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[2010a] "De Mai 68 à l’écologie politique : une philosophie de l’Être au monde", préface au livre d’Eva Sas Philosophie de l’écologie politique.
De 68 à nos jours
, éditions Les Petits matins, Paris, 2010

(art. 2582).


par Alain Lipietz | 6 octobre 2010

De Mai 68 à l’écologie politique : Une philosophie de l’Être au monde.

 De Mai 68 à l’écologie politique : Une philosophie de l’Être au monde.

  Préface au livre d’Eva Sas

Philosophie de l’écologie politique. De 68 à nos jours


Éditions Les petits matins, Paris, 2010, 134 pages, 12 euros.

N’ayez crainte : ce petit livre ne va pas vous ennuyer. Pas du tout !

Ne vous laissez pas intimider par le titre Philosophie de l’écologie politique. D’ailleurs, depuis quelques années, le mot philosophie n’intimide plus grand monde. On peut même dire qu’il y a une demande de philosophie de la part du grand public, tant la question du sens, des « valeurs », préoccupe nos concitoyens. « Pourquoi est-ce que l’on fait tout ça ? Quel sens cela a-t-il ? Est-ce que ça vaut le coup ? Quelle valeur donner à ce que l’on fait ? » Ces questions taraudent notre époque, soumise aux menaces extérieures (l’effet de serre, l’écroulement de la biodiverité, la montée des périls géopolitiques, crises dont on mesure de plus en plus qu’elles résultent de la composition de nos milliards d’actions microscopiques), ou à celles que l’on subit intérieurement, le stress de nos actions individuelles, dans la vie professionnelle ou domestique.

L’éco-logie, c’est justement l’étude du sens (logos en grec) que nous donnons à notre activité dans notre maison, notre « domaine » ( ekos, en grec). Et l’écologie politique, c’est la discussion dans la Cité (polis en grec) du sens de notre activité dans notre domaine (la planète toute entière ou la cité). Ce sens, et cette discussion sur les valeurs, ont besoin de sagesse, ou du moins nous aimerions en avoir : c’est la philosophie (amour de la sagesse, en grec). Livre nécessaire, demandé, le livre d’Eva Sas a toute les qualités d’une introduction.

D’abord il est court. C’est une immense qualité, parce que ça laisse du temps pour lire ensuite autre chose. Et même si l’on ne lira plus aucune revue ou livre de philosophie de l’écologie politique, c’est un bagage presque suffisant.

Et il est court pour deux raisons. Sans renier la nécessité de « racines », il ne remonte pas plus loin qu’à la « pensée 68 ». Et, en fait de philosophie, il se limite à l’une de ses trois branches : l’éthique.

La pensée 68 ! C’est le titre d’un livre rédigé naguère par l’un des philosophes et politiciens les plus hostiles à l’écologie politique : Luc Ferry . En reprenant vaillamment cet héritage, Eva Sas, qui n’était pas née, s’inscrit parfaitement dans la continuité d’un des mots d’ordre de Mai 68 : « Nous sommes tous des juifs allemands ». Oui, nous nous revendiquons, en tant qu’écologistes, en tant que modernes, et désireux de donner du sens au 21ème siècle, comme héritiers de ce mi-temps décisif du siècle précédent : les années 1960, et les grands mouvements de jeunesse qui ont alors secoué le monde.

Désigner une famille de philosophes (elle pense surtout à Michel Foucault) par le nom d’un mouvement social (mai 68), c’est aussi, chez Eva Sas, une façon de situer la philosophie, non pas dans le ciel des idées ou le papier des livres, mais comme une réflexion sur elle-même de la société en mouvement. Les spécialistes diraient « une conception matérialiste de l’histoire de la philosophie ». Et de fait, comme elle le montrera justement, peu de nouveautés ont depuis été apportées à ce qui bouillonnait déjà dans les chaudrons de mai 68, sauf un pas en avant décisif : la réflexion philosophique de Hans Jonas et de Jürgen Habermas sur le « principe de responsabilité » et « l’agir communicationnel ».

