, Soudais, s’il vous plait, votez Oui, votez Non à Lisbonne, mais par pitié laissez nous voter, en ne bloquant pas le vote par un artifice de procédure.



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