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par Alain Lipietz | 8 mai 2002

Visite à l’Autorité Palestinienne
Cet article a fait l’objet d’une mise au point le 17 juillet 2002, puis d’une réponse à des accusations calomnieuses.
À l’initiative de l’eurodéputée française Alima Boumedienne, nous nous sommes rendus, du 8 au 10 mai 2002, en visite à l’Autorité Palestinienne et au Camp de la Paix israélien (Femmes en Noir, La Paix Maintenant, etc.).

Retenu par la campagne législative française, je n’ai pu participer qu’à la première partie de cette visite. Étaient du voyage : des députés européens français, notamment Roselyne Vaccheta de la GUE et Margot Sudre du PPE, des députés européens et nationaux de Belgique et du Pays de Galles. Plusieurs d’entre nous parlaient l’arabe.

La manifestation prévue à Jérusalem avec le Camp de la Paix israélien, à l’occasion de la Journée de l’Europe, a du être annulée : le 9, c’est aussi la Journée de Jérusalem célébrant l’annexion de Jérusalem Est, et la ville est alors livrée à une exaltation sioniste assez impressionnante. Le Camp de la Paix réservait donc ses forces pour la manifestation du samedi suivant, qui fut un succès.

Mes contacts avec les Israéliens furent ainsi limités à quelques conversations : avec la Prix Sakharov, Nurit Peled, avec quelques députés de la Knesset à une réception de l’ambassadeur de l’UE auprès d’Israël. Plus bien sûr quelques franches discussions avec les passagers du vol Paris-Tel Aviv qui m’avaient reconnu, et qui préparaient leur installation en Israël : " Ce que vous avez dit sur la Corse n’avait aucune importance, on savait bien que vous avez raison, mais ce que les Verts ont dit d’Israël pendant cette campagne nous a poussés à voter Madelin, etc ".

Assez généralement, mis à part dans le Camp de la Paix, être Vert et débarquer à Tel Aviv signifiait automatiquement " aller dans les Territoires " et en revenir signifiait " être de parti pris ". Le consensus autour de l’idée " tout est permis à Tsahal, ", cimenté par l’horreur des attentats-suicides, est pour le moment impénétrable à la discussion

Le 8 au soir, un représentant de l’Union européenne est venu nous présenter une estimation sommaire des destructions (depuis le 1er mars), soit environ 300 millions d’euros dont beaucoup d’équipements réalisés avec l’argent de pays donateurs. Il s’est livré à une réfutation point par point du fameux document de cent pages (que j’ai pu moi-même consulter) fourni par le gouvernement israélien pour " démontrer " le financement du terrorisme par l’Autorité, avec l’argent de l’UE. Il est facile de constater, à partir des pièces comptables fournies dans ce document, que ces accusations ne tiennent pas debout. A tout casser, 20 000 euros n’ont pas de justificatifs précis (les dépenses à financement UE sont très contrôlées et par l’UE et par le FMI), et les deux pièces demandant explicitement une subvention pour la Brigade des Martyrs Al-Aqsa n’ont justement pas été acceptées . Ce qui n’est pas très étonnant : je suppose que le terrorisme dispose de canaux moins voyants pour se faire financer !

Le 9 au matin , nous avons rendu visite au président du Parlement palestinien, Abou Alaa, qui nous a fait trois demandes :

- exiger une force internationale de protection de la population palestinienne,
- exiger le démantèlement des colonies,
- refuser les importations de produits israéliens en provenances des Territoires occupés.

En nous rendant ensuite à Ramallah et le lendemain à Naplouse, nous avons mieux compris le sens de ses deux premières demandes. Les Territoires sont un archipel de villes et bourgs palestiniens cloisonnés par une armée d’occupation imposant des contrôles aussi humiliants qu’incessants, tandis que les colonies sont reliées par des voies express bien dégagées.