Bref, pour Eva Sas : la philosophie de l’écologie politique = la Pensée 68 + Jonas + Habermas. Et je suis d’accord avec cette équation, même si je dirais plutôt « Levinas » que Jonas.

Avec une très grande clarté, le plan de ce petit livre déroule la démonstration. Car si petit soit-il, ce livre démontre bien la thèse, l’équation qui vient d’être posée.

Première partie, donc : La pensée 68 contre une société en perte de sens. On pourra contester le découpage des chapitres, mais ils traduisent une bonne partie de ce dont on parlait aux alentours de mai 68, une bonne partie de ce qui fut, ces années-là, notre révolte. Contre « l’universel abstrait », contre l’idée que l’humanité est composée de libertés individuelles interchangeables, indépendantes les unes des autres mais tellement semblables entre elles qu’elles semblent enrégimentées, et même plus précisément réduites à la recherche d’un intérêt économique.

Cet individualisme parfait et schématique, dont il était facile de démontrer que sa prétention à la liberté était équivalente à un déterminisme parfait, dont il était facile de démontrer que son universalisme abstrait revenait à exclure tous ceux qui ne pensaient pas comme une catégorie d’intellectuels européens (les femmes, les habitants du Tiers-Monde, les ouvriers, paysans, immigrés…), était bien la cible de notre révolte et de ces philophes-68. Mai 68 fut un mouvement libertaire, où chacun exprimait ce qu’il portait en lui, dans un mouvement profond de recherche de nouveaux liens aux autres, dans un rejet du déterminisme économique. « Métro, boulot, dodo, y en a marre », « Français, immigrés, même combat »… et bien sûr « Nous sommes tous des juifs allemands ».

Cette exaltation, à la fois libertaire et solidaire, retomba trop souvent dans une solidarité mécanique de type marxiste-léniniste, ou bascula ensuite chez certains dans une réduction du libertarisme au libéralisme. Telle fut, dès l’origine, la « critique à 68 » de ceux qui n’en étaient pas (ce qui n’était pas toujours de leur faute !), tel Régis Debray dans sa Modeste contribution aux cérémonies du 10ème anniversaire . C’est vrai : il manquait à mai 68 un fondement pour son exigence de solidarité. Car sa passion libertaire, en rejetant les déterminismes imposés (appartenance de nation, de classe, de genre) avait besoin d’un nouveau principe intérieur, fondé sur la réalité d’une existence collective, pour apprendre à « bien » se conduire, tout en donnant du « sens » à ce que l’on faisait.

Cette règle intérieure déduite du réel, et le mode d’élaboration de cette règle intérieure, était justement en germe dans les premiers travaux de deux auteurs totalement inconnus des soixante-huitards, qui occuperont progressivement la scène intellectuelle dans les décennies suivantes : Hans Jonas et Jürgen Habermas.

Dans la seconde partie de son essai, Eva Sas rappelle, avec une grande justesse intellectuelle et politique, l’origine de leurs réflexions : les événements décisifs au cœur du 20ème siècle, Auschwitz et Hiroshima. C’est-à-dire les deux plus grands crimes de l’Histoire, permis par la mise en oeuvre la plus aveugle du principe de raison instrumentale (en gros : « ne se préoccuper que de faire les choses de la manière la plus efficace, la plus pro »). Ces deux événements avaient démenti l’éthique moderniste héritée du siècle des Lumières et résumée par Jean-Jacques Rousseau : « la conscience pour aimer le bien, la raison pour le connaître, la liberté pour le choisir ». On en était revenu, horriblement, à Montaigne : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », et la critique de la techno-science sera l’un des germes des mouvements écologistes.

Eva Sas nous détaille ensuite l’apport décisif d’Hans Jonas, le principe de responsabilité, et le fondement concret de sa mise en œuvre par Jürgen Habermas : l’agir communicationnel, la démocratie participative. Et c’est en effet à partir du principe de responsabilité que la pensée 68 va retrouver son lien avec le réel, avec la nature, avec la communauté planétaire des humains. C’est par là que, pratiquement et subjectivement, beaucoup d’ex-soixante-huitards vont reconnaître l’écologie, c’est à dire « le sens à donner à notre occupation de notre domaine » comme l’idéologie englobante, le « paradigme », convenant à leur philosophie pratique et spontanée.

