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La situation actuelle et l’avenir de Copernic


dimanche 23 janvier 2011

Samedi, AG de la Fondation Copernic. J’y ai repris un rôle actif, au bureau, depuis que notamment sa présidente Caroline Mécary a rejoint Europe-Écologie. Campagne sur les accidents de travail, campagne sur les retraites : on n’a pas chômé. Et je m’y sens bien. Ses animateurs (Willy Pelletier, Pierre (...)


En réponse à :

@ Roger : sur la périodisation de l’anticapitalisme et sur notre devoir de "répondre " du stalinisme.

lundi 24 janvier 2011

Cher Roger

Je te remercie pour l’attention que tu as bien voulu apporter à mon texte et ta réponse circonstanciée, début je l’espère d’un débat prolongé.

S’agissant de ce qui motivait mon texte, je n’épiloguerai pas 107 ans : Willy a eu raison de ne pas brusquer les choses en n’engageant pas Copernic dans la co-organisation d’un débat entre Fondations proposé par Patrick Viveret. J’aurais été pour, tu étais contre. Et nous sommes d’accord qu’il ne s’agissait pas seulement de « débattre ou pas », mais d’être « coproducteurs d’une démarche de débat » dont je pense, pour les raisons que je dis dans mon texte, qu’elle est aujourd’hui plus utile qu’embarrassante. Le débat est donc sur ce qui t’embarrasse.

Nous avons eu et aurons des années pour en discuter. Je ne demande pas à la fondation Copernic de devenir écolo : nous créons actuellement une fondation de l’écologie politique pour cela. Et je ne prétends pas te convaincre de passer du paradigme rouge au paradigme vert. Simplement, il me semble désormais un peu court et dangereux de réduire notre objectif commun (ceux que nous poursuivons ensemble, rouges et verts, dans Copernic) à la critique de l’aspect libéral du capitalisme actuel.

C’est d’autant plus important que, comme tu le dis très justement, tous les aspects sont entrelacés. Cependant, chaque mode de production, et chaque modèle de développement particulier au sein d’un mode de production, connaît une forme de crise spécifique à sa structure propre (à son « entrelacement » spécifique, si tu veux), crises où s’affirment, avec plus ou moins de force selon les cas, les aspects économiques, sociaux ou écologiques. Par exemple, comme l’a montré Guy Bois, la grande crise du féodalisme que représente la Peste noire (et la fluctuation biséculaire qui l’a suivie) avait évidemment des racines économico-sociales (surexploitaion seigneuriale) mais aussi écologiques (quasi achèvement du défrichement de l’espace européen, excès de la vaine pâture) et sa manifestation principale a été une crise écologique (la peste elle-même) !

Même à s’en tenir à l’économie, les crises capitalistes, comme Marx l’a montré , peuvent venir soit du côté « baisse tendancielle du taux de profit » (exemple : la crise du modèle fordiste dans les années 1975-1985) ou du coté « surproduction/sous consommation » (crise des années 1930). Et il est assez important de savoir dans quelle situation nous sommes, car la social-démocratie et le keynésianisme constituent une issue possible dans le second cas , pas dans le premier cas.

Je pense (cf http://lipietz.net/?article2417 et http://lipietz.net/?article2579 ) que nous sommes dans le cas « surproduction » (trop de profits, pas assez de salaire ) mais que pourtant la solution social-démocrate à la Roosevelt n’est pas suffisante, contrairement à ce que semblent croire les « économistes atterrés ». La dimension écologique de la crise actuelle est telle que la « relance » par le crédit et la consommation n’est plus possible. Autrement dit (et contrairement à ce qe pensait Marx), les crises « à la Ricardo »sont de retour, non pas, comme le pensait Ricardo , parce que le capitalisme doit aujourd’hui mettre en valeur « les plus mauvaises terres » (encore que ce soit à peu près ce qui se passe dans le domaine de l’énergie) mais parce que le productivisme a fini par saccager… même les meilleurs terres !

