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par Alain Lipietz , Lucile Schmid , Jérôme Gleizes , Anny Poursinoff | 15 novembre 2013

, Libération
Pour une politique écologique, changeons de budget

Pour une politique écologique, changeons de budget

Standard & Poor’s vient de dégrader la note de la France. Rien de surprenant. La politique économique est en échec car l’austérité ne permet ni de relancer l’activité économique ni de baisser la dette. Depuis l’élection de François Hollande, la part de la dette dans le PIB est passée de 87,8% à 93,4% et la prévision 2014 est de 95,1%. Au niveau trimestriel, le PIB n’a jamais dépassé ceux de 2007. Nous sommes passés de 3,6 millions de chômeurs à 5,4 millions. Sur la même période, les inégalités ont progressé avec des pauvres plus pauvres, des riches plus riches. Les 10% de personnes les plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 10 430 euros annuels en 2010 contre 10 460 en 2007 tandis que les 10% les plus aisées disposent d’au moins 36 270 euros contre 35 420 en 2007, les 5% les plus riches 46 140 contre 44 800.

La grande réforme fiscale promise est enterrée. La fiscalité française reste peu redistributive. Les impôts progressifs, mités par les niches fiscales ne pèsent que 8% des prélèvements obligatoires ! Le gouvernement comptait taxer l’épargne, concentrée sur les ménages aisés, mais là aussi il recule.

Il faut par conséquent modifier la loi des finances 2014 en deuxième lecture, mettre en place une réelle fiscalité écologique pour financer les emplois verts. Hormis une contribution climat énergie homéopathique modifiant l’ancienne assiette de la TCIPE (ex-TIPP) en équivalent CO2, aucune avancée majeure n’est à constater. La baisse de la TVA sur la rénovation thermique ne permet que de retrouver le niveau de 2011. Les budgets sur la rénovation thermique ont été réduits de 30% à 50% entre 2012 et 2014, et même de 70% entre 2010 et 2014.

Avec le recul sur la taxe poids lourd, le retard français sur le ferroutage est confirmé. Une solution intermédiaire aurait pu être prise en la limitant aux camions dépassant les 12 tonnes, comme en Allemagne. Mais le lobby productiviste a imposé sa vision. A l’inverse, la TVA sur les transports en commun de voyageurs a été augmentée de 7% à 10%, au détriment des classes populaires et de l’empreinte écologique du secteur des transports. La hausse de la TVA va réduire le pouvoir d’achat des plus pauvres. La gauche avait pourtant promis de ne pas recourir à cet impôt injuste.

Le navigue à vue cédant alternativement aux intérêts privés les plus conservateurs et à l’idéologie de rigueur de la Commission européenne. Les rares marges de manœuvre budgétaires permises par l’austérité ont été gaspillées pour financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), accordé aux entreprises sans critère social ou environnemental. Et que dire du retrait de l’amendement du rapporteur socialiste Christian Eckert prévoyant l’élargissement du champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions « intra-day » sous pression de Bercy ? Cette mesure créait pourtant une réelle taxe Tobin prévue par l’accord EE-LV - PS et défendue par le candidat Hollande. De nombreuses niches fiscales anti-écologiques persistent et encouragent ainsi la consommation de kérosène ou de diesel. Quant aux bureaux vides, ils ne sont toujours pas taxés malgré les promesses réitérées.

Le gouvernement privilégie cette année la baisse des dépenses (15 milliards) sur l’augmentation des impôts des ménages (12 milliards de TVA pour 9 milliards de baisse de prélèvements sur les entreprises, dont le CICE). Le ministère de l’Ecologie n’est pas épargné. Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste au Sénat, déclarait le 26 septembre : « Nous ne sommes pas en situation de voter le budget du ministère de l’Ecologie et pour le budget général, par définition, vu que c’est un des postes budgétaires qui nous importe le plus. » In fine, la réduction sera de 522 millions, soit une baisse de 6,78%, et près de 1 000 emplois détruits. A cela, il va falloir ajouter les 700 à 800 millions de manque à gagner de taxe poids lourd et le 1,5 milliard de réduction de la dotation de l’Etat aux collectivités territoriales.

Voter une loi pour encourager l’économie sociale et solidaire est inutile si les collectivités ne peuvent plus financer ce secteur. Sur un autre secteur essentiel, le logement, la désindexation de l’inflation pour les aides à la personne est un coup porté au pouvoir d’achat. Quant à l’aide publique au développement, elle baisse de 6%. Pour l’assurance maladie, enfin, les conséquences de l’austérité sont la hausse des déremboursements, les dépassements d’honoraires généralisés et la privatisation rampante de notre protection sociale. Les économies sont plutôt à chercher du côté des 23,3 milliards consacrés à la mise en œuvre et au renouvellement des forces nucléaires sous-marines et aériennes, les 20 du CICE ou les grands projets inutiles comme Notre-Dame-des-Landes ou la ligne Lyon-Turin que l’Assemblée nationale vient de valider ce 1er novembre.

Qu’est-ce que la gauche a changé ? Presque rien. Au contraire, selon l’OFCE, pour la seule année 2013, cette stratégie budgétaire aura amputé l’activité de 2,4 points de PIB, détruit des centaines de milliers d’emplois.

Ce budget ne va rien régler au déficit qu’il prétend combattre. Le haut conseil des finances publiques menace quand il « constate un dérapage du déficit par rapport à la loi de programmation ce qui pourrait entraîner l’activation du mécanisme de correction en avril-mai 2014 ». L’austérité est inefficace et dangereuse. Elle accentue la récession sans régler le problème de la dette qui augmente par la simple mécanique des intérêts. Nous ne pouvons continuer comme cela, il faut modifier ce budget 2013.

Alain Lipietz, Jérôme Gleizes, Anny Poursinoff et Lucile Schmid




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