En Indonésie, le goût amer du palmier à huile

31 mai 2007 par Natalie Gandais-Riollet

Lors du colloque « Les arbres du mal », organisé le 9 mai 2007 à Bruxelles par Alain Lipietz, Ginting Longenna, pour Friends of the Earth International, a présenté un petit film sur les ravages causés par les plantations de palmier à huile en Indonésie.

L’huile de palme est originaire des régions côtières de l’Afrique de l’Ouest, où elle était consommée bien avant le début de l’histoire écrite. Les Portugais en ont découvert la culture au cours de leurs expéditions au 15e siècle, et plus tard, l’huile de palme devient une marchandise classique transportée sur les bateaux des marchands d’esclaves. Les premières plantations de palmier à huile en Asie coloniale datent du début du 20e siècle. Au début des années 70, la Malaisie était le premier producteur mondial, et en 2004, elle fournissait toujours la moitié de la production mondiale. Mais l’Indonésie s’apprête à la dépasser.

Les dommages causés à la forêt tropicale humide, en Indonésie et en Malaisie, par la culture du palmier à huile et l’exploitation de l’huile de palme, ne sont pas récents, et depuis la fin des années 90, les Amis de la Terre y ont consacré plusieurs études et rapportsi. Le goût amer du palmier à huile, petit film des Amis de la Terre, présenté par Ginting Longgena, vise à sensibiliser les consommateurs, soucieux d’achats écologiques et éthiques, au coût environnemental et social des produits contenant de l’huile de palme. Il commence donc par rappeler les nombreuses et abondantes utilisations de l’huile de palme, comme corps gras dans l’alimentation humaine (chocolat, pain industriel, chips, plats cuisinés…), mais aussi comme base de nombreux produits de toilette (dentifrice, shampoing, rouge à lèvre…) ou d’entretien : bref, 10% des produits que nous achetons en supermarché en contiennent.

En 2004, avant qu’on commence à se préoccuper de l’engouement pour les agrocarburants et de leurs conséquences sur la biodiversité, on s’alarmait déjà, en Indonésie car les surfaces de palmier à huile venaient de doubler en 10 ans, menaçant d’extinction des animaux en voie de disparition, comme l’orang-outan ou le tigre de Sumatra : en effet, pour faire place au palmier, ce sont leurs habitats, d’immenses forêts humides, qu’on détruit y en allumant de gigantesques incendies. Les images des animaux fuyant l’incendie font penser au Bambi de notre enfance… mais la forêt de Bambi était une forêt tempérée, brûlée par un feu spontané, et capable de repousser identique à elle même.

Les tigres et les orang-outan ne sont pas les seuls habitants de ces forêts. Des êtres humains, appartenant à des tribus indigènes, vivant de la chasse, de la pêche, de la cueillette des fruits, construisant leurs fragiles villages dans la forêt, sont eux aussi chassés en grand nombre par les incendies. Le plus souvent, leurs droits au sol n’étant pas reconnus, ils ont été expulsés, parfois forcés par l’armée et la police à quitter les lieux. Et le film illustre particulièrement bien le mode de vie ancestral de ces hommes, femmes et enfants, vêtus de leur sarong traditionnel, avançant en file indienne dans la forêt humide, chargés des victuailles qu’ils viennent d’y récolter.

Leurs forêts nourricières sont détruites par l’exploitation du palmier, mais aussi leurs ressource en eau et en poisson. Leurs sols sont polluées par les engrais et les pesticides utilisés dans les plantations, et par les produits industriels qui servent à l’extraction de l’huile. En effet, de cette industrie est né le POME (Palm oil mill effluent), une nouvelle catégorie de déchet ! C’est un mélange d’eau, de coques de fruits de palmier écrasées, de résidus gras et chimiques, déversé par les centaines de moulins à huile industriels du pays, qui contamine les rivières, tue la vie aquatique en aval, et va jusqu’à affecter la barrière de corail.

Quant au travail dans les plantations et les usines d’extraction, il est dangereux pour la santé : plus d’une vingtaine de pesticides, et du paraquat, le plus toxique des herbicides, interdit dans de nombreux pays, sont utilisés sans précaution, provoquant maladies de la peau et des ongles, saignements de nez, infections oculaires, ulcères de l’estomac, problèmes de fertilité et de grossesse…

L’huile de palme a longtemps été considérée comme de l’or liquide par les industriels et par les agences gouvernementales de développement. Son faible coût en a fait un ingrédient privilégié de l’industrie agro-alimentaire et des cosmétiques, avec comme conséquence le formidable développement des plantations de palmier. A l’heure où les consommateurs se préoccupent de l’avenir de la planète, alors qu’ils trient leurs déchets pour les recycler, qu’ils boivent le thé et le café du commerce équitable, qu’ils refusent les articles de sport fabriqués en Asie par des enfants esclaves, il est urgent qu’ils prennent conscience que leurs céréales de petit déjeuner, la margarine de leurs tartines, les barres chocolatées, saucisses et plats cuisinés industriels, tout autant que leurs innombrables produits de beauté, participent gravement à la destruction de la planète et de ses habitants (humains et animaux) les plus menacés. Imaginons alors ce qui restera des forêts tropicales et de leurs habitants si on remplit d’huile de palme les réservoirs de nos voitures !



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