On peut en débattre, mais il me semble que la réalité du développement de la crise actuelle (ne serait-ce que la persistance de la crise alimentaire : cf http://www.liberation.fr/economie/01012314293-la-bombe-a-retardement-alimentaire ) donne plutôt raison à ceux qui pensent que la « cohérence » de la solution à la crise passe par la prise en compte au premier chef de la contradiction « humanité/nature ». Même dans le cadre d’une solution qui, en termes strictement socio-économiques, passerait pour rooseveltienne (redistribution fiscale et salariale + renforcement des syndicats + régulation financière + capitalisme d’Etat). Un bon New Deal est un Green Deal.

Mais, cher Roger, ceci n’a rien à voir avec une contradiction « le vieux / le nouveau » ! Comme je l’ai rappelé en citant Guy Bois sur la Peste Noire (1976 !), et la réalité et les marxistes ont connu des crises écologiques depuis bien longtemps ! Si ça se trouve, après la découverte d’une issue éco-social-démocrate à la crise actuelle, le capitalisme connaîtra une crise finale en 2050 qui passera principalement par la dimension économique J !

Tu viens de le remarquer, je suis attentif au « dilemme rupture ou adaptation ». La différence avec toi, c’est que j’admets que certaines ruptures (comme le passage au capitalisme rooseveltien, fordiste, keynésien, ou social de marché, ou appelle-le comme tu veux), pourtant extrêmement violentes (des grèves générales, des guerres civiles et une guerre mondiale de 1930 à 1945, excusez du peu) nous sortent d’un modèle de capitalisme, mais pas du capitalisme lui-même.

Rompre avec le libéralisme, ce n’est pas rompre avec le capitalisme. Ou alors, je suis plus exigeant dans ma définition du « socialisme ». Il est vrai que les sociaux-démocrates suédois pensaient avoir réalisé le socialisme en Suède, et que les auteurs du Programme commun pensaient que la nationalisation de toutes les banques et des très grandes entreprises (qui fut réalisé en 1981 !!) caractériserait la sortie du capitalisme !

Il faut donc rajouter un cran dans la hiérarchie « adaptation/ rupture ». Appelons-le « transformation » ? Cela rend la rhétorique de la « rupture » un peu plus difficile à utiliser dans la polémique. En réalité, ce débat a déjà eu lieu, lors du précédent changement de modèle capitaliste (lors du passage du fordisme au libéral-productivisme). On parlait alors d’ « alternative ». Alternative qui n’était pas nécessairement « alternative au capitalisme ». Vois comment, en 1986, j’avais défini cette alternative : http://lipietz.net/?article466 . Aujourd’hui, bien des ex-partisans de « l’adaptation » au libéral-productivisme ne seraient pas loin de se rallier à l’alternative telle que je la décrivais alors : qu’en penserais-tu aujourd’hui ?

Il est cohérent avec ton refus de faire cette distinction, entre capitalisme en général et capitalisme libéral en particulier (quand tu écris : « « Antilibéral » ou « anticapitaliste » : j’ai du mal à distinguer les deux termes aujourd’hui. »), que tu opposes sans moyen-terme « rupture » et « adaptation », au risque d’assimiler toute crise du capitalisme à sa « crise finale ». Mais franchement, cela retarderait-il tellement la rupture finale, que d’adopter certaines réformes anti-libérales et anti-procductivistes, et d’en discuter de manière organisée avec d’autres fondations progressistes ?