Comme l’univers est fini, toute action humaine retentit sur tout et elle est déterminée par tous. Notre liberté autocréatrice est donc nécessairement entremêlée à celle des autres. Nous sommes responsables de nos actes bien plus loin que la philosophie ne l’avait jamais pensée. Et si nous sommes tous responsables de chacun, il faut bien trouver des principes régulateurs de l’interaction des personnes humaines. Ce qu’offre Habermas : « son espace éthique de discussion s’avère la condition même de la mise en œuvre au quotidien de l’éthique de la responsabilité », écrit Eva.

De cette vision du monde comme interdépendance de singularités personnelles dans un monde fini vont découler, selon Eva Sas, les trois valeurs structurantes qui définissent « l’armature pratique de l’écologie politique : la responsabilité, l’autonomie, la solidarité et un mode d’action privilégié : la démocratie participative ». C’est la troisième partie du livre, qui détaille chacune de ces quatre valeurs fondamentales, quatre piliers qui sous-tendent la vaste coupole philosophique de l’écologie politique.

Je ne les détaillerai pas ici, car elle le fait très bien elle-même et parce qu’elle me fait la gentillesse de se référer à mes propres travaux.

Cet hommage que me rend l’auteur m’oblige néanmoins à formuler quelques critiques (sous peine d’être soupçonné de complaisance !). Rien de bien grave : elles ne sont que le revers des qualités du livre. D’ailleurs, les lectrices et lecteurs pour qui ce livre est une vraie initiation auraient peut-être intérêt à lire le livre avant de revenir à mes critiques…

D’abord, le souci de faire court est tel qu’on ne retrouvera pas dans ce livre les discussions qui aujourd’hui occupent les revues et les livres de « théorie critique écologiste », ou les commissions d’éthique qui se multiplient à propos des problèmes pointés par les mouvements écologistes. Eva Sas nous en livre assez pour comprendre les prises de position de Jacques Testart sur la procréation assistée, ou pourquoi l’écologie politique est nécessairement féministe (l’inverse n’est pas vrai) et quel type de féminisme cela implique vis-à-vis de problèmes tels que les mères porteuses ou la laïcité ouverte, ou si les espèces nomades doivent être toutes pourchassées comme des invasives, bref tout ce qui fait le pain quatidien de la "sagesse écologiste". Mais elle n’aborde pas elle même ces sujets. Gageons qu’elle donnera à ses lecteurs et lectrices l’envie "d’en savoir plus".

De même, elle consacre un épilogue au rapport de l’écologie politique à la sociale-démocratie. Elle rappelle que le principe de base du socialisme (« d’abord produire et ensuite distribuer ») ne remonte pas au congrès de Tour mais à Condorcet. Il fut particulièrement illustré par Victor Hugo dans Les Misérables. Elle critique justement son point aveugle : comment produire et quoi ? Elle montre que l’écologie ne peut se satisfaire ni du libéralisme, ni de l’étatisme. Elle nous offre les outils, mais elle ne s’aventure pas jusqu’à la question : « à quelle échelle s’exerce la communauté éthique de la démocratie participative : le village, la région, la nation, l’Europe, le monde entier ? », qui est pourtant la question de Caïn : « Suis-je dons responsable de mon frère ? », avec son prolongement inévitable : « Qui est mon prochain, dont je suis responsable ? » Mais c’est parfaitement normal, pour une courte introduction.

Plus gênante serait l’illusion de lire dans ce livre une histoire et préhistoire de la philosophie écologiste, même limitée à l’Après-guerre. Ce n’est pas du tout son objet. Son choix nécessaire de « commencer quelque part », c’est-à-dire en 1968, et de se limiter à l’éthique, interdirait une telle prétention. Or l’écologie politique en France rencontre des obstacles, partiellement liés à notre histoire philosophique nationale.

