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par Alain Lipietz | 9 avril 2001

Préparation du Conseil européen de Göteborg
Politique de l’environnement et le développement durable
Projet d’avis de la commission économique et monétaire
Projet d’avis de la commission économique et monétaire à l’intention de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs
sur la politique de l’environnement et le développement durable : préparation du Conseil européen de Göteborg
Rapporteur pour avis : Alain Lipietz

 PROCÉDURE

Au cours de sa réunion du 21 mars 2001, la commission économique et monétaire a nommé Alain Lipietz rapporteur pour avis.

Au cours de sa/ses réunion(s) du 10 avril 2001, elle a examiné le projet d’avis.

 JUSTIFICATION SUCCINCTE

Le but d’une stratégie de développement durable est de réaliser une intégration réussie des politiques sociale, économique et environnementale. L’économie devrait servir les besoins de la société et l’une comme l’autre, l’économie et la société, ne peuvent coexister avec succès que dans un environnement naturel sain. Il nous faut déjà payer un prix économique et social élevé pour avoir négligé l’impact sur l’environnement de nos modes actuels de production et de consommation. On assiste à la destruction des biens économiques et de graves problèmes sociaux surgissent en raison des changements climatiques provoqués par l’homme entraînant des inondations, des tempêtes, des problèmes de santé et la désertification de terres autrefois fertiles.

Il est vrai que le problème a été reconnu par les organisations internationales et dans le cadre de réunions, depuis celle de Rio en 1992 à celle de Kyoto en 1995, de la réunion ministérielle de l’OCDE de 1998 aux réunions annuelles de la commission des Nations unies sur le développement durable . Toutes les parties étaient d’accord pour reconnaître que la réalisation d’un développement durable constituait une priorité essentielle pour leur pays. Mais face à la masse de documents publiés et au grand nombre de déclarations solennelles qui ont été faites, les mesures effectivement prises forment un contraste surprenant. Il convient particulièrement de se féliciter du fait que les chefs d’État et de gouvernement de l’UE réunis au Sommet d’Helsinki en 1999 aient finalement demandé à la Commission européenne de proposer une stratégie européenne de développement soutenable (SEDS) pour le Conseil européen qui se tiendra à Göteborg en juin de cette année. La Commission n’a répondu que récemment à cette demande et a publié un document consultatif pour la préparation d’une SEDS, qui doit déclencher un large débat avec d’autres institutions, les États membres et la société civile. À la suite de ce débat, la Commission compte proposer une SEDS au Conseil européen de Göteborg. Votre rapporteur estime qu’un tel calendrier ne peut être tenu à si bref délai.

Se fondant sur les critères de sévérité, d’irréversibilité et sur la question de savoir s’il existe ou non une dimension européenne au problème, la Commission propose dans son document consultatif (Consultation Paper) d’inclure dans la stratégie de développement durable six domaines prioritaires : les changements climatiques et l’énergie non polluante, la santé publique, la gestion des ressources naturelles, la pauvreté et l’exclusion sociale, le vieillissement et la démographie ainsi que la mobilité, l’occupation des sols et l’aménagement du territoire. Toutefois, à la lumière des crises actuelles et des inquiétudes de l’opinion publique, d’autres domaines, qui répondent également aux critères de sélection utilisés, devraient être inclus dans la stratégie de durabilité et être déjà pris en compte à Göteborg : les causes de la fièvre aphteuse, l’imperméabilisation des sols se traduisant par des inondations accrues et la gestion des déchets nucléaires.

Le document de la Commission présente un grand défaut du fait de l’absence d’une perspective globale. On s’attend à ce que la population mondiale, après avoir triplé au cours des 30 dernières années, continue à augmenter entre 20 et 75% au cours des 50 prochaines années, une grande part de cette augmentation intervenant dans les pays moins développés. Nous devons réaliser que notre modèle de développement économique entraîne une surconsommation des ressources naturelles. Les modes de consommation actuellement répandus dans les pays de l’OCDE imposent une charge importante sur l’environnement global. L’extension de ces modes de consommation à la population mondiale pourrait entraîner une concurrence accrue à la recherche de ressources se faisant rares et augmenter les pressions sur l’environnement. Dans une perspective globale, nous devons fixer l’objectif de ne pas consommer plus de "nature "qu’il ne serait soutenable si toutes les populations de la planète bénéficiaient du même niveau de développement économique que nous. Depuis la présentation du rapport Brundtland, le développement soutenable est défini comme étant un développement "qui répond au besoin du présent, à commencer par ceux des plus pauvres, sans compromettre les capacités des générations futures à satisfaire les leurs". L’équité au niveau mondiale doit donc prendre une dimension importante dans la stratégie de l’UE en matière de durabilité. Le Sommet de Göteborg doit se fixer pour objectif stratégique de faire de l’économie européenne la plus efficace en termes d’utilisation des ressources au niveau mondial, combinant un niveau de vie élevé, une santé publique de qualité, une inclusion et une cohésion sociales fortes ainsi qu’un environnement de haute qualité avec l’objectif à long terme de veiller à ce que les taux d’utilisation des ressources et son impact sur l’environnement soient compatibles avec la capacité de charge de l’environnement européen et mondial - en tenant compte de la nécessité de partager équitablement les ressources naturelles de manière à permettre le développement durable de l’ensemble de la population mondiale.

