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La situation actuelle et l’avenir de Copernic


dimanche 23 janvier 2011

Samedi, AG de la Fondation Copernic. J’y ai repris un rôle actif, au bureau, depuis que notamment sa présidente Caroline Mécary a rejoint Europe-Écologie. Campagne sur les accidents de travail, campagne sur les retraites : on n’a pas chômé. Et je m’y sens bien. Ses animateurs (Willy Pelletier, Pierre (...)


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Réponses critiques et amicales à Alain Lipietz

lundi 24 janvier 2011

Réponses critiques et amicales à Alain Lipietz

Le texte qui suit est une réflexion suscité par la contribution d’Alain sur « La Fondation Copernic à la croisée des chemins ». Je précise que, quelles que soient mes sympathies pour la FASE (Fédération pour une Alternative Sociale et Écologiste), je n’en suis pas membre. Je me définis toujours comme « communiste refondateur » (je tiens à l’intrication des deux termes) et j’appartiens à l’Association des Communistes Unitaires. Politiquement, je continue d’être désolé de la dispersion des forces critiques et ne me sentirai pleinement membre que d’une dynamique politique rassemblant tout le champ de l’alternative, y compris donc l’extrême-gauche et les écologistes. J’ajoute que je ne suis pas plus « ancien » de Copernic qu’Alain et que je ne me suis pas inquiété de « l’ouverture ». Moi qui me suis donné entièrement à la justification d’un non de gauche au TCE, un Non à l’Europe libérale prélude d’un Oui à l’Europe sociale, démocratique et écologiste, j’ai toujours considéré que le Oui d’Alain ne nous plaçait pas irrémédiablement de part et d’autre d’une barrière. Qu’il soit « revenu » est à mes yeux un non-événement : pour moi, il n’était pas parti.

Comme d’ordinaire, Alain Lipietz a le mérite d’énoncer son point de vue avec franchise et avec clarté (1). C’est la raison pour laquelle j’aime le lire et débattre de ses idées, que je sois d’accord avec lui (c’est souvent le cas depuis bien longtemps) ou que je ne le sois pas (ce fut le cas sur le projet de TCE et c’est le cas sur une grande part de ce qu’il dit dans son petit texte). C’est ainsi : il est des gens avec lesquels je prends parfois davantage de plaisir intellectuel à disputer que je n’en ai à acquiescer avec d’autres, a priori plus proches de mon point de vue. Alain Lipietz est de ceux-là ; j’ajoute que Patrick Viveret en est aussi.

Cela me permet au passage, une toute dernière fois, de rappeler que je n’ai pas récusé la signature du texte proposé par Libération par refus pudibond de discuter avec qui que ce soit. Je trouvais seulement inopportun de signer un texte qui, quelles que soient les intentions de tel ou tel, s’inscrit dans un cadre général de pensée et une configuration d’ensemble (celle que révèle le panel des Forums) que je crois plus dangereux que propulsifs. À mes yeux, ne pas signer ne dit pas le refus de débattre, y compris dans les initiatives de Libé, mais celui d’être coproducteur d’une démarche dont la philosophie générale et le déroulé risquent d’aller massivement à rebours de ce que, me semble-t-il, Copernic devrait vouloir plus que tout.

J’en viens donc au fond de ce qu’avance Alain. Dans ce qu’il écrit, de quoi puis-je convenir ? De ce que l’alternative ne se réduit pas à la critique de ce qui est, mais vaut d’abord par la capacité d’opposer quelque chose à ce que l’on combat. De ce que la crise contemporaine du capital ne se réduit pas à celle de ses fondements économico-sociaux. De ce que le désir de transformation-rupture ne se réduit pas à la répétition des thématiques anciennes de la révolution. Jusque-là, tout va bien… Mais c’est à partir de là que les problèmes commencent.