Évidemment, les acteurs de 68 se nourrissaient d’autre chose que de la pensée 68 telle que résumée par Eva Sas. Quelles étaient leurs références philosophiques ? Essentiellement, pour les plus anciens (la génération de l’après-résistance et celle de la guerre d’Algérie) : l’existentialisme et la phénoménologie. Et pour les plus jeunes : le structuralisme. Eva Sas n’ignore évidemment pas que la pensée 68 s’ancre dans toute l’histoire de la philosophie antérieure depuis les pré-socratiques. Elle-même, d’ailleurs, fait abondamment référence au personnalisme d’Emmanuel Mounier (1905-1950 !), comme version en quelque sorte écolo-compatible de la pensée de Michel Foucault…

En réalité, c’est plutôt la phénoménologie (la pensée du comment le monde extérieur se présente à nous, ou comment nous ne sommes qu’en tant qu’êtres percevant le reste du monde), notamment celle de Husserl, qui a préparé la philosophie de l’écologie politique. C’est à Husserl qu’il faut attribuer la formule qui, pour « technique » qu’elle soit, dit bien ce qu’elle veut dire : « La subjectivité transcendantale est intersubjectivité » (on trouve notre vrai moi dans notre rapport aux autres). Idée que développera Maurice Merleau-Ponty, autre grand philosophe du lien profond entre : le « moi » percevant et agissant, les Autres, et le monde. C’est l’origine du « triangle écologique » individu-société-environnement.

La phénoménologie, via Merleau–Ponty, a influencé l’existentialisme, philosophie qui, au sortir de la terrible seconde guerre mondiale, ce tombeau de l’humanisme traditionnel, s’est émerveillée (ou scandalisée) de notre « être au monde » et s’est demandé quel sens pouvait bien avoir l’absurdité de cette présence. On peut dire que l’existentialisme fonde le type d’humanisme qui est celui des acteurs futurs de mai 68 en France (l’engagement, la « condamnation à être libre »). Alors même que les esprits s’échauffent dans les préparatifs de Mai, l’Union des étudiants communistes, qui réunit encore les pro-italiens, les pro-chinois, les trotskistes, offre à Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir des tribunes à la Mutualité.

Enfin, une partie des cadres des groupuscules de Mai 68 ne sont pas nourris à la mamelle d’un Marx personnaliste ou phénoménologiste (le fameux « jeune Marx », qu’adoraient les chrétiens de gauche et les existentialistes mais que rejetaient les communistes), mais d’un Marx lu par Louis Althusser, extrêmement structuraliste, c’est-à-dire réduisant les individus à de simples « porteurs » de l’action des structures.

Ajoutons encore un autre courant très prisé des soixante-huitards : la psychanalyse freudienne et à l’école lacanienne.

Si donc la pensé 68 détruit l’individu universel abstrait hérité du 18ème siècle (celle que défend précisément Luc Ferry et les anti-écologistes), elle ne le fait pas toujours au nom d’une pensée libertaire à la Foucault, et encore moins personnaliste, mais bien souvent en détectant, derrière le sujet « maître de lui comme de l’Univers » une foule de déterminations sociales ou inconscientes !

La question du rapport de la philosophie écologiste aux structuralismes marxistes ou freudiens reste donc importante. Qu’il me soit permis d’évoquer ma propre expérience.

En tant que chercheur, économiste et écologiste, je suis et je reste un althussérien. J’utilise encore les concepts tel que « mode de production », « tout concret surdéterminé à dominante », etc… Et quand je m’égare en dehors de mon domaine professionnel, par exemple dans Phèdre : identification d’un crime , je reste largement lacanien. Mais mon tout premier article philosophico-politique, « D’Althusser à Mao ? », publié dans Les temps modernes en 1973 puis sous forme de petit livre en Italie, se présentait bel et bien comme une critique de l’althussérisme et de son déterminisme, comme un éloge de la liberté auto-créatrice surgissant dans les pores ou dans les marges des « structures qui nous dominent ».

Eva Sas évoque d’ailleurs assez justement cette dialectique à propos d’une rectification tardive de Pierre Bourdieu, qui en mai 68 est encore parfaitement structuraliste (et son livre Les héritiers est l’un des livres de chevet des militants de l’époque). Mais, comme Marx critique de Feuerbach, Bourdieu finira par souligner que, si les hommes sont le produit des conditions et de l’éducation, ils sont eux-mêmes les créateurs de ces conditions et que l’éducateur doit lui-même être éduqué.

