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par Alain Lipietz | 11 juin 2013

, 19 h 30
Droits et démocratie dans les banlieues métropolitaines du monde actuel.
Canoas (Rio Grande do Sul, BR)
Conférence inaugurale du IIIe FALP (Fórum Mundial de Autoridades Locais de Periferia : Forum mondial des banlieues). Texte de mon intervention, programme du Forum, photos.

Droits et démocratie dans les banlieues métropolitaines du monde actuel.

Direitos e Democracia nas periferias metropolitanas do mundo atual

Site du Forum (en français) : http://www.fr.falp2013.com.br/

Villejuif à l’honneur ! J’ai prononcé la Conférence inaugurale, devant des centaines d’élus de tous les continents, sous la présidence de Patick Braouzec (président de l’agglomération Plaine Commune, en Ile de France), avec pour discutants Luiz Marinho, Préfet de Sao Bernardo do Campo, banlieue automobile de Sao Paulo, et... Maria de Luz Rosinha, maire de Vila Franca de Xira, banlieue de Lisbonne jumelée avec... Villejuif.

P. Braouzec, Maria de Luz, AL , avec JF Baillon (cg de Sevran)

Mes chers amis,

Bien que je parle un peu le « portiñol », je m’exprimerai en français, car chaque langue permet de penser les choses de façon différente et, puisque nous sommes dans une réunion internationale, autant en profiter !

Je ne peux saluer ici en détail tous les élus énumérés dans la séance protocolaire ! Je voudrais seulement remercier M. le Maire et le peuple de Canoas pour cette invitation. Je voudrais surtout remercier et féliciter les initiateurs du FALP (Forum Mondial des Banlieues), non seulement pour m’avoir invité à prononcer cette conférence inaugurale, mais surtout pour l’idée géniale d’avoir créé ce forum. Dans le demi-siècle en cours, la majorité de la population mondiale se concentrera dans les villes, pour une grande partie dans les métropoles, et, pour la grande majorité de ces métropolitains, dans la banlieue des métropoles. Ce Forum est donc littéralement le Forum de l’Humanité en devenir !

Alors, que peut-on dire de la question des droits humains et de la démocratie dans les métropoles et leurs banlieues ? Beaucoup d’entre vous proposent de rassembler ces droits sous le titre du droit à la ville. Il serait donc utile de réfléchir d’abord sur ce qu’est la ville, ses bienfaits mais aussi ses faiblesses, sur ce qu’est une métropole, sur les dangers qui la guettent, et se sont déjà réalisés dans bien des endroits du monde, y compris dans ce pays, le Brésil, et dans le mien, la France : se transformer en mégapole. Ensuite nous reviendrons à la question des droits et de la démocratie dans les banlieues de métropoles.

La conquête du droit à la ville.

Marx écrivait que la plus grande division du travail était la division entre la ville et la campagne, et que le capitalisme poussait cette division au paroxysme. Quand j’étais jeune, je lisais cette phrase dans un sens symbolique : bien sûr, avec la séparation de la ville et de la campagne, chaque personne humaine est assignée à une fonction préétablie, et doit donc renoncer au rêve du communisme tel que le définit Marx : « Le matin pêcheur, l’après-midi chasseur, et le soir critique littéraire. » La division ville/campagne serait en fait le paradigme et la matrice de l’aliénation de l’individu dans la division du travail.

La relecture plus récente de Marx par les écologistes montre qu’en réalité Marx était un peu plus précis. Il critiquait réellement la « rupture du métabolisme Homme/Nature », et plus particulièrement du cycle de l’azote, par la concentration des humains dans les villes. L’azote, fixée par les légumineuses sous forme de protéines, puis absorbée par les animaux, eux-mêmes expédiés en ville pour être mangés… L’azote, qui n’en ressortait que sous forme d’excréments ou d’ordures ménagères, entassés, brûlés ou jetés à la mer, bref, azote perdue pour les champs. Cette crise latente de l’agriculture capitaliste sera en réalité différée pendant un siècle par l’invention des engrais azotés artificiels. Mais aujourd’hui, la crise des formes capitalistes de production agricole fait retour sur l’humanité. La crise alimentaire mondiale, qui a éclaté en 2006, est la mère de la grande crise du capitalisme ouverte officiellement en 2008. Elle reste le principal obstacle à une sortie de la crise mondiale. Elle engendre dans les pays du Sud la famine, et dans les pays du Nord la dégradation de la qualité de la nourriture et une crise sanitaire (cancers, diabètes…) : ce que nous appelons en France la « mal-bouffe ».

