mardi 23 avril 2024

















Accueil  > Vie publique > Mises au point > Lettre ouverte à Noël Mamère (http://lipietz.net/?article378)

par Alain Lipietz | 8 février 2002

Après Porto Alegre
Lettre ouverte à Noël Mamère
Noël ,
De retour de Porto Alegre où Les Verts, toi et moi compris, avaient su afficher toutes les apparences de la confiance et de la bonne entente autour de ta candidature, après un été qui nous avait déchirés, je tombe sur ton livre Mes vertes années, paru la semaine dernière. Tu y évoques à nouveau ces événements en des termes qui me stupéfient.

  Sommaire  

Je laisse aux " lieutenants de la chef de meute " le soin de préciser s’ils avaient voté pour moi sur ordre ou de leur propre initiative. Je ne peux en revanche pas laisser passer le retour des accusations ayant prétexté la destitution du candidat que les Verts avaient élu.

Ainsi , tu persistes, malgré nos longues explications de cette époque que je croyais révolue, à affirmer que j’avais " pris parti en faveur d’une amnistie en Corse, y compris pour les crimes de sang ", et rapporte sans prendre de distance " une information du Monde selon laquelle (j’)aurais probablement contribué à la rédaction du programme économique du FLNC en 1989 ". Outre le caractère faux-cul de ce "probablement" (Le Monde maintenant jusqu’à aujourd’hui son accusation, ton "probablement " signifie qu’il a "probablement" raison), ta façon de re-déterrer la hache de guerre si péniblement enfouie me paraît détestable, sur le fond et sur la forme.

 Sur le fond

Faut-il rappeler mes explications d’alors ? En ce qui concerne l’amnistie en Corse, relis les décryptages des émissions en direct que j’ai faites à l’époque, notamment à RMC-Info le 9 août - mais même Le Figaro, dans son reportage sur mon débat avec les pacifistes jeûneurs de la faim le mardi 7 août, avait assez fidèlement rapporté ma position. J’avais dit, en cette terrible semaine d’Août qui a suivi les journées de Corte (le 5), que j’approuvais les déclarations de Jean Luc Bennahmias :
oui, les prisonniers corses emprisonnés sous l’accusation d’appartenance à organisation terroriste sont, par définition, des prisonniers politiques et doivent être traités comme l’Union Européenne l’exige de la Turquie pour les (autrement terribles) nationalistes kurdes
non, Monsieur Talamoni, vous ne pouvez exiger l’amnistie comme préalable au processus de Matignon,
certes, il y aura amnistie générale après le retour de la paix civile en Corse, comme il y en a toujours eu depuis la Libération et l’épuration, l’OAS et jusqu’à la Nouvelle Calédonie, même pour des crimes autrement graves,
mais je ne suis pas d’accord avec cette amnistie-amnésie à la française, qui passe l’éponge sur " un passé qui ne passe pas ". Je veux que les criminels soient jugés, que la société discute de " comment on en est arrivé là ", pour que, dans un processus de réconciliation, la question de l’amnistie puisse être posée, y compris pour des violences injustifiables.

J’ai dit maintes fois qu’en m’accrochant avec la presse qui ne retenait que le troisième point, j’avais outragé le bon sens et la raison, en posant ce diagnostique comme une évidence, alors que mon discours essentiel portait sur les trois autres points. Mais je n’ai jamais " pris parti pour l’amnistie " et Jean-Guy Talamoni l’a reconnu à RMC- Info dès le 9 Août.

En ce qui concerne ma participation à la rédaction du programme économique du FLNC, les accusations du Monde ont été démenties le soir même à la télévision par son informateur, M. Stella. Il y a tranquillement affirmé que j’avais pris connaissance de ce programme du FLNC et l’avais commenté quand j’etais allé faire une conférence à l’Université de Corte, en Mai 1990, donc plus de six mois après la rédaction de ce même programme. Il est vrai que le pauvre homme, le lendemain dans Le Parisien, se trompait d’une année sur la date de rédaction de ce programme ! En tout cas, le vrai coordinateur de ce programme allait affirmer, quelques semaines plus tard, dans la revue Corsica, que personne n’avait eu ne serait-ce que l’idée de me consulter lors de sa rédaction.

Je précise qu’en 1989 le FLNC, bien avant sa scission et les guerres intestines qui allaient le discréditer, venait de bénéficier d’une amnistie et songeait à rentrer dans la légalité, préparant déjà avec nos alliés traditionnels de l’Union du Peuple Corse la future coalition Corsica Nazione. Il n’y aurait eu donc rien d’infamant, en tant que non-violent et théoricien du développement local, à les aider à rentrer dans la voie pacifiste. Il se trouve simplement que je n’en ai pas eu l’occasion. Les accusations du Monde sont donc fausses, point à la ligne.

