Eté 2004 : de la rentrée parlementaire à l’affaire Marie L.

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Mercredi 1er septembre 2004

J’ai passé d’excellentes vacances, merci (Alpes du Sud, Turquie). Mais la politique ne m’a pas lâché.

Il y a bien sûr ma propre activité politique. La rentrée du nouveau Parlement européen a eu lieu en juillet.

Elle a commencé par la "batailles des postes". Comme je l’ai raconté ailleurs, les Verts proposaient de partager la présidence (traditionnellement, le Parlement change le président à mi-législature) entre les centristes et les socialistes. Les socialistes ont préféré partager la présidence avec la droite (le PPE) ! Face à cette décision qui nous a profondément choqués, les Verts se sont divisés. Une partie (dont Dany Cohn-Bendit) a voté pour le centriste Geremek contre le socialiste Borell (soutenu par la droite) pour "punir" les socialistes. Une autre partie (dont moi-même) s’en est tenue à la ligne qui faisait initialement consensus, et a voté pour le socialiste, en se promettant de voter pour le centriste quand son adversaire sera, dans deux ans et demi, le leader du PEE, Poetering.

Il se trouve par ailleurs que j’ai de l’estime, fondée sur quelques traits politiques et biographiques communs, pour Josep Borell....

Et puis on s’est réparti comme d’habitude les autres places selon la « règle d’Hondt » (la proportionnelle), étant entendu que cette règle n’est qu’un « gentlemen agreement » qui doit être confirmé individuellement poste par poste. Cela a provoqué un incident quand la droite, à qui était échue la présidence de la Commission des Droits des Femmes, y a désigné une Polonaise hostile à l’avortement et homophobe. La gauche et nous avons d’abord voté contre, mais le PSE a battu en retraite pour ne pas perdre la présidence de la Commission économique et monétaire qui était convoitée par la socialiste française Pervenche Bérès. Nous avons maintenu notre vote contre, au risque de perdre ce que nous offrait la règle d’Hondt, mais il n’y eut pas de représailles.

Privilège des ré-élus : j’ai pu composer avec soin mon "menu" de travail pour la nouvelle législature. Je me suis fait désigner comme :

- Membre titulaire de la Commission Commerce International,
- Membre titulaire de la Commission Juridique,
- Membre suppléant de la Commission Economique et Monétaire,
- Président de la délégation pour la Communauté Andine des Nations (CAN)
- Membre suppléant de la délégation Mercosur,

Ce menu marque clairement ma priorité n° 1 : la bataille contre la globalisation libérale, et mon espoir de voir l’Europe l’orienter dans un sens plus écologiste, plus social, plus solidaire du Sud.
Au sein de cette bataille, j’entends me concentrer sur l’aspect "Propriété intellectuelle". Je pense en effet que, dans la nouvelle division internationale du travail, le Nord tente de maintenir sa domination sur le Sud à travers le contrôle des sciences et de la technique (brevetage du vivant et des logiciels) quitte à lui déléguer les aspects matériels de l’agriculture, des industries et des services.

L’Organisation Mondiale du Commerce (avec les négociations ADPIC-TRIPS et les « chapitres de Singapour ») et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (dont les thèmes sont pris en charge par la Commission Juridique) seront les arènes de cette bataille. Les forces de résistance sont, au Sud, les pays "mégadivers" (essentiellement la Communauté Andine et le Brésil). Une immense négociation peut s’engager, nouant les aspects agriculture-biodiversité-Kyoto. D’où le choix de mes délégations.

Par ailleurs, la CAN regroupe les douloureux pays que j’aime, Pérou, Equateur, Bolivie, Venezuela...et bien sûr la Colombie d’Ingrid Betancourt. Mon titre honorifique me donnera, je l’espère, un peu plus de poids auprès du gouvernement colombien et des FARC.

Quant à la Commission Economique et Monétaire, il faut bien que j’y garde un pied, pour surveiller la Banque Centrale, la Banque Européenne d’Investissement, et la réforme du Pacte de Stabilité.

Mais la politique, ce n’est pas seulement celle qu’on fait mais celle qui nous tient à coeur. Tout l’été, c’est dans la douleur que j’ai suivi l’interminable feuilleton des "crimes anti-sémites".