À Ramallah, nous avons visité ce qui reste du complexe administratif de l’Autorité palestinienne (financé par l’Union européenne), complètement ravagé par Tsahal, y compris la salle du Conseil des ministres, malgré les sacs de sable qui obstruaient les fenêtres, et le Parlement palestinien ravagé par les occupants, y compris son self-service ! Idem pour le siège du département de la " sécurité préventive " d’où l’Autorité, aidée par la CIA, tentait de contrôler les agissements du Djihad et du Hamas. Idem pour le ministère de l’Éducation, dont tous les ordinateurs ont été détruits, comme si le but était d’empêcher l’enseignement de fonctionner et de perpétuer une élite palestinienne instruite. Cinglant démenti à l’article négationniste de Lanzman le même jour dans le Monde, qui niait et la matérialité des destructions et l’utilité d’y aller voir.

Devant la "Mouquataa", siège de l’Autorité Palestinienne
Photo communiquée par Fouad Zouania

Dans le complexe administratif, nous avons rencontré une mission civile française (dont quelques Verts), pas très rassurée à l’idée de se voir elle-même bloquée, comme la précédente, dans un rôle de bouclier humain pour Yasser Arafat, en cas de représailles israéliennes après l’attentat de Rishon-Le-Zion. Claude Laostic , infatigable, les guidait avec bonne humeur.

Moment d’émotion : la visite à Yasser Arafat. Visiblement épuisé par l’épreuve dont il sortait, il nous a accueillis par des plaisanteries, mais au bout de quelques minutes on sentait bien qu’il n’avait guère la force d’ouvrir avec nous une discussion " stratégique ".

Beaucoup plus intéressante fut la visite du lendemain à Naplouse. Deux jeunes députés du Fatah, un homme et une femme élus par le camp de Betala, nous attendaient. Ils se présentent comme " la nouvelle génération ", et sont visiblement très liés aux habitants. Montrant les desseins d’enfant sur le murs de la salle de classe, qui représentent la Palestine mandataire d’un seul bloc, ils nous disent :

" Contrairement à ces dessins, nous n’espérons plus, après 50 ans, récupérer les terres qu’on nous a prises. Nous acceptons Israël, dans les frontières du 4 juin 1967, et nous acceptons l’accord de Tabah.
- Mais c’est quoi, pour vous, l’accord de Tabah, en ce qui concerne les réfugiés ?
- Que ceux qui veulent rentrer chez eux, si ce " chez eux " est en Israël, devront accepter qu’il s’agit d’un État juif et obéir à ses lois. " [1]

Nous visitons ensemble le camp de réfugiés (devenu en fait une ville en dur, très dense), puis la Vielle ville. Toutes deux portent les traces des combats, mais aussi de destructions extrêmement ciblées. Nous visitons l’une d’entre elles, les habitants qui campent dans leurs ruines ne comprennent pas " pourquoi eux ". Quelques minutes plus tard j’ai un doute : un militant qui nous guide habitait l’immeuble à côté�

Plus tard, une " juive pour la Paix " nous expliquera ce genre d’erreur. Les attentats et destructions ciblées de l’armée israélienne reposent sur un dense réseau d’indicateurs. Ces indicateurs sont recrutés par exemple en arrêtant des enfants de 12-15 ans. On les torture physiquement et psychologiquement (viols ou menaces de viols), puis on les libère en échange de leur collaboration : " Tu n’auras même pas besoin de venir nous voir, tu mets une croix sur la maison où il y a des militants ". Ça marche, mais ce n’est pas très précis. Si le gosse ne se suicide pas (ce qui arrive), il peut faire en sorte de mal placer la croix. Remarquons par ailleurs que l’armée cible tous les militants qui font l’ossature politique des camps, et pas spécialement sa branche armée. D’où les plaintes des parents " mais il n’y a jamais eu d’arme chez nous ! "

Je prends la députée à part :

- " Supposons que dans 5 ans, ce soit la paix, avec un État Palestinien viable. Vous, vous restez ou vous allez en Israël ?
- Moi je reste ici, et je construis l’État palestinien "
.

Je pose la même question au jeune député.
- " Moi ? je rentre chez moi, à Haifa. "




NOTES


[1Remarquons qu’il s’agit de la même version que celle de Lanzman, qui, lui, l’applique aux colonies juives en Palestine, mais j’en ai entendu d’autres : retour des réfugiés dans l’État palestinien, sauf cas de regroupement familial.

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