Et peut-être aussi que tu refusas en 2005 de réformer l’Union Européenne, parce que toute réforme serait une adaptation, qui permettrait au capitalisme de se survivre quelques années de plus, un peu comme la LCR refusait la taxe de Tobin (cf http://lipietz.net/?article214 ). Je pense au contraire que le dépassement de l’Etat-Nation dans une Europe fédérale (la rupture avec l’Europe intergouvernementale de Masstricht-Nice) exigeait des ruptures si douloureuses avec cette forme d’hégémonie bourgeoise, profondément ancrée dans les consciences populaires, que représente la Nation (combattue jadis par les marxistes avec raison), que le passage de Nice au TCE était peut-être encore trop brutal… Le désaccord entre nous serait alors purement tactique : comment arriver au même résultat stratégique, commun à Kant, Victor-Hugo, Marx et Jaurès : les Etats-Unis d’Europe, étape vers la République Universelle ?

Plus inquiétante est en revanche, à mes yeux, l’alliance que tu sembles recommander avec un « souverainiste anti-libéral » (typiquement qui ? Le Pen ? ou « seulement » Pasqua et Dupont-Aignan ? ) contre « un « fédéraliste » qui considère que la régulation « douce » du marché est un moindre mal et que la concurrence s’apprivoise, sans qu’il faille se demander comment à terme s’en passer. » (Typiquement qui ? Chirac ? ou « même » Patrick Viveret ?) . Je suis de ceux qui, en un quart de seconde, ont pensé qu’il fallait voter Chirac contre Le Pen (mais j’ai mis trois semaines à conclure qu’il fallait voter le TCE contre Nice). Et, comme je l’ai montré à de nombreuses reprises, le souverainisme national, sans rétablissement des bannières douanières entre la France et la Belgique, C’EST le libéralisme. Raison pour lesquelles le Wall Street Journal, le Financial Times, Madelin et Fabius ont fait campagne pour le Non, c’est à dire le maintien de Maastricht-Nice.

Mais plus profondément : serais-tu par hasard contre l’effort de réguler le marché ? Contre l’idée qu’une régulation douce serait « un moindre mal » que pas de régulation du marché du tout ? Ou serais-tu par hasard pour un post-capitalisme « se passant complètement de la concurrence », c’est-à-dire totalement monopoliste et planifié ? Ou ta plume est-elle allée au delà de ta pensée ?

Ce qui me conduit à ta remarque en note. Peut-être as-tu compris mon incidente sur la « gravité » respective du fascisme et du stalinisme (2 des 3 réponses des années 30 au mythe du pouvoir auto-régulateur du marché , comme disait alors Polanyi) comme la reprise du débat imbécile sur les crimes du communisme comparé comptablement à ceux du fascisme. Je pense, d’une certaine façon comme Primo Levi, que les crimes des fascismes italiens et espagnols sont de l’ordre de gravité objective de ceux des gouvernements staliniens, mais que ceux du nazisme sont philosophiquement incommensurables. Mais là n’était pas le sens de ma remarque.

En 45 ans de militantisme « à gauche », personne ne m’a reproché les crimes de Hitler, Franco ou de Mussolini. Mais toute ma vie militante a été empoisonnée par ceux de Staline, de Mao, de Tito ou de Castro. Nous ne sommes pas responsables des crimes du fascisme. En revanche nous sommes quelque part responsables (même les trotskistes) des crimes commis au nom du socialisme. C’est-à-dire que nous avons à répondre à un Vietnamien , à un Khmer qui nous demande « Qu’as tu fais au moment où nos bourreaux s’apprêtaient à prendre le pouvoir » ? Cette question me hante encore aujourd’hui (cf sur ces deux pays : http://lipietz.net/breve412). Ce n’est pas une question de battre sa coulpe. Mais d’éviter le retour du pire : le discrédit sur toute forme d’espérance.

En ce sens, je persiste et signe : « La forme acritique d’anti-libéralisme [des hétérodoxes de l’Entre-Deux-Guerre] n’a guère préparé l’opinion publique française à résister aux séductions du fascisme et de stalinisme, les secondes étant en un sens beaucoup plus graves, car avec les crimes du stalinisme c’est la grande espérance du socialisme qui sera condamnée par l’histoire du XXè siècle. »

Alain Lipietz


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