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par Alain Lipietz | décembre 2013

" Les associations sont des pièces maîtresses de la compétitivité territoriale par la qualité »
La Vie Associative
LANGUE ET TRADUCTIONS DE L’ARTICLE :
Langue de cet article : français
  • Español  :

    La oposición “mundialización / desarrollo local” es artificial. Las multinacionales se implantan en territorios de calidades diversas.

Entretien avec La vie associative, n°21, déc. 2013, sur les Associations, l’ESS, les Territoires, la compétitivité.

 « Les associations sont des pièces maîtresses de la compétitivité territoriale par la qualité »


Comment définir le développement territorial aujourd’hui ?

L’opposition mondialisation/développement local est très artificielle. Toutes les multinationales s’implantent sur des territoires de qualités diverses. Économistes et géographes montrent que les territoires sont plus ou moins susceptibles d’une insertion économique dans la mondialisation et que cela tient à la « personnalité » du territoire, sa capacité à mobiliser sur des compromis économiques et sociaux entre les différents acteurs : entreprises, syndicats, administration, enseignement, société civile, associations dont les activités relèvent de la qualité de vie du territoire (formation, culture, soins, etc.)

Le développement local s’appuie sur deux composantes : un secteur tourné vers le monde extérieur et un autre vers le territoire lui-même. Le premier sert à financer ce que le territoire importe. La quantité de travail consommée dans la vie de chacun se décompose en gros en 80 % de travail local (travail domestique, BTP, services aux personnes y compris dans le secteur public ou l’ESS) et 20 % importés du « reste du monde » (à plus de 20 km de chez soi). Si les territoires perdent l’accès à ces 20%, les 80 % « locaux » sont en danger, car les territoires ont besoin de ce qui est produit ailleurs. Mais inversement, la qualité des services à la communauté du territoire détermine non seulement le bien-vivre mais aussi, par là, le niveau de compétitivité des territoires.

 Quel rôle peuvent jouer les associations ?

En termes d’emplois, le rôle des associations, et de l’économie sociale et solidaire en général, est déjà fort. Mais l’effet qualitatif l’est plus encore. L’ESS se définit par son caractère non lucratif et ses objectifs de solidarité. L’ESS a vocation particulière à servir le territoire, car le propre de son activité est de ne pas s’adresser exclusivement à un usager, mais bien à une communauté. Les « effets externes positifs » de cette activité sont donc territorialisés. Par exemple, un restaurant associatif d’insertion sert des repas qu’il vend. Mais aussi il forme des cuisiniers, sert de lieu d’échange, c’est une lueur d’espoir dans le quartier.

Ce halo de l’ESS sur le territoire n’est pas facilement quantifiable puisqu’il ne s’exprime pas en monnaie. Il n’en doit pas moins être rémunéré, sinon l’activité au service du territoire n’est pas viable. Or il n’est pas possible de facturer directement ces effets externes aux clients des associations, d’où la nécessaire contribution de l’État et des collectivités.

Pourquoi ? Parce qu’une partie de l’institution familiale est déstructurée, que les églises n’assument plus les fonctions sociales, et que l’État qui, en 1945 avait fait le choix de prendre à sa charge la plupart des services au public, se replie. Ce sont les associations qui prennent la relai (comme il était d’ailleurs prévu par les lois de 1901 et de 1905 !) Par exemple, avec le vieillissement : ce ne sont pas les enfants de 80 ans qui vont pouvoir s’occuper de leur parents centenaires, ni même leurs petits-enfants de 60 ans qui devront en outre s’occuper de leurs propres petits-enfants... L’avenir du développement associatif est donc colossal. D’ailleurs, les associations sont bien plus à même de « distribuer de la chaleur humaine » (le « care ») que l’État ou le secteur commercial.

  Ce qui pose la question du financement des associations sur les territoires.

Quand les associations rendent un service même marchand à la communauté, elles ne captent pas en échange la totalité du coût de leur service, car celui-ci prend la forme de « halo ». Cette part non payée doit pourtant être couverte de façon permanente. Beaucoup pensent l’activité associative comme transitoire, l’insertion par l’activité économique par exemple, alors qu’il s’agit bien d’activités permanentes, même si son public se renouvelle. De même, les villes « culturelles » qui, pendant quelques mois de l’année, profitent des activités des associations du spectacle vivant et du régime des intermittents, se désintéressent de leur survie pendant la « morte saison » où s’élaborent les spectacles !

 On met souvent en avant la législation européenne lorsque l’on parle financement des activités associatives...

On dit que « l’Europe libérale refuse le financement sur les territoires », mais c’est faux. La Cour de Justice de l’Union européenne est en désaccord avec la Commission Barroso sur ce point. Dans plusieurs de ses arrêts, elle rappelle que les collectivités peuvent travailler avec les partenaires qu’elles choisissent pour rendre service aux territoires, sans passer systématiquement par des appels d’offre, ni demander l’autorisation à la Commission pour les subventionner, et doivent prendre pour critère économique la maximisation de l’avantage pour le territoire et non le « moins disant financier » pour elles-mêmes. Après l’affaire de la communauté urbaine de Strasbourg (où le préfet avait cassé un marché d’entretien attribué à une régie de quartier en estimant que le mieux-disant financier devait primer), le Parlement européen a précisé que les clauses d’insertion pouvaient être en première ligne des appels d’offre.

Les libéraux s’imaginent que pour qu’un territoire soit le plus compétitif possible, il faut réduire le coût du travail. C’est oublier que son secteur exportateur est inséré dans le marché local de l’emploi et que cette baisse pèsera forcément sur l’ensemble des salariés du territoire. On baisse donc tous les revenus, sous prétexte qu’un petit morceau est soumis à la concurrence internationale, on provoque une récession puis une déflation. La « stratégie de Lisbonne » au contraire visait la « compétitivité par la connaissance », ce qui met bien en corrélation la qualité de vie sur les territoires et leur compétitivité. C’est la qualité de vie qui explique que des gens compétents sont formés, restent et consomment sur le territoire. Or les associations et l’ESS sont des pièces maîtresses de la compétitivité territoriale par la qualité. Il n’y a qu’à prendre l’exemple italien : les régions où le secteur des coopératives sociales est le plus fort, sont aussi les plus compétitives.

C’est bien un état d’esprit local qui détermine la compétitivité par la coopération : elle accroit la compétence du secteur exposé à la concurrence, et étend sa « compassion » aux personnes vulnérables ou précaires.




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