Une semaine ordinaire à Bruxelles
par Alain Lipietz

mercredi 5 octobre 2005

Lundi : je travaille et… je réfléchis ! C’est assez rare. J’essaie de finir le premier jet de l’article sur Mallarmé commencé cet été, et je commence déjà la réflexion sur un livre dont le thème sera « Comment sortir de la crise de l’Europe ? Que peut-on faire encore dans l’espace français ? »

Mardi matin, travail sur mon troisième rapport en un an (grrr), toujours pour la Commission économique et monétaire (où je ne suis théoriquement que suppléant ! grrr grrr), avec notre collaboratrice du groupe Vert pour cette Commission (Ines Trépant) et avec un fort sympathique fonctionnaire de la Commission économique. Cette fois, l’objet, c’est la politique de la concurrence en 2004. Vous pouvez trouver ici le rapport de la Direction de la concurrence (c’est lourd, c’est long, casse-pieds et en anglais) et là mes premières réflexions. Si ça vous donne des idées, n’hésitez pas à m’écrire, il me faut mettre au point le rapport lui-même.

L’après-midi, c’est surtout le débriefing des décisions du Conseil des Affaires générales du Conseil à propos de la Colombie, la veille. Bien sûr cette réunion a été essentiellement consacrée à la Turquie : vous avez pu suivre le mélodrame dans les journaux. Mais un autre point à l’ordre du jour était la position du Conseil sur la loi « Justice et Paix » visant essentiellement l’amnistie des paramilitaires colombiens (elle nous a beaucoup mobilisés la semaine dernière.

Le texte du Conseil est plutot satisfaisant. Le Conseil prend acte du vote de la loi mais rappelle la totalité des critiques émises la semaine dernière par les ONG des Droits de l’homme. Il réaffirme sa disponibilité à aider financièrement les processus de paix « locaux » (conformément aux principes qui ont été approfondis dans une réunion dont j’avais jadis pris l’initiative). Quant à la question décisive du financement des programmes de retour des paramilitaires à la société civile, qui aurait pu conduire en fait à un financement de la poursuite des activités du narcoparamilitarisme, le Conseil s’en tire par une décision très habile : il ne financera que les programmes destinés aux enfants soldats, et encore , en apportant un soutien aux programmes de l’Unicef !

Le même jour, je reçois la réponse de la Commissaire aux affaires extérieures, Madame Ferrero-Waldner, à une question écrite que je lui avais envoyée quelques semaines auparavant à propos d’une menace colombienne de limitation de la coopération internationale. Le Haut commissaire colombien pour la paix avait récemment envoyé, aux ambassadeurs des pays donateurs, des « lignes directrices » pour les projets de coopération internationale . Ces lignes directrices prétendaient effacer du cadre de la coopération les programmes qui reconnaissaient l’existence d’un conflit armé et qui affirmaient la nécessité de développer des activités humanitaires auprès des communautés de paix de la société civile. La Commissaire me répond qu’elle a effectivement réagi à cet envoi en demandant au gouvernement colombien de clarifier la nature de ses lignes directrices. Cette clarification aboutit à la garantie que les autorités colombiennes n’opposeront pas d’obstacles aux initiatives de paix de l’Union européenne auprès des structures de base de la société colombienne…

Bon, nous voici un peu rassurés. Nous nous fendons d’un communiqué.

Le mercredi est consacré à une importante audition de la Commission économique et monétaire sur la taxation des entreprises. Il s’agit de préparer le rapport Bersani (un socialiste) sur un projet de directive qui propose d’établir une standardisation de la base fiscale dans la comptabilité des entreprises. Il se garde bien de proposer une harmonisation de la fiscalité des entreprises, tout en indiquant qu’il serait bon de rapprocher les taux d’imposition entre les différents pays. La discussion se déroule comme d’habitude, entre les tenants de la « concurrence fiscale » (la droite et les libéraux) et les tenants d’une harmonisation complète (les communistes). Je rappelle qu’il y aura forcément des différences de taxation (la taxe professionnelle varie par exemple en France d’une agglomération à l’autre sans que ce soit nettement un argument suffisant pour la délocalisation). Tout le monde semble en tout cas d’accord pour établir des bases fiscales standardisées, y compris en incorporant des règles d’amortissement tenant compte des objectifs de l’Union, telles que la construction de la « société de la connaissance », et la défense de l’environnement. Mais on est désormais loin des ambitions du « paquet Monti » d’il y a six ans : le resserrement des taux d’imposition sur les profits des sociétés.

Et puis le tout venant :

- je dois rewriter un article soutenant une audition de féministes européennes en faveur d’un droit européen à l’avortement (au PE à Bruxelles, le 18 octobre)

- je dois déminer une affaire de prêt de l’hémicycle des Verts pour une conférences des « travailleuses du sexe », pendant que nous serons tous en séminaire à Marseilles, prêt qui pourrait laisser croire que les Verts européens sont « néo-réglementaristes », ce qui est loin d’être le cas,en tout cas pour moi ; Monica, notre présidente ira au début de cette réunion, mettre les choses au point ;

- j’expédie la lettre à la direction de Suez, comme promis à la directrice de la crèche de La Paz ruinée par la hausse du tarif de l’eau ;

- Je mets à jour ma note Où en est la directive Bolkestein ? suite au coup du PPE qui, en déposant des amendements de dernier moment, a provoqué le report du vote de la Commission du marché intérieur (ce qui révèle l’intense bagarre dans la droite européenne) et je rédige une lettre standard pour répondre à la déferlante de lettres attirant mon attention sur cette directive (merci à tous et à toutes, mais SVP concentrez tous vos efforts sur la droite française)

- Etc, etc. Non, non, je ne me disperse pas..



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