Et pourtant, Marx comme ses prédécesseurs et ses successeurs, comme le grand sociologue arabe du XIVe siècle Ibn Khaldoun, admettaient que, dans l’opposition entre civilisation rurale et civilisation urbaine, la ville représentait le pôle des arts, de la science, de la culture, de la somptuosité, de la fête. C’est dans les villes que s’accumule le surplus net de l’humanité, ce qui excède les besoins stricts de la reproduction du genre humain.

Mais ce n’est pas pour cela que les paysans faméliques, privés de terre et de travail, ou terrorisés par l’insécurité des campagnes, affluent dans les villes depuis l’Antiquité. Des villes, ils attendaient un emploi pour manger, un toit pour s’abriter, et des murailles pour les protéger contre les bêtes sauvages qui hantaient les campagnes. Et la plus redoutable des bêtes sauvages, c’était bien sûr l’Homme : seigneurs de guerre sans foi ni loi, et peut-être pire encore, soldats sans solde, troupes de soudards converties en bandes de brigands. Et pour vivre en ville, ces paysans n’avaient d’autres ressources que de vendre leur travail aux habitants des villes, ce qu’en français nous appelons bourgeois, du mot germanique burg qui veut dire « ville ».

Dés l’Antiquité, la ville se constitue donc en deux groupes occupant deux types de quartiers : les bourgeois, marchands ou clercs, fonctionnaires, qui tiennent le « bourg » et la campagne, en contrôlant commerces et administration. Et puis le peuple, la plèbe, le prolétariat, qui habitent les « faubourgs ». Les faubourgs sont à l’intérieur de la ville, et même à l’intérieur de ses murailles. C’est là que s’entasse le peuple, et c’est à partir de là que se pose la question de la démocratie et des droits humains. Dès la république athénienne, dès la république romaine, dans toutes les révoltes urbaines du Moyen-âge, mais surtout dans les grandes révolutions démocratiques du XVIIe siècle (en Hollande, en Grande-Bretagne), du XVIIIe siècle (aux Etats-Unis, en France) et partout dans le monde, du XIXe au début du XXe siècle. Quand on dit « Le peuple de Paris a fait la Révolution Française et la Commune », on veut dire : le peuple des faubourgs de Paris.

Et à force d’émeutes, de barricades, de révolutions et d’élections, le peuple des faubourgs a établi son droit à la ville : à la fois l’accès à l’agora, aux forums, aux centres des pouvoirs politiques, et le droit à un toit et aux services publics, mais aussi le droit à la fête sur les grands boulevards. Et comme, en plus, il habitait souvent à la périphérie de la ville, il gardait aussi un accès à la campagne : jardins ouvriers, bals-musette dans les villages alentours, lieux de promenade…

L’articulation vertueuse entre ville et campagne s’est conservée dans des cas exceptionnels, avec d’excellents résultats économiques, sociaux, et de qualité de vie. Ainsi, la région la plus riche d’Europe, le Vorarlberg au bord du lac de Constance, offre un entrelacs de petits centres urbains et de campagnes prospères semées d’usines de haute technologie. De même, la région reconnue la plus belle d’Europe en tant que création humaine, avec la plus haute densité de patrimoine de l’Unesco, capable d’imposer un « droit à l’image » sur ses paysages : la Toscane.

C’est ce droit à la ville, péniblement acquis, que compromet aujourd’hui la métropolisation.

P. Braouzec et Maria de Luz

L’émergence des métropoles

Une métropole se définit par sa domination sur une « économie-monde » qui, dès l’Antiquité, pouvait se déployer sur plusieurs continents (Rome était une métropole). Du Moyen-âge à la « première mondialisation » (la construction des empires coloniaux européens, de la Renaissance à la fin du XIXe siècle), la métropole se définit par rapport à des « colonies », des dépendances lointaines : Venise, puis Séville, puis Amsterdam, puis Londres… Avec la « seconde mondialisation » de la fin du XXe siècle, le Monde se constitue en réseau de métropoles connectées les unes et aux autres…. et déconnectées de leurs campagnes. Dés les Temps modernes, la campagne autour de San Salvador de Bahia produit essentiellement du sucre pour l’Europe, Lisbonne et Porto produisent du vin pour la Grande-Bretagne… Les métropoles sont hiérarchisées, une hiérarchie changeante, d’ailleurs. Aujourd’hui, l’essentiel de la croissance de la population mondiale s’effectue vers les vieilles métropoles, mais plus encore vers les anciennes métropoles dominées dont certaines sont devenues dominantes, telles Mumbay, Shanghai ou Guangzhou.

