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les Verts refusent d’instrumentaliser le débat sur la constitution européenne

4 décembre 2004 par Alain Lipietz

Yahoo : Selon vous, où en sont les Verts à la veille de leur Congrès ?

Alain Lipietz : A un élargissement substantiel de la majorité issue du congrès (nous disons encore AG !) de 2002. La somme des voix obtenues par la majorité sortante et un "centre", issu de l’ancienne minorité, qui reconnaît qu’on fait plutôt du bon travail depuis deux ans, regroupe déjà 65 % du mouvement. Nous espérons que la réunion du prochain week-end permettra une majorité encore plus large.

Y : Après avoir été le parti des vieux babas, les Verts ne sont-ils pas devenus le parti des vieux bobos ?

AL : En somme, nous aurions toujours été vieux ? La génération qui dirige actuellement les Verts était jeune, en effet, dans les années 70. Quand nous avons créé les Verts, il y a 20 ans, nous étions jeunes encore et notre parti est resté jeune... C’est vrai qu’il y a un "trou générationnel" vers les trente-quarante ans. Mais des jeunes "vingtenaires" arrivent, avec de nouvelles idées, et ils/elles en veulent !

A part ça, étions-nous baba-cools ? C’est une des composantes à l’origine des Verts, mais il y avait aussi les féministes, les syndicalistes autogestionnaires, les régionalistes, les tiers-mondistes, etc.

Sommes nous bobos ? C’est bien sûr une composante des Verts actuels (et sans eux, la conquête de Paris par la gauche eût été impossible).

Mais il y a aussi (et de plus en plus) des syndicalistes, des militants associatifs du Tiers secteur dans les quartiers populaires, etc...

Y : Quelles leçons tirez-vous du référendum du PS au plan européen mais également au niveau de la gauche française ?

AL : Je n’ai jamais pensé que le PS nous ferait le cadeau de laisser les Verts apparaîtrent comme le seule parti de gauche pro-européen ! Mais la victoire du oui au PS est pleine d’enseignements pour nous.

- Le très bas niveau de connaissance manifesté dans le camp du Non, sur ce qu’on garderait en votant Non (les traités actuels, Maastricht, Nice...) et sur ce qu’on gagnerait en votant Oui (le projet constitutionnel). On a du pain sur la planche.
- Le caractère très franco-français du débat. Les commentateurs se sont beaucoup plus intéressés aux conséquences des votes pour le pouvoir au sein du PS et pour la gauche française qu’aux conséquences pour l’Europe et pour le combat des forces progressistes d’Europe. Chez les Verts, nous avons repoussé fermement une tentative d’instrumentaliser le débat sur la Constitution européenne au service des rivalités internes du parti vert français. Mais pour ré-européaniser le débat public, va falloir ramer.

Y : Quelles propositions peuvent faire les Verts pour se démarquer ?

AL : Les Verts eux aussi sont divisés sur le projet de Traité, mais pas pour les mêmes raisons ! Nous sommes tous profondément européens, pour une Europe fédérale des régions et des peuples solidaires. Nous pensons tous que le projet de Traité Constitutionnel marque un progrès, certes insuffisant, sur les terribles traités actuels (Maastricht, Nice). Nous nous divisons seulement sur le pronostic quant à la dynamique qu’entraînerait le oui ou le non. Certains pensent qu’une victoire du non permettrait de "Tout remette à plat". D’autres, sans doute la majorité, dont je suis, pensent au contraire que le oui marque une volonté de réforme et donne les moyens d’aller plus loin.

Nous aurions souhaité organiser un référendum au niveau du Parti Vert Européen. Pour des raisons de calendrier (certains pays devant donner leur réponse très vite), ce ne sera pas possible. Nous aurons donc un référendum qui donnera la position des Verts français le 13 février, puis il y aura la décision du Parti Vert Européen.



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