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par Alain Lipietz | 18 avril 2002

La panne de la majorité plurielle
Politis
La majorité plurielle semble mal partie. Son leader socialiste plafonne à 20 % dans les sondages.

Robert Hue s’essouffle à ranimer les braises d’un projet en coma. Noël Mamère oscille entre 4,5% (quand il perçu comme " déjà rallié ") et 8,5% (quand il pose avec fermeté ses conditions). Aux deux flancs, Chevènement et Arlette Laguiller triomphent stérilement en refusant d’avance toute alliance de second tour. Où sont passés l’espoir de 97 et les souvenirs des avancées ?

Sept mois de négociations entre Verts et socialistes se sont soldés par un échec. L’assemblée générale des Verts, le 16 février, en a tiré le constat : " L’importance des divergences programmatiques, et l’expérience des difficultés de la législature 1997-2002, n’autorisent pas, en l’état, la conclusion d’un accord législatif avec participation gouvernementale. "

Le texte auquel sont parvenus les négociateurs n’était pas inintéressant, mais assorti d’une telle masse de réserves que le lecteur aurait le plus grand mal à se faire une idée : "la prochaine majorité plurielle, pour quoi faire ?" En 1997, l’accord Vert/PS, c’était les 35h, le PACS, la parité. En 2001, c’est quelques pépites dans un océan de restrictions (la "double peine" supprimée... sauf quand on veut l’appliquer, les 32 heures et la semaine des 4 jours " négociées par exemple ", le droit pour les sans-papiers de " déposer une demande " au bout de cinq ans, etc.) Et surtout : la divergence claire et assumée à propos de l’industrie nucléaire. Même les points de consensus du rapport Charpin-Dessus-Pelat, sur le caractère antiéconomique du retraitement et de la filière MOX, sont rejetés par le PS. Ainsi, les technologies les plus dangereuses, les plus coûteuses sont maintenues... pour quoi au juste ? pour humilier l’électorat vert ?

Car, à cet électorat, le PS ne propose tout au plus qu’une poignée de circonscriptions peut-être "gagnables", alors qu’un scrutin avec correction proportionnelle lui donnerait une soixantaine de représentants. Partout ailleurs, il faudrait lui demander de voter pour des candidats socialistes qui rejettent ouvertement ses principales aspirations ? Et on pense rallier ainsi l’électorat " écolo " ou " Motivés " qui a fait défaut lors des élections municipales de 2001 ? Certes, les Verts ont choisi de faire front face à la droite… mais ils pensent impossible de le faire avec n’importe qui : " Au second tour, ils ne donneront pas leur logo à des candidats qui défendraient le developpement des OGM ou de l’industrie nucléaire ou soutiendraient l’extrême chasse . "

Le PS, en plombant ainsi la majorité plurielle, choisit-il la défaite ? ou se contente t-il d’attendre que Schuller parle ? On ne peut jouer 2002 sur le seul discrédit de l’adversaire. Il faut opposer à la droite et au MEDEF un projet alternatif, à la hauteur des enjeux de la crise écologique et sociale du 21ème siècle. Sauver la planète, par une mobilisation générale contre le dérèglement du climat. Affronter la question du chômage et de la sécurité, à travers la relance du partage du travail et des richesses, de vastes chantiers de développement durable, et le lancement d’un programme d’économie solidaire pour retisser le lien social dans les cités. Pour gagner, il faut enthousiasmer. Ce à quoi le candidat Jospin a renoncé en commençant sa campagne au centre et tapant sur l’age et la moralité du capitaine.

Comment en est-on arrivé là ? D’abord... il y a Chevènement. Chevènement qui a pris congé de la gauche plurielle, se campant en chef du parti de l’ordre. Vent debout contre le "bougisme", regroupant tout ce que la vieille droite et la vieille gauche comptent de nostalgiques sécuritaires, xénophobes, homophobes, anti-européens, et bien sûr productivistes et nucléolâtres…Et puis, au sein même du Parti Socialiste, il y a l’offensive des néo-libéraux, tout aussi anti-écologistes, hostiles aux 35 heures comme aux pollutaxes, qui ont choisi Laurent Fabius comme porte-drapeau. Tout se passe comme si le PS visait un " équilibre" arithmétique. Mais l’arithmétique ne fait pas un projet politique. En jouant la carte de l’alliance avec le nouveau parti de l’ordre, le PS court le risque de perdre l’électorat humaniste, pro-européen, progressiste, et donc forcément écologiste...

Face à cette dérive, les Verts ne peuvent qu’en appeler partout aux électeurs progressistes. Celles et ceux qui savent que le monde ne peut être pacifié, la justice environnementale établie, et la société française apaisée, que par un immense effort de solidarité, une conversion écologiste de nos modes de vie, une ouverture démocratiquement maîtrisée vers le monde, et d’abord vers l’Europe.

En posant fermement les conditions d’un accord de second tour, les Verts et leur candidat, Noël Mamère, ont redonné toute sa portée politique au premier tour. Les électeurs, par leur vote vert, ont entre les mains le moyen de conditionner les sens d’une victoire de la gauche. Et donc de la rendre à nouveau possible.




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