En ce qui concerne les instruments à mettre en oeuvre, le document de la Commission indique que le rapport coût-efficacité est au centre de sa stratégie. Toutefois, cette démarche n’est pas applicable à tous les problèmes et la responsabilité des décideurs va au-delà d’un simple choix de la solution la moins chère parmi un éventail d’options données. En premier lieu il n’est pas possible dans de nombreux cas de connaître scientifiquement le coût exact de certaines pratiques. C’est la raison pour laquelle le principe de précaution doit être intégré dans toute stratégie de durabilité et faire partie d’autosystèmes régulateurs en cas d’information incomplète. En second lieu, la recherche d’un rapport coût-efficacité ne peut s’appliquer à des problèmes qui mettent directement en danger des biens importants (santé, sécurité etc.). Ces cas exigent de la part des autorités politiques la prise immédiate de mesures réglementaires, telle que l’interdiction de l’utilisation de certaines substances. En troisième lieu, il incombe également aux autorités politiques de définir le cadre dans lequel la recherche du rapport coût-efficacité pourrait fonctionner. Un système d’échange des droits d’émission, par exemple n’est pas possible si les quantités totales disponibles (et leur évolution dans le temps) ne sont pas définies à l’avance par des choix politiques à la lumière des objectifs poursuivis. On aurait pu s’attendre à ce que la Commission examine plus à fond les objectifs concrets et les quantités applicables aux systèmes d’échanges, du moins en ce qui concerne certains des systèmes spécifiques sur lesquels elle se concentre.

Enfin, votre rapporteur demande instamment à la Commission d’explorer plus en profondeur les moyens de promouvoir une stratégie de développement durable au niveau mondial. Le besoin de nouvelles institutions se fait sentir d’urgence pour assurer la gestion de l’environnement au niveau mondial. La réforme de l’OMC se fait attendre et l’Union européenne doit insister pour que cette organisation soit subordonnée aux objectifs du développement durable.

De manière générale, le document consultatif présente à côté d’un travail d’analyse acceptable des domaines examinés une carence considérable en matière d’orientations politiques. Les mesures politiques qui devraient être prises pour contrer les aspects négatifs indiqués sont à peine envisagées et le document ne projette aucune vision d’une Union durable. La raison peut en être le temps perdu l’année dernière par la Commission pour la préparation du document, parce qu’elle ne pouvait pas fixer ses priorités en temps voulu. C’est la raison pour laquelle il ne lui est resté que peu de temps pour associer les experts politiques, scientifiques et de la société civile à l’élaboration du document, une carence qui ne peut être comblée par le délai de quatre semaines fixé pour présenter des commentaires sur le projet et se terminant juste un mois avant l’échéance pour la présentation du document définitif au Sommet de Göteborg. Votre rapporteur souhaiterait donc que la Commission se présente devant les chefs d’État et de gouvernement avec une double proposition : un document, qui serait une version améliorée du document consultatif prenant en compte les critiques et les principes mis en évidence ci-dessus, et un second document qui indiquerait comment organiser et mettre en oeuvre un processus politique débouchant sur une stratégie largement acceptée, globale et contraignante en matière de durabilité pour une Union élargie. Il conviendrait que cette stratégie soit adoptée au cours du prochain Conseil de printemps, qui devrait devenir un véritable "Conseil de durabilité". Nous espérons que la Commission est consciente du fait qu’un tel processus requiert une participation des ONG plus étroite qu’elle ne l’a été jusqu’ici.

 CONCLUSIONS

La commission économique et monétaire invite la commission de l’environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu’elle adoptera les éléments suivants :

Le Parlement européen approuve le travail des services de la Commission est déjà appréciable, notamment en ce qui concerne l’analyse de "six grands problèmes focaux". Toutefois, les délais qui nous séparent du Sommet de Göteborg sont maintenant trop brefs pour que soit organisée correctement la consultation de la société civile. Du sommet de Göteborg ne peut sortir qu’un programme de travail pour arrêter dans un délai rapproché mais ultérieur une véritable stratégie européenne de développement soutenable (SEDS). Ce programme de travail devra, sur la base du "consultation paper", exposer les "principes d’une SEDS, élargir le champ des problèmes focaux, préciser les instruments à mettre en œuvre ;