La métropole est donc fondamentalement le fruit du développement marchand du capitalisme. Elle contrôle les flux des échanges internationaux, que ce soit en position dominante ou dominée. La seconde mondialisation du dernier quart du XXe siècle ne fait que pousser à l’extrême cette logique, à travers la globalisation financière et industrielle (y compris agro-industrielle).

La métropole pousse certes à l’extrême les bénéfices de l’urbain, l’effervescence artistique et scientifique… L’invention des « musiques du Monde », le rapprochement de la danse et du sport comme le hip-hop, sont les très lointains produits urbains de la première mondialisation (le commerce triangulaire fondé sur la traite des Africains), recyclée dans la culture des Afro-Américains, exportée vers l’Asie via Manille, comme la chanson Quizàs chantée en espagnol par l’afro-américain anglophone Nat King Cole, et parvenue en Chine jusqu’aux lèvres de la mère de Wong Kar-wai, qui lui rend hommage mondial dans In the Mood for Love, grâce à la seconde mondialisation !

Mais la contrepartie de la métropolisation est lourde. C’est d’abord, on l’a dit, la rupture avec la campagne. Quand Paris n’était qu’une métropole coloniale, elle était encore entourée de cultures maraichères qui nourrissaient la ville. Aujourd’hui, l’afflux des travailleurs prolétarisés venus des campagnes de France, puis d’Europe, puis du Sud et de l’Est européens, puis du Maghreb, et du monde entier, a presque complètement submergé ces terres agricoles parmi les meilleures du monde. Les métropoles se nourrissent des produits d’une agro-industrie déployée sur le monde entier, au prix d’une diminution considérable de la qualité de la nourriture, et d’une perte d’autonomie alimentaire des paysans eux-mêmes.

La métropolisation a donc pour effet la famine au Sud et la malbouffe au Nord. Celle-ci pèse déjà sur le destin du genre humain. Successivement, et sans qu’il y ait véritablement de famine, l’Union Soviétique, puis les Etats-Unis, puis les 20% les plus pauvres de la Grande-Bretagne, puis les 20% les plus pauvres de l’Allemagne, ont vu leur espérance de vie commencer à décroître. Car la métropole, en tant que produit du libéralisme du dernier quart du XXe siècle, marque aussi le triomphe du libéralisme dans les rapports capital/travail : un appauvrissement du salariat mondial et une dégradation de la qualité de sa nourriture, de son état sanitaire.

La deuxième conséquence pour le peuple est plus politique – et c’est celle qui nous occupe aujourd’hui. Alors que les villes, jusqu’au 19ème siècle s’étendaient en absorbant leurs faubourgs (comme Paris absorbant les villages de taudis à l’intérieur des enceintes de Thiers en 1860), la métropole moderne s’entoure d’une ceinture qui ne fait plus partie de la ville, même à titre de faubourg : une banlieue.

Un mot sur ce mot, plus significatif que le portugais periferia : banlieue. Le français a deux mots pour désigner les équipements collectifs, les choses dont tout le monde se sert : communs et banals. Le « mun » de commun vient de munus, mot latin qui signifie à la fois le don et l’obligation : c’est le mot de la réciprocité. A l’inverse, ban vient du germanique et désigne la propriété seigneuriale. La banlieue, c’est la terre qui dépend de la ville suzeraine, que cette banlieue soit occupée par les pauvres qu’on y entasse aux côtés des usines et des déchets, ou par les bourgeois qui y construisent des « villégiatures », devenues au fil du temps leurs résidences principales.

Métropolisation, libéralisme et mégapolisation

Il y a plus d’un quart de siècle, je prononçais à São Paulo une conférence intitulée Fordisme, fordisme périphérique et métropolisation. Elle a d’ailleurs été publiée ici, dans une revue de Porto Alegre. Le fordisme est le mode d’industrialisation qui s’impose, à partir de 1950, dans les pays du capitalisme « central » : la fabrication de masse pour une consommation de masse, organisée par l’Etat-providence. Le mot a été forgé par le philosophe marxiste Antonio Gramsci, à partir du projet d’Henry Ford, inventeur de la Ford T. Le fordisme s’étend à la périphérie du capitalisme mondial dans le dernier quart du XXe siècle, mais de façon « désorganisée ». Les formes de régulation du capitalisme qui assuraient la croissance de la consommation de masse nationale, telles que la législation sociale, les conventions collectives et la sécurité sociale, n’existent plus dès lors qu’on produit dans un continent pour les clients d’un autre continent.

