Le Parlement européen fait un pas timide vers le principe de pollueur-payeur

17 décembre 2003 par Alain Lipietz

On se souvient que le Parlement avait voté en première lecture (mais par quelques voix de majorité !) un assez bon rapport sur la directive responsabilité environnementale.

Les principes, qui additionnent les traditions juridiques anglo-saxonnes et continentales, en sont excellents :
- Les autorités publiques ont la responsabilité d’interdire les activités dangereuses avant qu’elles ne provoquent des accidents (principe de précaution).
- Les entreprises restent civilement responsables des dégâts qu’elles provoquent (principe pollueur-payeur). Les "défenses" par rapport à ce second principe (autorisations données par l’administration, état de l’art ) avaient pu être éliminées. Surtout, l’obligation de souscrire à un fonds de garantie ou d’assurance, que j’avais introduite en tant que rapporteur CEM, avait été adopté.

Malgré l’opposition de la France et de l’Angleterre, cette dernière stipulation a été, en première lecture, maintenue par le Conseil, qui en revanche, a reconstitué les "défenses", faisant ainsi glisser le coût du principe pollueur-payeur des entreprises vers les États (et donc vers les contribuables). Pire, la Commission juridique du Parlement, qui avait en charge la préparation de la seconde lecture au Parlement (rapport Manders), a affaibli encore la proposition du Conseil, ajoutant de nouvelles "défenses".

Heureusement, la plupart des amendements de la Commission JURI ont été rejetés en plénière. Mais hélas, la plupart des amendements (essentiellement verts) destinés à renforcer la directive, quoique majoritaires, n’ont pas atteint la majorité absolue des 314 voix nécessaires en seconde lecture (ainsi : la demande d’inclusion des risques nucléaires, la demande d’une directive spécifique pour les OGM). Et il est fort à craindre que le Conseil n’aille pas plus loin en seconde lecture ; et plus douteux encore que les États individuels aillent plus loin.

Ainsi, comme il arrive souvent, le Parlement a échoué à remettre en cause les dispositions restrictives du Conseil (c’est-à-dire des gouvernements), alors même qu’il le voulait majoritairement. On mesure ici le poids de la règle de la majorité des élus (314) et non des présents !

Voir :

 la position du Conseil européen sur la responsabilité envirtonnementale
 le rapport Manders tel qu’amendé
 le "debriefing" des organisations de défense de l’environnement



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