Affaire d’Epinay, menaces téléphoniques contre le délégué en France du Likoud, affaire de la fresque des enfants juifs du camp de Rivesaltes, affaire Phineas, affaire Marie L., affaire du Centre Social Juif de Paris... Selon un scénario devenu immuable, la presse révélait et dénonçait avec autant de véhémence que de justesse d’odieuses agressions anti-juives. On se désolait de la montée de l’antisémitisme, on accusait la nouvelle judéophobie (celle des jeunes Maghrébins de banlieue). Puis la nouvelle se dégonflait ; on s’apercevait que telle agression anti-juive n’était qu’un maillon d’une série d’actes racistes pas spécialement antisémites (Epinay, Phineas), ou même pas racistes du tout (Rivesaltes, Centre Social Juif), ou n’était que pure invention (menaces au représentant du Likoud, Marie L.). Sans même présenter ses excuses auprès des groupes sociaux injustement accusés et les véritables aggressés de ce tapage médiatique (les Maghrébins) et sans tirer le bilan de ses erreurs , la presse abandonnait l’affaire…

Je fus de ceux (rares, mais pas isolés) qui ont eu instantanément des doutes sur l’histoire Marie L. Cela ressemblait trop à un épisode d’Urgences : « la totale » du pire de ce qu’il peut arriver dans un RER en quelques minutes. Et pas en version banale (comme le dira scandaleusement le président du CRIF lyonnais), mais en version "hénaurme". Des jeunes de banlieue, blacks et beurs, étaient accusés d’avoir jeté un bébé par la portière d’un train parce qu’il était juif ! En plus, deux trucs clochaient :

- Une des histoires de cette "totale" (la non-réaction des passagers du RER Nord) était la reprise d’une vieille histoire médiatisée qui étaient déjà une histoire inventée (la jeune policière soi-disant violentée dans le RER Sud, il y a quelques années),
- La version de l’antisémitisme était datée 1930 (les juifs = les riches du XVIè) et pas "nouvelle judéophobie" (les juifs = les Israéliens).

J’ai donc prudemment évité de me fendre de mon communiqué. Mais l’horreur, c’est que presque plus personne n’a réagi (et avec raison...) lors du pseudo-incendie antisémite du Centre Social Juif. Tout le monde a attendu le démenti !

Si mon père, qui a passé les dernières années de sa vie à témoigner de son passage par Drancy devant les collégiens et lycéens du 9-3, revenait à la rentrée 2004, il se ferait sans doute traiter d’affabulateur.

Comment, en 6 mois, la manipulation du discours anti-judéophobie a-t-elle pu faire le lit du négationnisme, alors même que la progression des actes antisémites réels ne fait aucun doute ?

Je pense justement qu’il ne faut pas chercher à qui profite le crime. La sottise y suffit. Certes, les pseudo-menaces contre le Likoud avaient consciemment pour but de préparer l’appel scandaleux de Sharon aux Juifs à "quitter la France au plus vite". Mais dans les autres cas... Non. Des imbéciles ont fait les malins en criant à l’antisémitisme pour attirer l’attention. Et la presse, comme la classe politique, tétanisées, ne pouvaient que s’indigner (comme face à la pédophilie). D’autant que l’usage politicien de la judéophobie, depuis la dénonciation de Jospin par Sarkozy sur ce chapitre depuis le sol des Etats Unis, avait obligé le PS et l’UMP à surenchérir en permanence. Alors que l’éditorial du Monde du 3 mars avait dénoncé l’absence de réaction face aux mosquées incendiées, l’UMP et le PS (et le LICRA et SOS-Racisme, dont les président et ex-présidents étaient tête de liste de ces partis en Ile de France) pouvaient sans honte refuser le 16 mai de condamner ensemble l’antisémitisme et tous les racismes.

C’est dans cette atmosphère délétère que la simple mécanique médiatique offrait une prime à n’importe qui dénonçait l’antisémitisme... quitte à affirmer qu’il est banal de voir de jeunes Maghrébins jeter des bébés juifs par le portière d’un train.

Au total l’affaire s’est donc soldée par une monstrueuse attaque (des médias et d’une partie de la "classe politique") contre les Maghrébins... et par une dé-crédibilisation de la vigilance anti-judéophobe. Bilan désastreux qui montre encore une fois qu’on ne peut lutter contre un racisme particulier qu’en dénonçant d’un même souffle tous les racismes.

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