De la même façon d’ailleurs que l’écologiste André Gorz/Michel Bosquet opère une critique soixante-huitarde de son sartrisme antérieur, sans pour autant rompre avec lui, de la même façon que des maoïstes devenu écologistes le feront en sortant de l’althussérisme, tout en en conservant certains apports, la pensée 68 opère une rupture-continuité avec le lacano-freudisme antérieur : c’est le livre très influent L’Anti-Oedipe , lointain ancêtre de Les trois écologies de Félix Guattari, l’un des pères des Verts…

Aujourd’hui, les écologistes restent des militants qui se gavent de froides études scientifiques sur « ce qui est en train de se passer », mais qui, parfois contre toute vraisemblance, s’acharnent à penser qu’on peut encore changer le cours des choses : Vert-espérance… Risquons une hypothèse : ce vieux débat entre structure et autonomie des actions humaines (structures and agency dans le débat anglo-saxon) est peut-être le fond des désaccords entre les écologistes et la « gauche de la gauche » en 2010…

Mais arrêtons-nous sur les deux sources complémentaires de la philosophie de l’écologie politique, selon Eva Sas, que sont Habermas et Jonas.

J’ai moi-même coutume de dire qu’il y a deux façons de prêcher l’écologie politique : à la Levinas et à la Habermas (et Emmanuel Levinas est le plus important des maîtres de Hans Jonas.) A la Habermas : par la discussion éclairée de l’intérêt bien compris (« Si nous ne faisons pas ceci ou cela, ça va nous retomber sur le nez »), à la Levinas : « C’est la contemplation de la beauté de la nature qui nous dit qu’il ne faut pas l’abîmer. » Et je considère que les deux argumentations sont aussi valables l’une que l’autre. Or, si l’argumentation à la Habermas renvoie à une théorie assez classique de « l’intérêt », que ne renierait pas Bourdieu, l’argumentation à la Levinas/Jonas renvoie à deux branches de la métaphysique qu’Eva Sas se refuse à explorer : l’ontologie et l’esthétique.

On distingue en effet depuis Aristote trois branches de la métaphysique (le nom antique de ce que nous appelons aujourd’hui philosophie) :

- l’ontologie (pourquoi y a t-il de l’Etre plutôt que rien ?)

- l’éthique (Qu’est-ce que le Bien ?)

- L’esthétique (Qu’est ce que le Beau ?)

Selon Eva Sas, le principe de responsabilité chez Hans Jonas est inabouti, car il a besoin d’un fondement, et Jonas le recherche dans l’ontologie : pourquoi l’apparition de l’être et sa sauvegarde ont-elles plus de valeur que le néant ? » Question en effet ontologique. Or l’ontologie a mauvaise presse depuis le ralliement de son plus grand penseur au XXè siècle, Martin Heidegger, au parti nazi. Donc on n’aime plus trop s’aventurer sur ce terrain.

Mais Jonas ne fait pas tout à fait de l’ontologie quand il dit que « C’est le visage du nouveau-né qui nous appelle au sentiment de la responsabilité ». Son maître Levinas ne parlait pas de nouveau-né (cas particulier trop surchargé d’ « apparition de l’Etre ») mais écrivait tout simplement : « C’est le visage de l’Autre qui me dit : Tu ne tueras point » . Autrement dit : l’éthique de Levinas, et en fait de Jonas, ne repose pas tant sur une ontologie (pourquoi sommes-nous là et est-ce bien ?) mais sur une esthétique existentialiste : nous sommes au Monde et ce Monde se montre à nous comme à la fois Différent et Beau, et de ce Différent, nous sommes responsables.

Mais toutes ces remarques (qui bien entendu nourriraient des volumes entiers de polémiques dans une bibliothèque de philosophie écologiste) ne doivent pas masquer l’utilité du précieux livre d’Eva Sas. Elle nous appelle plutôt, lectrices et lecteurs, à prolonger au–delà nos réflexions… et nos lectures.




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