Le racisme "marabout de ficelle de cheval"
par Alain Lipietz

mercredi 21 mars 2012

Finalement , la « vraie » loi des séries du tueur en série de Toulouse, Mohamed Merah, était celle d’Al Qaeda (et il faut féliciter la police judiciaire de ne pas l’avoir écartée) : je tue des beurs engagés sous le drapeau français parce qu’ils sont passés dans le camp d’une armée qui combat mes amis Talibans, je tue de enfants juifs de 4 ans parce que l’État d’Israël tue des enfants Palestiniens, etc. (et on cherche avec inquiétude d’autres exemples pour cet « etc. »)

C’est le racisme par concaténation, le racisme « j’en ai marre à bout de ficelle de cheval », la logique « si ce n’est toi c’est donc ton frère ou son allié, c’est donc quelqu’un des tiens », ce que j’ai appelé « le racisme général », le racisme typique des groupuscules suprématistes blancs (païens, chrétiens ou juifs)… ou d’Al Qaeda.

On s’étonne que le « djihadiste » Mohamed Merah ait tué presqu’autant de possibles musulmans que de probables juifs. C’était le cas pour tous les crimes d’Al Qaeda depuis l’attentat de Dar Es Salaam : des crimes contre l’humanité. Mais cette logique peut conduire à cibler particulièrement les « traitres à sa race ». Ainsi , l’individu qui semble psychologiquement le plus proche de Mohamed Merah, le tueur en série norvégien Anders Breivik : au nom de la lutte contre « l’invasion musulmane » , il est allé massacrer des dizaines de jeunes nordiques probablement luthériens, mais membres d’un parti (social-démocrate) pas assez raciste à ses yeux !

J’ai été victime de ce genre d’individu, mais la balle, je l’ai reçue seulement par la poste. Un nommé Raphael Shoemann, me considérant juif (sans doute par héritage ?), n’avait pas supporté que je ne sois pas anti-palestinien…

Ce qui me frappe avant tout chez ce genre d’individus, avant la logique folle de leurs détestations, c’est leur amour des armes. Tous (Schoemann compris) avaient chez eux un petit arsenal. S’arroger le droit de tuer semble chez eux un préalable à la justification de cibles particulières, et celles-ci ne semblent qu’un prétexte arbitraire pour affirmer leur fantasme de toute-puissance…

Mas trêve de psychologie. L’affaire a révélé en quelques jours, avant même que l’on connaisse le profil de l’assassin, que de hautes personnalités françaises et étrangères (Angela Merkel au premier rang) trouvaient intolérable que l’on tue des Juifs, mais en quelque sorte admissible que l’on tue des Français d’origine maghrébine. Eux, engagés dans l’armée française, allant risquer leur vie dans une « mission internationale » à laquelle le gouvernement français avait décidé de participer, ne méritaient pas la moindre compassion !

Or cela aussi fait partie de la logique d’Al Qaeda : prendre en otage les populations d’origine arabe dans les pays d’Europe ou d’Amérique, les sommer de choisir entre un statut de harki, cible légitime pour ses attentats, ou le maintien dans la marginalité en leurs propres pays.

Et on mesure la difficulté de l’antiracisme (en particulier écologiste) aujourd’hui : nous devons défendre la condamnation en bloc des crimes de Mohamed Merah, face à ceux qui ne condamne que le crimes contre les Juifs, et donc nous devons souligner l’intégration « normale » de beurs assassinés à notre société… dont l’illustration est leur engagement dans une institution, l’Armée française, qui n’est pas notre préférée, et leur participation à une guerre que nous condamnons, celle d’Afghanistan !

Comme l’attentat du 11 septembre, les crimes de Mohamed Merah ont plus fait pour le racisme anti-maghrébin que cent discours des Le Pen / Guéant.



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