Et tu le savais. Et l’unanimité du Collège Exécutif des Verts l’a reconnu, tes amis compris, au moment où l’accusation a été portée.

 Sur la forme

A quoi cela rime-t-il de déterrer aujourd’hui la hache de guerre ? Ai-je manqué moindrement de loyauté, et même d’affection à ton égard, depuis que tu as été désigné par les Verts comme notre nouveau candidat ? T’ai-je refusé le service de mes compétences professionnelles, qui t’auraient épargné bien des approximations, comme dans ton discours de Porto Alegre ? J’ai assez souffert, individuellement (malgré le soutien jamais démenti de mes amis et d’une foule d’anonymes), j’ai assez mesuré le coût, pour notre campagne, de nos guerres inexpiables quand il eut suffi de se serrer les coudes pour désamorcer les manipulations médiatiques, j’ai assez senti la soif de reconnaissance et d’amitié qui te ronge et qui éclate à chaque page de ton livre (mais te demandes-tu quelques fois si ton comportement justifie des amitiés fidèles ?), pour m’être promis de ne pas te marchander le témoignage de mon soutien et de mon affection dans l’épreuve qui t’attendait.

Estimes-tu que ta campagne soit si bien partie que tu puisses exiger de tes partisans la condamnation de ton ancien challenger ?Je n’en ai pas du tout l’impression.

Tu es parti avec des sondages à 8%, tu tournes aujourd’hui de 5 à 7 %. Chaque jour je reçois des témoignages dans la rue : " Mais pourquoi les Verts vous ont-ils viré ? ce que vous disiez était dur à entendre, mais on avait confiance en votre sincérité, votre passion d’expliquer, et vous nous forciez à réfléchir. Votre nouveau candidat ne dit plus que des choses convenues qui n’intéressent personne ". Fin septembre, avant que ne nous enlise la guerre entre Verts que tu as si bien alimentée, j’avais recueilli près de 150 signatures, où manquaient encore celles de mes plus chauds partisans, alors même que les Verts n’avaient sollicité par lettre que quelque centaines de signataires potentiels. À quelques dizaines de jours de l’échéance, tu es encore plus près de 400 promesses que des 700 que Dominique Voynet avait obtenues à la même époque, il y a 7 ans.

Crois-tu qu’en décourageant encore plus celles et ceux des Verts que ton comportement avait choqués, celles et ceux des parrains potentiels dont tu n’as pas gagné la confiance, tu peux ainsi accélérer la collecte des signatures ? Noël, n’as-tu donc pas compris que le traumatisme de l’été etait profond, et que tu ne pouvais t’en sortir, nous en sortir, qu’en cultivant entre les Verts le retour de la confiance, et, faut-il employer ce mot, de l’amitié ?

Noël, ressaisis -toi ! Nous avons besoin, l’écologie a besoin, la planète a besoin que tu fasses un bon score. Ce n’est pas en t’enfermant dans une coterie rongée de ressentiment que tu y parviendras, mais en t’appuyant sur tous les Verts.




Le blog
  • [18 juillet 2014]
    Gaza, synagogues, etc

    Feu d’artifice du 14 juillet, à Villejuif. Hassane, vieux militant de la gauche marocaine qui nous a donné un coup de main lors de la campagne (...)


  • [3 juin 2014]
    FN, Europe, Villejuif : politique dans la tempête

    La victoire du FN en France aux européennes est une nouvelle page de la chronique d’un désastre annoncé. Bien sûr, la vieille gauche dira : « C’est la (...)


  • [24 avril 2014]
    Villejuif : Un mois de tempêtes

    Ouf ! c’est fait, et on a gagné. Si vous n’avez pas suivi nos aventures sur les sites de L’Avenir à Villejuif et de EELV à Villejuif, il faut que je (...)


  • [22 mars 2014]
    Municipales Villejuif : les dilemmes d'une campagne

    Deux mois sans blog. Et presque pas d’activité sur mon site (voyez en « Une »)... Vous l’avez deviné : je suis en pleine campagne municipale. À la (...)


  • [15 janvier 2014]
    Hollande et sa « politique de l’offre ».

    La conférence de presse de Hollande marque plutôt une confirmation qu’un tournant. On savait depuis plus d’un an que le gouvernement avait dans les (...)


Tous les blogs

Derniers forums du blog
Mots-clés associés
D'autres articles de la même rubrique