Intervention en plénière dans le
Débat sur la zone Euro
en présence de Jean-Claude Juncker, président du Conseil de l’Eurogroupe, Jean-Claude Trichet, président de la BCE, et Joachim Almunia, Commissaire à l’économie.

11 juillet 2007 par Alain Lipietz

Messieurs les Présidents, Monsieur le Commissaire, chers collègues,

Je voudrais d’abord approuver l’intervention du président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker sur le succès de la partie « corrective » du pacte de stabilité réformé, et l’échec actuel de sa parte « préventive ».

Le « visiteur du soir » Nicolas Sarkozy vous a expliqué sa stratégie fiscale : « Donner aux riches dans les années de vaches grasses et faire rembourser par les pauvres dans les années de vaches maigres ». Je ne vous encourage pas à l’applaudir des deux mains, et vous avez tout à fait raison de l’appeler à s’en tenir aux engagements de désendettement pris par la France.

Ensuite, je voudrais vous exprimer mon plaisir devant l’évolution du débat au sujet de l’euro au sein de la Commission économique et monétaire du Parlement. Il y a deux ans et demi, mon rapport sur la BCE avait été démantelé pour des raisons essentiellement idéologiques. Aujourd’hui, le rapport de notre collègue Gay Mitchell permet un large consensus auquel nous pouvons nous joindre.

1) Il est enfin admis que des réformes permettent d’accroître le taux de croissance potentiel de l’économie européenne, et qu’elles ont sans doute déjà commencé à produire leurs effets.

2) Il affirme explicitement que, s’agissant du marché du travail, les réformes à promouvoir ne visent pas une « modération salariale » indéfinie ni le démantèlement des protections sociales. Elles doivent viser à la justice distributive (ne pas élargir le fossé, comme vous dites, ente « ceux qui travaillent et ceux qui leur donnent du travail ») à l’intérieur d’un volume défini par les gains de productivité, et à une accélération de ceux-ci fondée sur la recherche et la qualification professionnelle, selon la stratégie de Lisbonne.

3) Pour la première fois est mis sur la table l’article 111 du Traité qui confie au Conseil le soin de fixer la parité de l’euro sans préciser comment. Or, l’outil principal est la fixation d’un taux d’intérêt, dont la Banque centrale semble vouloir s’arroger le monopole. Le rapport Mitchell conseille aux présidents du Conseil de l’Eurogroupe et de la BCE et au Commissaire à l’économie de se concerter étroitement. Vous nous répondez qu’entre les deux Jean-Claude (Juncker et Trichet) et Joachim (Almunia) existe le plus étroit accord. C’est une chance, mais cet état de fait devrait être plus institutionnellement garanti, et les déclarations répétées sur « l’indépendance de la Banque centrale », y compris à ce sujet, ne peuvent qu’inquiéter.

Quant à l’idée selon laquelle la surévaluation de l’euro ne semble pas se répercuter sur la croissance, et que les pays qui en souffrent n’ont qu’à s’adapter, je conseillerais aux deux Jean-Claude d’écouter un Louis (Gallois) sur les difficultés que causent à son entreprise l’envol de l’euro, et me demande dans quel pays Airbus doit être réformé.

4) Dans le même ordre d’idée, il est rappelé que, si le Traité assigne DEUX objectifs à la BCE (stabilité des prix et soutien aux politiques de l’Union européenne), c’est qu’il n’est pas considéré que l’un découle automatiquement de l’autre.

5) Il est par ailleurs confirmé que la crédibilité démocratique de la BCE ne pourra se manifester que lorsque (comme au FMI !) il y aura plusieurs candidatures pour le Conseil de la Banque centrale.

6) Enfin, je suis particulièrement sensible aux remarques finales du « justificatif » de Ray Mitchell, et je souhaite comme lui, et comme je l’ai écrit il y a deux ans, que des êtres vivants, des personnages historiques ou littéraires, des paysages réels soient introduits sur la prochaine génération de billets européens.

(Dans les quelques minutes allouées à ma prise de parole, cette intervention a été légèrement abrégée en séance)



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