Dans ma conférence de São Paulo, je remarquai que le fordisme bien régulé du Nord avait, au moins dans certains pays comme l’Allemagne, réussi à maîtriser la croissance des métropoles. La ville de Francfort, capitale économique de l’Europe, 670 000 habitants, est le centre d’une ère métropolitaine de 2,5 millions d’habitants. Mais ce n’était déjà plus le cas dans les pays du fordisme périphérique, où Sao Paulo, Mexico, Mumbay ou Lagos s’engageaient sur une trajectoire dépassant rapidement les 10, les 20 millions d’habitants. Et, dans les pays du Nord, ce n’était déjà plus le cas dans les métropoles des pays les plus libéraux : New-York, Los Angeles, Londres, Paris.

Je proposai comme explication que le libéralisme efface, sur le marché mondial, les relations sociales instituées et territorialisées, et réduit le monde à un réseau de points interconnectés sur la carte. Là où subsiste encore des formes politiques et sociales de régulation du rapport salarial, par exemple dans le Bade-Wurtemberg allemand, un jeune de la région sait qu’en rentrant dans le système de formation de la région il trouvera un emploi dans la région, à Stuttgart ou ailleurs. Au contraire, plus s’exacerbe le libéralisme, plus le territoire national se réduit à un ou quelques points. Je bavardais tout à l’heure avec une cliente de notre hôtel de Porto Alegre. Elle était de Bahia et me demanda d’où je venais. Je répondis : « De la banlieue de Paris. — Ah ! Paris ! les fromages ! le champagne… ». Il n’y a bien sûr, et par définition, pas de « champagne » en région parisienne ; quant au fromage, il y en a encore un, le Brie, mais désormais produit avec du lait d’autres régions. Notre amie de Bahia avait réduit toute la France productive à un point : Paris.

Beaucoup plus grave : le paysan ou l’étudiant fuyant la guerre et la misère en Afghanistan sera prêt à affronter mille morts, sur des milliers de kilomètres, pour rallier un « point » sur une carte : Londres. De même, le paysan malien cherchera à rallier Paris au prix de mille dangers, bravant le désert et la mer. De même, le paysan du Guatemala cherchera à rejoindre Los Angeles. Ils y mettront plus d’énergie, de sagacité et d’obstination que les explorateurs européens du XIXe siècle à la recherche de la source du Nil ou de la mythique Tombouctou… Cette polarisation erratique de la population mondiale vers les métropoles (particulièrement spectaculaire à Mumbay, São Paulo ou Mexico), représente pour la métropole un risque terrible : la mégapolisation.

Qu’est ce qu’une mégapole ? Intuitivement, c’est une métropole ingérable, de plus de 8 ou 10 millions d’habitants. Pour les couches populaires des banlieues, il y a un critère plus simple. Alors que dans une métropole la banlieue est la porte d’entrée vers le centre, dans la mégapole, certains quartiers de banlieue n’ouvrent plus nulle part. On sort de ces banlieues pour tomber sur d’autres banlieues, que l’on cherche à gagner le centre ou que l’on cherche à gagner la campagne. Les entreprises n’y viendront pas. Et ceux des chômeurs qui souhaitent en sortir seront rejetés parce que venant de ces « quartiers de mauvaise réputation », quartiers de chômage, de manque de formation professionnelle, quartiers ravagés par les bandes de la drogue.

C’est face à ce péril majeur que doit se mobiliser, je crois, le FALP. Notre travail, à nous, banlieusards, c’est de lutter pour une métropole vivable et soutenable, et, quand la métropole est déjà mégapole, essayer de sauver ce qui peut l’être encore. C’est-à-dire, fondamentalement, assurer le « droit à la ville ».

Le droit à la Ville et la démocratie

Et nous revenons ainsi à la question qui s’était posée dans l’antique Athènes : la question de la démocratie, en terme de contenus et en terme de pouvoir, ceux qu’avaient conquis les habitants des faubourgs dans les deux derniers siècles. Parcourons brièvement la liste de ces droits.

D’abord, évidemment, le droit à l’habitation. Les foules déshéritées venues des campagnes vers les villes cherchent d’abord un toit. La question des bidonvilles et de leur urbanisation reste et restera longtemps la question numéro 1 des métropoles du monde, et au delà de l’habitat, les services publics urbains fondamentaux, la santé , l’éducation… Non que les campagnes n’y aient pas droit, mais les villes, par « économies d’agglomération », les procurent plus facilement.

