L’échec de Dany - José.
par Alain Lipietz

mardi 31 mai 2011

Congres décentralisé de EELV : la motion de la direction sortante emporte la majorité d’un cheveu (17 voix). Mais elle a ce cheveu et il faut la féliciter :-)

Elle obtient 3257 mandats : 50,25 %, sur les environ 45 % de votants sur l’ensemble des 14153 adhérents. En Ile de France, cette motion est majoritaire (50,5 %) avec 794 mandats sur 3619 adhérents.

Le grand vainqueur, comme dans la vie politique « extérieure », est donc l’abstention. La forme-parti est de plus en plus en crise, chez les écolos comme ailleurs. Encore, la moitié environ des mandats étaient-ils « portés » par les adhérents qui avaient accepté de se déplacer (un mandat par adhérent présent), le vote par correspondance ayant été refusé.

La plus touchée par ce phénomène est évidemment la motion « Construire l’écologie pour toutes et tous », lancée par Dany Cohn-Nendit et José Bové et porteuse de l’idée de coopérative politique, celle que je soutenais. Ses sympathisants, soit avaient adopté le statut de « coopérateur » (non votants, car non-adhérents à la structure « parti » ), comme le plus illustre d’entre eux, José Bové, soit ne se sont guère dérangés et constituent sans doute le gros des absents. « Construire » n’a même pas pu trouver dans plusieurs régions assez de « porteurs » pour les mandats qui lui avaient été confiés ! Elle est donc logiquement la grande perdante de ce congrès avec 26,55 % des mandats.

L’idée d’une coopérative rassemblant des dizaines de milliers d’acteurs et activistes de la transformation écologiste de la société, prêts à donner un coup de collier dans telle ou telle opération politique (comme une campagne électorale), mais peu désireux de s’engager dans la vie interne d’un parti, en sort affaiblie. Ses « incarnations » (Dany et José) en sortent très affaiblis, et avec eux l’élan des européennes de 2009, où pour la première fois l’écologie a failli (d’un cheveu encore plus mince ! ) être majoritaire dans le camp progressiste. Espoir que confirme encore aujourd’hui l’influence croissante de l’écologie politique chez les militants du monde associatif et syndical.

Logiquement, ce sont les partisans d’Eva Joly (la 3e héroïne de 2009) qui devraient se retrouver les prochaines victimes de ce tournant, même si officiellement la question de la présidentielle n’était pas posée à ce congrès, même si « Maintenant » ne s’était pas prononcé pour Nicolas Hulot (mais Libération salue tranquillement la victoire de « Cécile Duflot alliée à Nicolas Hulot »), même si Nicolas compte bien des partisans dans « Construire ». Les dés roulent encore pour Eva.

Le congrès de la Rochelle traduira ce résultat en composition de la direction. Il est clair que l’option « les Verts en plus grand » (et en plus pyramidal) en sort renforcée.

Faut-il se désespérer de ce résultat ?

Evidemment non. D’abord, « les Verts en plus grands », c’est toujours mieux que « les Verts en plus petit ». Si EELV risque de ressembler toujours aux Verts, la croissance de ce parti est une bonne chose pour l’écologie politique.

Ensuite, cette motion majoritaire a rassemblé la totalité des « chefs de tentes » des anciens Verts : de Dominique Voynet et Yves Cochet à Denis Baupin et Yves Contassot en passant par Jean-Vincent Placé et Cécile Duflot. Et même une majorité des « candidats d’ouverture » des régionales, qui s’étaient fait élire en arborant les portraits de Dany, José et Eva sur leurs affiches (en Ile-de-Fance : presque tous !). Elle aurait dû recueillir une très large majorité, elle était faite pour ça ! C’est donc une preuve d’indépendance d’esprit assez remarquable de la part des adhérents que de ne pas avoir, pour la moitié d’entre eux, suivi leurs cadres dans un unanimisme qu’ils/elles ont senti étouffant par rapport à l’espoir né en 2009. Dans certaines régions, la motion « Construire » est même arrivée en tête (Alsace, La Réunion , Guyanne, « Hors de France »), dans une moitié des régions « Maintenant » n’est pas majoritaire.