Le Parlement européen considère qu’en ce qui concerne les principes de la SEDS, au moins trois développements doivent être apportés par rapport aux texte actuel du "consultation paper" :

a) La définition onusienne du développement soutenable, depuis le rapport BRUNDTLAND, est "un développement qui répond aux besoins du présent, à commencer par ceux des plus pauvres, sans compromettre les capacités des générations futures à satisfaire les leurs". Le "consultation paper" omet la condition relative à l’équité sociale, ce qui est d’autant plus surprenant qu’il fait ultérieurement de la lutte contre l’exclusion un objectif mobilisateur ;

b) Une grave dimension de cette omission est la sous - estimation de la portée internationale de l’équité sociale et environnementale. L’UE doit pour cela affirmer clairement qu’elle se fixe pour objectif de ne pas prélever sur les ressources de la planète plus qu’il ne serait soutenable si l’ensemble de l’Humanité avait le même niveau de développement qu’elle. Ce principe permettra de fixer les objectifs de la SEDS, qui sont souvent invoqués dans le "consultation paper", mais ne sont jamais précisés. Or il n’y a pas de stratégie sans objectif ;

c) Le "consultation paper" ne mentionne qu’une fois, incidemment, le "principe de précaution". Il est rédigé comme si, l’objectif une fois fixé, la stratégie à suivre découlait mécaniquement d’un calcul d’optimisation des coûts supposés connus. Or les crises écologiques actuelles sont toutes survenues parce que les scientifiques, l’opinion et les pouvoirs publics ont pris conscience trop tard des conséquences imprévues ou sous - estimées de décisions antérieures. Le principe de précaution doit être affirmé comme principe régulateur des politiques publiques en information incomplète ;

Le Parlement européen considère que les six "problèmes focaux" sélectionnés par la Commission sont assurément parmi les plus importants et les plus mobilisateurs. Toutefois, l’opinion publique en Europe est actuellement mobilisée par d’autres crises qui répondent elles aussi aux critères de sélection, notamment par leur dimension européenne. Le programme de travail qui sortira de Göteborg devrait par conséquence au moins mentionner :

-  La crise de la fièvre aphteuse, qui résulte clairement de la subordination de la politique prophylactique à la stratégie exportatrice des agricultures européennes ;
-  La tendance à l’imperméabilisation de sols, qui entraîne des inondations d’autant plus fréquentes que, par ailleurs, le climat se réchauffe. Elle résulte certes de l’urbanisation (qui relève de compétences locales) mais aussi des choix agricoles de compétence européenne ;
-  La gestion des déchets nucléaires, leur stockage, leur transport intra et extra-communautaires ;

Le Parlement européen considère qu’en ce qui concerne les instruments à mettre en œuvre, le "consultation paper" devrait être développé dans au moins trois directions :

a) Faute de préciser les objectifs qu’il évoque, le "consultation paper" en est réduit à n’invoquer que l’efficience quant aux coûts. Or certains instruments sont directement déduits de l’objectif poursuivi. C’est le cas notamment :

-  Des politiques de prohibition, des règlements et de normes. Les politiques réglementaires sont indispensables dans le cas des pratiques dangereuses. Elles sont en outre les plus économiquement efficientes quand elles induisent des techniques dont le prix s’abaisse rapidement, par économies d’échelle, dès lors qu’elles deviennent obligatoires ;
-  Des politiques de marché de permis. Elles ne peuvent exister que si la quantité totale de permis est fixée par les autorités publiques, en fonction des buts

poursuivis ;

b) Les objectifs d’équité sociale, lorsqu’ils sont érigés au rang de principes, opposent fréquemment des obstacles au principe "utilisateur - payeur" . Ainsi, une quantité déterminée de biens fondamentaux (eau, énergie, etc...) devrait être garanties à tous les citoyens ;

c) Les problèmes commerciaux et financiers internationaux sont à peine évoqués, in fine, dans le "consultation paper". Or il est clair que que l’état actuel des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce, ainsi que les projets, actuellement sur la table, d’extension dans les domaines des services et de l’investissement, contreviennent déjà à la mise en oeuvre d’une SEDS. Rappelons l’exemple du commerce des veaux aux hormones. Une SEDS doit affirmer clairement qu’elle s’assigne pour objectif une réforme de l’Organisation Mondiale du Commerce dans le sens de la subordination aux objectifs de développement soutenable et aux engagements internationaux de défense de l’environnement. De même, ces principes seront rejetés par les pays en développement, au prétexte que les pays actuellement développés n’ont pas eu à subir de telles contraintes à un stade antérieur de leur histoire. La SEDS doit donc inclure des engagements de transferts technologiques et de soutiens financiers, au profit des pays moins avancés s’engageant dans le développement durable.


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