Le Parti Vert européen pour le Oui
par Alain Lipietz

jeudi 17 février 2005

Aujourd’hui, les Verts européens tiennent un conseil exceptionnel pour adopter une position commune sur le projet de Traité pour une Constitution européenne.

Nous savons depuis lundi que, chez les Verts français, le referendum interne a donné 53 % des votants pour le Oui, 42 % pour le Non. Soit, parmi les votes exprimés, un rapport 56/44. Je m’attendais à deux points de plus pour le Oui. A l’évidence, le Non progresse, à la fois pour exprimer le mécontentement général contre Raffarin et pour clamer le refus d’une Europe libérale. La mobilisation syndicale contre l’assouplissement des « 35 heures » a été l’occasion d’accrocher cette double protestation à l’enseigne du Non. Pourtant, le vote sera européen, et on ne voit pas en quoi le débat en Pologne devrait être influencé par le souci de renvoyer Raffarin. Et, d’autre part, l’ Europe libérale, celle dont souffrent les manifestants, c’est l’Europe actuelle, celle de Nice. Or, le Non au referendum vaudrait maintien en vigueur du Traité de Nice.

Qu’une manifestation ne tienne pas spontanément un raisonnement aussi « compliqué », c’est tout à fait compréhensible. Que les partis ou associations qui n’ont jamais accepté la construction européenne et pensent que le seul barrage contre le marché reste l’État-nation en profitent pour faire avancer le mot d’ordre du Non est beaucoup plus contestable. Toujours est-il que la tentation est grande chez certains Verts de coller à la direction actuelle du mouvement syndical, au PC, à la CGT, à Force ouvrière, à la LCR...

Dans le Parti Vert Européen, l’écrasante majorité des pays, y compris les partis Verts en dehors de l’Union européenne, sont pour le Oui, comme le sont chez eux le mouvement syndical ou les mouvements associatifs. Seul résistent le parti Vert suédois, le parti Vert britannique, le parti Vert irlandais. Il y a bien aussi le minuscule parti Vert danois, qui oscille entre le départ et la ré-adhésion au Parti Vert Européen, mais il est de fait remplacé par le Parti socialiste de gauche danois (8 % de l’électorat), qui lui, s’est converti à la construction européenne comme seul barrage contre le marché.

Le débat est terriblement compliqué. Le bureau du groupe Vert au parlement européen propose une motion de synthèse entre le texte adopté par le groupe et qui lui sert de guide, et le texte adopté par Ecolo, le parti Vert belge francophone. Cette motion de synthèse prend clairement parti pour le Oui, tout en reconnaissant les graves insuffisances des progrès représentés par le TCE. Aussi, proclame-t-il que l’adoption de la Constitution ne serait qu’un point de départ : les députés européens s’empareraient aussitôt du droit d’initiative constitutionnelle que leur offre le TCE pour proposer un premier amendement vers une Europe plus démocratique, écologiste et sociale, et des initiatives seraient prises pour lancer les fameuses pétitions d’un million de signatures dans la population.

Cette synthèse ne plaît ni aux partis les plus hostiles à l’Europe, ni au puissant parti Vert allemand pour qui le Oui doit être franc, massif et sans réserve. Une pénible bataille d’amendements commence, où les Allemands et les Suédois font front commun pour éviter les amendements « centristes » des autres européens. Moyennant quelques oscillations de la part des Verts irlandais, le texte adopté me semble hautement satisfaisant. Il est acclamé par tous, y compris les Polonais qui seront bien seuls dans une Pologne très largement hostile au TCE et qui proclame dans tous les partis : « Nice ou la mort ! ».

Les Verts européens pour le OUI

Le « réalisme » des Verts allemands a, il faut le dire, quelque chose d’un peu effrayant. Pourtant, la veille, grâce à leur participation gouvernementale, ils ont fait déposer par le gouvernement allemand, en Conseil européen , une proposition pour taxer le kérosène au moins pour les vols intérieurs au sein de l’Union (Voir le communiqué L’Union européenne doit faire payer les plus gros pollueurs) à l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto !

Si vous ne me voyez pas sur la photo, c’est que j’ai dû sortir des débats du Conseil pour me joindre à une conférence de presse saluant une autre victoire : le Parlement européen, par le biais de la conférence des présidents de groupe, a repris la demande presque unanime de la commission des affaires juridiques de reprendre à zéro le débat sur le brevetage des logiciels. Il s’agit d’une manoeuvre astucieuse des Verts, tirant parti d’un article du règlement du parlement, qui permet de reprendre à zéro et en première lecture l’examen d’un projet de directive quand le parlement a été renouvelé. Cette petite manoeuvre de retardement nous permettra, espérons-nous, de présenter une position du parlement encore plus favorable au rejet du brevetage des logiciels, et de laisser s’exprimer au Conseil la position des gouvernements qui ont changé de camp depuis leur vote du mois de mai 2004, où ils avaient majoritairement soutenu le brevetage. Affaire à suivre...



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