Alain dit que, à la dimension économico-sociale de la crise, il faut « ajouter » sa dimension écologique. De fait, il tend à penser que cette dimension devient à ce point structurante qu’elle requiert un changement global de « paradigme », et donc un déplacement de dominante de « couleur » dans la large palette de l’alternative. Je ne partage pas cette vision des choses. L’évolution capitaliste des dernières décennies ne pousse pas seulement à « ajouter » des dimensions, mais à penser de façon renouvelée leur articulation. Le mérite du « néolibéralisme » a été peut-être, intellectuellement tout au moins, de rappeler ce que l’on sait en fait depuis le départ : que le capitalisme n’est pas seulement un « mode de production » (au demeurant « productiviste » par nature) ou un ensemble de techniques « économiques », mais un entrelacs de rapports sociaux, une manière de « faire société ». Il est un complexe social reposant sur l’exploitation (l’appropriation privative de la survaleur), enchâssé dans des procédures de domination (l’ensemble des pratiques et des structures qui placent une majorité d’individus en position de subordination), dont la logique profonde est la séparation des individus sociaux subordonnés et de leurs actes (ce que l’on appelle aussi l’aliénation). Le capitalisme, ce n’est pas de l’exploitation lestée du productivisme et de la domination, c’est leur entrelacement qui, au final, contredit de façon absolue le développement des capacités humaines.

Sur la longue durée, l’évolution des sociétés marchandes et du capital a plutôt produit de la dissociation des « instances » (l’économique se sépare du social, du politique, du culturel…). J’ai un peu l’impression que, depuis trois décennies (mondialisation plus libéralisme intégral), nous connaissons à l’inverse des recompositions d’envergure qui font s’imbriquer de plus en plus des enjeux indissociablement économico-financiers, socio-juridiques, politico-institutionnels et psychologico-éthiques. La question de la critique contemporaine n’est donc pas pour moi d’ajouter de l’écologique à l’économique, du sociétal au social, de l’immatériel au matériel, ou de l’éthique au financier. C’est de penser dans leur articulation générale les différentes dimensions constitutives du capitalisme contemporain ; c’est, par voie de conséquence, penser de façon articulée les dimensions de l’alternative, pour qu’elle parvienne à un degré de cohérence (je dis bien : de « cohérence », pas de « totalité ») au moins aussi performante que celle du capital contemporain.

Pour parvenir à cette intelligence nouvelle du « tout social » que constitue le capital, je conviens qu’il faut de la novation. Qu’une part du vieux marxisme et de sa « surdétermination » par l’économique soit inopérante, je veux bien l’accepter, sous réserve d’inventaire sérieux. Qu’une part de la vieille idée républicaine soit incapable de prendre en compte les exigences d’une mise en commun qui ne soit pas avant tout étatique et éradicatrice, je peux le percevoir aussi sans problème. Que la vieille culture d’une rupture au singulier (le moment privilégié de la « prise du pouvoir ») conduise au changement étatique par en haut et, de fait, aboutisse à la reproduction de l’aliénation, je ne peux que le redouter. C’est en tout cas la raison pour laquelle, dans ma vie intellectuelle et militante, je n’ai jamais séparé l’affirmation de ce que je voulais (je ne surprends personne en rappelant que ma famille de référence est le communisme) et la conviction que ce que je désirais nécessitait d’être « refondé », de la cave au grenier.

Mais si tout cela est vrai et ne m’éloigne pas de ce que dit Alain Lipietz, il reste quelque chose de fondamental qu’Alain me semble sous-estimer. Si ce capitalisme contemporain devient de plus en plus intégré, le dépassement de ses limites (y compris celle du « productivisme ») oblige à penser à frais nouveaux la rupture avec ses visées et avec ses mécanismes. Sans doute la révolution ne peut-elle plus, après l’échec du soviétisme et les butoirs de « l’État-providence », se penser dans les termes du XIXe siècle ou du premier XXe siècle. On ne remplace pas le marché par l’État, Hayek par Keynes ou par Brejnev… Mais les dilemmes de la rupture ou de l’adaptation restent pertinents. Ou l’on « abolit-dépasse » les logiques existantes dans les faits et pas dans les mots ; où l’on s’accommode de leur domination. Y parvenir se fait et se pense en termes de processus complexes et pas en termes de moments plus ou moins magiques ; mais si la rupture aujourd’hui se décline à la fois au singulier et au pluriel, elle s’assume. Ou alors, on laisse « l’historicité » au capital…

Dans les dernières décennies, j’ai pu me trouver en désaccord avec des communistes, des républicains, des keynésiens radicaux, des rejetons divers du bolchevisme, j’en passe et des meilleurs. Il n’en reste pas moins que j’ai toujours considéré que j’avais en commun avec eux l’essentiel : le désir de rupture, et d’une rupture qui, d’une façon ou d’une autre, cherche à se bâtir de façon intégrée, entremêlant l’économique, le social, le politique, l’institutionnel et l’éthique. Ce n’est pas que je veuille discuter seulement avec eux : j’ai même commencé en disant que, parfois, cette discussion nécessaire m’ennuyait davantage que celle avec d’autres, théoriquement moins radicaux.

