Le premier Conseil Fédéral d’Europe Écologie- Les Verts
par Alain Lipietz

dimanche 12 décembre 2010

Ce week-end du 11-12 décembre s’est tenu le prmier Conseil Fédéral du rassemblement des écologistes. C’est en quelque sorte le parlement de EELV. Il est encore transitoire, parce que toujours fondé sur l’ancienne parité « ex-vert, ex-non verts ». On l’appelle donc CFT.

La partie ex-verte est l’ancien CNIR des Verts, et la partie ex-non-Verts a été désignée en Régions selon des méthodes variées, en général le tirage au sort parmi les volontaires (méthode qui n’est pas plus bête qu’une autre). Mais en tout cas, c’est une représentation des militants. Et cela va se sentir immédiatement.

Depuis 18 mois en effet, la direction exécutive des Verts, avec quelques non-verts et assistants salariés privilégiés, s’est constituée en petite oligarchie, totalement autonomisée par rapport au contrôle des militants politiques, syndicaux et associatifs du rassemblement des écologistes. C’est parfaitement normal. De même que les débats au sein du Conseil européen, entre les gouvernements, a un caractère diplomatique, donc secret et non démocratique, de même la nécessité d’arrondir les angles entre différentes composantes du rassemblement des écologistes conduit à réserver le débat à la poignée des négociateurs "au parfum".

Depuis ce temps-là, les militants de base et les cadres locaux serrent les dents, comprenant parfaitement les nécessités de la période, mais sans admettre que ce dessaisissement, contraire aux valeurs de l’écologie, devienne permanent. Ainsi, les militants, à certains moment-clés, sont intervenus bruyamment pour accélérer le rythme du rassemblement chaque fois que des formules dilatoires semblaient se dessiner « en haut lieu », ou pour rétablir le féminisme dans la liste des valeurs fondamentales de l’écologie.

Bref, comme je l’écris ici depuis des mois, ça ne pouvait plus durer. Or le bureau exécutif du rassemblement, lui aussi transitoire, ne l’ava it pas du tout compris. Et, entraîné par son élan, il propose d’entrée de jeu, au Conseil Fédéral… une liste préétablie de personnes sensées composer son bureau ! . Protestation dans l’assistance : c’en est trop.

Un premier vote a lieu décidant un tirage au sort parmi les présents (puisqu’on ne se connaît pas encore), à l’exception du président, que l’assemblée souhaite élire. Philippe Meirieu, meilleur élu des régionales (tete de liste en Rhone-Alpes : 18 %), est élu triomphalement.

J’ai dit ici à plusieurs reprises tout le bien que je pense de cet homme remarquable, que je connaissais comme pédagogue, et que j’ai découvert comme homme politique : à Bourg en Bresse, à Lyon… C’est sans doute le seul candidat ou dirigeant du mouvement dont j’aie le sentiment qu’il m’ait appris quelque chose d’important.

Philippe Meirieu monte alors à la tribune pour prononcer un discours qui déclenche des salves d’applaudissements et une ovation debout. Europe Ecologie vient de se choisir un président qui a du fond…

Le Cft se déroule ainsi en succession d’escarmouches, entre un exécutif qui s’accroche à de mauvaises habitudes et les militants qui souhaitent établir d’emblée des mœurs démocratiques. À trois reprises, les propositions de l’oligarchie sont rejetées. La plus significative est la dernière , à propos de la désignation des candidats au sénatoriales, où le CFT finit par préciser dans un vote que les personnes chargées de négocier les accords avec nos « partenaires » de la gauche ne peuvent pas être elles-mêmes… candidates. C’est la moindre des choses, mais ne passe pas sans mal.

Ce triple désaveu n’est pas du tout un désaveu politique, comme le confirment les votes sur un bout d’accord sénatorial, ou la mise au point d’une excellente résolution sur Cancun. Il s’agit plutôt d’une mise en garde : « Maintenant, vous nous écoutez ».

Malheureusement, comme le CFT se prolonge au delà de l’horaire prévue, nous ne sommes plus qu’une poignée à voter la grille de cotisation du mouvement. Stupéfaction : la grille proposée est dégressive à partir de 2800 euros par mois. Mais cette fois la direction (et ses fidèles, plus durs à cuire et à l’horaire) parvient à imposer son point de vue.

On aura l’air malin quand on proposera au pays une accentuation de la progressivité de l’impôt !



Reproduction autorisée avec la mention © lipietz.net http://lipietz.net/?page=blog&id_breve=410 (Retour au format normal)