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par Alain Lipietz | 6 décembre 2012

Parlementaires écologistes, ne votez pas le budget rectificatif avec son « Pacte de compétitivité » !
Chères amies, chers amis des groupes EELV du Sénat et de l’Assemblée nationale,

J’ai vu que vous vous étiez abstenus, à l’Assemblée, de voter l’amendement gouvernemental, contenant le soi-disant « Pacte de compétitivité », à l’ultime budget rectificatif de 2012. Mais pourquoi donc ne l’avez vous pas rejeté ?

Vous aurez la semaine prochaine à vous prononcer sur l’ensemble de ce budget rectificatif, désormais réduit dans son importance stratégique à ce fameux pacte (même s’il peut contenir par ailleurs des choses intéressantes). J’espère que vous le rejetterez fermement.
Car ce n’est ni un pacte, ni de compétitivité. Et il ne figure en aucune manière dans l’accord PS-EELV de novembre 2011 qui nous engage devant nos électrices et électeurs, même, il contrevient à son esprit. Nous n’avons aucun devoir de loyauté envers le Premier ministre sur ce « pacte ».

« Pacte », ce n’en est pas un. Il offre 20 milliards aux entreprises sans aucune contrepartie en terme de conditions de travail, de sécurisation des parcours professionnels, de réduction des dividendes distribués, ni même tout simplement d’effort à l’exportation.

« De compétitivité », non plus. La balance commerciale de la France s’est dégradée presque continument depuis 30 ans. La hausse du prix de l’énergie fossile est maintenant définitive et ira en s’aggravant jusqu’à l’épuisement complet des hydrocarbures raisonnablement exploitables. Aucun effort n’est prévu sur ce poste qui a lui seul est de l’ordre de grandeur du déficit.

Un tournant compétitif nécessite un vrai pacte capital-travail-État-collectivités locales, avec un « choc de formation professionnelle » et d’implication des travailleurs, en échange d’une sécurisation de leur parcours professionnels, un « choc de coopération », avec une aide publique à la recherche en échange d’une reconversion programmée de l’industrie française vers les activités de la transition énergétique et alimentaire, un « choc de partenariat et de fidélité » entre grands donneurs d’ordre et PME.

La seule mesure strictement fiscale contribuant à la compétitivité externe aurait consisté (et les écologistes le proposent depuis 1992) à basculer les cotisations sociales vers la TVA. Cela ne change évidemment pas le prix moyen des marchandises pour les consommateurs, puisque ce qui est rajouté au prix de vente sous forme de TVA a été retiré du prix d revient sous forme de charges patronales et salariées. Mais comme la TVA est déduite à la frontière et imposée sur les produits importés, le coût de la Sécurité sociale française est retirée du prix des exportation, et les importations paient le prix de cette protection sociale. C’est ainsi que procède le Danemark, si vanté pour sa capacité à concilier sa compétitivité avec la meilleure protection sociale du monde.

Le gouvernement vous objectera peut-être qu’en faisant payer par la TVA une ristourne aux entreprises, assise sur la masse salariale, c’est exactement ce qu’il fait ? Pas du tout ! Il fait payer deux fois aux consommateurs les cotisations patronales, et ne réduit nullement les prix à l’exportation.

En outre, il faut rajouter à cette hausse de la TVA les 10 milliards d’économies supplémentaires sur les dépenses publiques, qu’il s’agisse de dépenses sociales ou d’investissements de la transition écologiste. Ces nouvelles économies s’ajouteront à celles inscrites dans le budget 2013 et les suivants, simplement pour revenir à 3 % de déficit public. Or vous avez voté, contrairement à l’esprit de ce que vous demandait le Conseil fédéral, la transcription en loi organique française du « Traité de la règle d’or » (TSCG) qui vous oblige désormais à voter des budgets en équilibre.

Vous objecterez cette fois que cette loi organique n’est pas faite pour être appliquée, que c’était juste pour rassurer les marchés et les agences de notation, qu’on s’assoira dessus au nom des « circonstances exceptionnelles », et cela d’ailleurs dès le budget 2013.
Et vous pensez que s’asseoir sur une loi organique à peine votée rassurera les marchés, les agences de notation, avec le sourire de Mme Merkel ? Que la droite ne va pas tenter de refaire son unité par une guérilla constitutionnelle à chaque vote de budget en déficit ?

Vous répondrez peut-être enfin que « tout cela est vrai, mais il faut sécuriser la présence de nos deux ministres au gouvernement en votant au moins les budgets. »

D’abord, ce n’est pas le budget 2013 que vous rejetteriez, mais un « simple » budget rectificatif contraire à l’accord de mandature EELV-PS. Peut-être même, en mettant son « cavalier législatif » (le pacte de compétitivité) sur ce texte de moindre prestige, Ayrault a-t-il sciemment calculé qu’il vous laissait une soupape de sureté pour exprimer votre indignation.

Ensuite, après avoir voté sans protester le report de l’interdiction du bisphénol A, la loi organique et j’en passe, ne pensez vous pas qu’il faut commencer à « l’ouvrir », même si Ayrault nous met le couteau sous la gorge ? Si Ayrault, à titre de rétorsion, nous vire du gouvernement, ce sera son calcul, ce n’est pas nous qui aurons quitté le navire sur un caprice.

Où serait d’ailleurs le coût politique ? Rester à tout prix dans ce gouvernement, qui rogne dans les dépenses de la transition verte pour financer l’absurde aéroport de NN des Landes et qui envoie sa police massacrer les militants écologistes empêcher le débat, un gouvernement qui renonce à toutes ses promesses quand il s’agit d’intégrer les immigrés et leurs enfants, un gouvernement qui laisse fermer la sidérurgie lorraine pour quelques emplois dans la région du Premier ministre, un gouvernement qui a renié l’accord EELV –PS stipulant de fermer 6 réacteurs nucléaires et renoncer au MOX, et qui s’apprête sans doute à remettre 2 milliards dans ce puits sans fond qu’est l’EPR de Flamanville ?

La note électorale risque d’être terrifiante pour l’écologie politique. Ce « pace de compétitivité » sera, pour notre mandature, ce qu’a été la loi TEPA (le bouclier fiscal), qui a tué dès l’origine la reconduction de Sarkozy. Et notre électorat nous reprochera tout, dès les prochaines élections : et le nucléaire, et l’austérité sans solidarité ni conversion écologiste, et ND des Landes, et l’oubli du droit de vote des immigrés, et les bébés empoisonnés du bisphénol A…

Oui, il faut rester pour se battre, mais alors, s’il vous plait, les amis, battez vous !

Alain Lipietz

Délégué EELV à la crise et à la dette




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