La radicalité alternative, d’ailleurs, ne se décrète pas, elle se construit. Je ne considère pas la pensée d’Alain Lipietz comme moins intéressante pour une pensée de rupture, au prétexte qu’il a soutenu le projet de TCE alors que Copernic l’a combattu. Mais nous sommes confrontés à un problème de positionnement d’ensemble : globalement, Copernic me paraît devoir être plutôt du côté de ceux qui, considérant que le modèle social dominant est porteur d’inhumanité, entendent travailler à de la rupture avec ce modèle et à bâtir patiemment la pensée collective de cette rupture. Je ne suis pas souverainiste : je pense que cette piste ne permet pas de penser la rupture dans un monde interpénétré. Cela ne m’empêchera pas, à tel ou tel moment, d’être plus proche d’un souverainiste franchement « antilibéral » ou « anticapitaliste » (j’ai du mal à distinguer les deux termes aujourd’hui) que d’un « fédéraliste » qui considère que la régulation « douce » du marché est un moindre mal et que la concurrence s’apprivoise, sans qu’il faille se demander comment à terme s’en passer. Je ne suis pas « étatiste », parce que je ne crois pas que l’on surmonte les conséquences d’un marché qui déchire les individus par les vertus d’un État administré qui les domine ; mais je me sens plus proche d’un « étatiste » qui défend les services publics et leur démocratisation, que d’un « antiétatiste » qui m’explique qu’il faut lutter contre les corporatismes et assimiler la « culture du résultat » dans les services publics. Ce qui, en même temps, ne m’empêchera pas d’apprécier toute avancée qui, même dans le cadre du système, permet effectivement du mieux-être, le plus durable possible. Préférer les ruptures à l’adaptation n’a rien à voir avec le tout ou rien.

En bref, le débat ne me semble pas être, comme le suggère Alain Lipietz, entre les « anciens » et les « modernes », ou entre les partisans du repli sur soi et les tenants de l’ouverture. Il est autour de ce qui identifie Copernic : de la novation assumée dans la définition d’un projet contemporain de rupture et d’alternative critique à l’ordre dominant ; de la méthode collective patiente pour produire cette novation (qui n’implique nulle « table rase »). Tout ce qui est au-delà n’est pas hors-sujet ; il n’en est pas moins second par rapport à l’essentiel. De qui devons-nous nous sentir les plus proches ? De toutes celles et ceux qui, consciemment, critiquent radicalement l’ordre existant et n’acceptent pas sa fatalité historique. Les « alliés » sont de ce côté-là. À partir de là, l’enjeu fondamental n’est pas de se faire plaisir et de se rassurer entre nous. Il est de parvenir à quelque chose qui se rapproche de l’hégémonie conquise pour les idées de transformation radicale ; et pour cela il faut penser ladite transformation dans les conditions de notre temps. Hors de cela, nous sommes des aiguillons périphériques de la pensée dominante ou des porteurs d’eau. Je sais que, à Copernic, ce n’est l’ambition de personne.

(1) Il y a une seule chose que je n’aime pas du tout, mais pas du tout : le petit bout de phrase où il écrit, à propos des « séductions du fascisme et du stalinisme », « les secondes étant en un sens beaucoup plus graves ». Sans doute le grand tort du stalinisme aura-t-il été, comme le précise Lipietz, de contribuer à ternir « l’espérance du socialisme ». Je n’en souhaite pas moins que l’on se retienne d’employer des comparaisons dont on sait les effets désastreux et dont je souhaite qu’elles n’aient pas leur place à Copernic.

Roger Martelli


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