La volonté de « ne pas se diviser , ne pas faire de vague » qui a sans doute motivé l’autre moitié est parfaitement estimable. Elle a un effet positif : beaucoup d’électeurs de la motion majoritaire sont très proches de l’ambition, qui est celle de « Construire », de faire évoluer le mouvement vers une forme plus « coopérative » (et il faut l’espérer moins abstentionniste).

En tout état de cause, la forme oligarchique de la direction, qui contrôlait presque totalement le mouvement, devra désormais faire avec des courants explicites ayant exigé une autre façon de faire de la politique.

Enfin et surtout la motion « Maintenant » a dû composer avec l’aspiration vers le schéma de coopérative politique. Après l’avoir quasi ignorée dans son texte, elle a multiplié les signes d’ouverture dans cette direction. Je lui dit « Chiche ! », même si ma vieille expérience et l’expérience d’un passé récent, où la plupart des animateurs de « Maintenant » ont freiné des quatre fers face à l’opération « Europe Ecologie » aux européenes, puis face à la double parité (homme/femmes, Verts/Divers) aux régionales, m’appelle à la prudence.

Il reste que la motion « Construire » a fait un mauvais score, que n’excuse pas entièrement ce phénomène de mobilisation différenciée. Sa jeunesse (c’était essentiellement la motion des « nouveaux entrants ») s’est traduite en inorganisation, en naïveté, en absence de roublardise tactique, les conseils tactiques des quelques « anciens » cadres verts étant souvent ignorés. Epuisée à défendre Dany contre une accusation de malhonnêteté qui s’est avérée fausse, elle n’a pas su développer sa conception du « mouvement parti-coopérative » une fois cette hypothèque levée.

Piégée également par des déclarations isolées de Dany mettant en garde contre le risque de division de la gauche à la prochaine présidentielle et insistant plutôt sur l’importance d’avoir un groupe de 60 députés, préoccupation partagées très largement, à l’intérieur du mouvement et surtout chez les électeurs potentiels, mais inopportune dans le contexte d’un Congrès où il convient toujours de faire vibrer la corde identitaire, « Construire » est apparue comme moins autonomiste que les autres par rapport à la gauche productiviste, ce qui est un peu fort de concombre ! Je n’oublie pas la difficulté pour Dany et José, ou Yannick Jadot, de faire accepter partout l’autonomie au premier tour de régionales, je n’oublie pas l’intervention de « Maintenant » pour faire coucher l’écologie face au PS à Cachan.

C’est également un échec personnel de Dany et José, piégé par d’autres contraintes encore. José, qui avait accepté d’incarner le statut de coopérateur, et de ce fait s’est tenu à l’écart de ce débat interne. Et surtout Dany.

Car une partie des 49,5 % d’opposants (la motion « Envie », qui a obtenu 18%) a fait chorus avec la campagne de discrédit lancé contre Dany dans la presse, depuis l’intérieur des verts. Même après que la commission réunie par Philippe Meirieu l’ait blanchi de ces calomnies (c’est en fait le parti qui lui devait de l’argent !), « Envie » a continué, avec « Maintenir » , son patient travail de sape sur le thème de « l’éthique de Dany ».

Mais Dany souffrait d’un handicap plus structurel, ce que j’appelle le « complexe du Roi Lear ». Occupé à 98 % de son temps par « l’externe » (son travail de président du groupe vert à Bruxelles), il oscille entre des moments de forte implication, où il fait triompher les Verts français, et le désir de « rendre à la main »… tout en conservant un droit de contrôle, que ne justifie pas vraiment sa connaissance du terrain. Il a été quasi absent de la campagne interne, et, devant l’échec de notre motion, proclame sa volonté de ne plus s’intéresser au parti vert français, se réservant aussi pour la ccopérative. Je comprends son amertume. L’opération « discrédit dans la presse » a du peser lourd. Moi aussi j’ai été traîné dans la boue par la presse en 2001, avec la complicité du « pacte de stabilité » des dirigeants verts, sur des accusations dont j’ai eu du mal à prouver (quasi seul) qu’elles étaient fausses.

Mais nous n’avons pas plus de parti écologiste de rechange que de planète de rechange. Alors je dis Chiche ! à la nouvelle majorité. La coopérative politique vous intéresse ? Nous avons des idées !



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