La deuxième raison fondamentale de venir en ville fut et reste, de l’Afrique à l’Amazonie, le danger des campagnes. Il n’y a plus guère de bêtes sauvages dans les campagnes ni dans les banlieues (sauf à la périphérie extrême de Bombay, où les tigres viennent encore manger les bébés dans les cabanes du plus lointain bidonville). Mais aujourd’hui hélas « les bandes » sont dans les banlieues : gangsters, narcotrafiquants, et même policiers plus ou moins corrompus, traitant les banlieusards des mégapoles comme les soudards des seigneurs du Moyen-âge, les sicaires des latifundiaires, traitaient les paysans. La sécurité (y compris contre une police parfois dévoyée) est la deuxième exigence du droit à la ville.

La troisième est évidemment de pouvoir boire, se nourrir et respirer correctement. Paradoxalement, le droit à la ville inclut le droit à la campagne. A ses produits d’abord, une eau de qualité, une nourriture de qualité. Aujourd’hui, l’un des principaux mouvements sociaux des banlieues de la région parisienne est celui des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne de proximité. C’est très difficile, parce que les terrains agricoles sont chassés très loin du cœur de la métropole, au-delà de la dernière banlieue. La lutte pour le maintien de terrains agricoles actifs à l’intérieur des banlieues et jusqu’au plus près du centre est l’un des objectifs essentiels de l’urbanisme du 21ème siècle. Car, dans ces espaces verts intérieurs à l’aire métropolitaine, aux fonctions agricoles s’ajoutent quantités de fonctions écologiques : retenir le ruissellement des pluies, tempérer l’effet de serre local qui s’ajoute à l’effet de serre global, offrir à la densité humaine des villes des métropoles un espace de loisirs et de respiration…

Ensuite il y a bien sûr les droits démocratiques : l’accès du peuple à l’Agora, au Forum, au pouvoir de décision, devenu épouvantablement lointain, bien plus lointain qu’au temps des faubourgs, même si, jusqu’à la place Tahrir ou jusqu’à la place Taksim, les peuples de mégapoles surpeuplées sont prêts à marcher des heures pour venir clamer leur opposition à l’autoritarisme et à la corruption, et réclamer la démocratie, l’accès au services publics et le sauvetage des espaces verts. Une nouvelle solution s’impose : recréer de la centralité politique à l’intérieur même de la banlieue. Et en finir d’ailleurs avec le mot banlieue et sa racine seigneuriale, retrouver le sens de la commune, lieu de gestion des biens communs.

Bien sûr, les communes de la périphérie resteront intimement articulées avec la commune centrale et les communes des campagnes environnantes : pour les transports en commun et la planification générale, il y a besoin d’une expression démocratique directe au niveau de la région. Mais les banlieues souffrent avant tout d’un besoin de reconnaissance de leur identité : une reconnaissance ou une refondation de leurs communes, qui souvent se sont construites avec l’arrivée de la population.

Oui, il faut de la « coopération intercommunale », mais chaque transfert de la souveraineté populaire vers des intercommunalités doit s’accompagner d’un contrôle démocratique direct, faute de quoi les élus, même avec la meilleure volonté, s’autonomiseront par rapport aux communes qu’ils étaient sensés servir. Le processus dénoncé par Marx, selon lequel l’État, « outil dont la société se dote pour que les parties qui la constituent ne s’épuisent pas dans une lutte sans fin », outil pour la coopération, se transforme spontanément en appareil séparé, et « de serviteur de la société, en devient le maître », ce processus menace aussi les autorités locales, et tout particulièrement dans les métropoles.

C’est pourtant un mot magnifique : commune ! La sœur du bien commun, l’exercice de la municipalité, le droit à la munificence !

Car enfin, au sommet du « droit à la ville », il y a le droit à la fête, à la culture, à l’art. Non qu’on ne fasse la fête à la campagne ! Mais la ville est par excellence le lieu de la « munificence » où la communauté va brûler, pour la joie de tous, l’excédent humain, en soirées inoubliables qui tressent dans les mémoires le sentiment de la communauté. Comme la fête et les danses auxquelles nous venons d’assister en ouverture de ce troisième Forum des Autorités Locales des Banlieues.

Vous, maires et élus, fonctionnaires des communes de banlieue, vous allez avoir à gérer dans ce demi-siècle la majorité du bien commun à la majorité de l’Humanité : les banlieues des métropoles. Alors, s’il vous plaît, faites-nous quelque chose de bien !

Luiz Marinho, P. Braouzec, AL et Maria de Luz.


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