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par Alain Lipietz | 22 juin 2010

Tribune publiée dans L’Humanité
Une seule solution : se mobiliser pour obtenir le retrait de ce projet

Une seule solution : se mobiliser pour obtenir le retrait de ce projet

Tribune unitaire dans L’Humanité du 22 juin 2010

La sentence est tombée. En tous points conforme aux réquisitions. L’affaire des retraites était entendue avant même que s’amorce un semblant de concertation. Le gouvernement a rendu public ce qu’il avait concocté et distillé au compte-gouttes depuis le premier jour.

Le Conseil d’orientation des retraites a eu beau démontrer que les réformes de 1993 et de 2003 avaient provoqué une baisse considérable du taux de remplacement d’au moins 15 %, le gouvernement veut accentuer cette dégradation. Tel est l’objectif de l’allongement de la durée de cotisation à 41,5 ans en 2020, couplé avec la décision de reporter l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018 et celui du départ à taux plein sans décote à 67 ans en 2023. Alors qu’il est reconnu que l’âge moyen de cessation d’activité est inférieur à 59 ans et que les deux tiers des salariés sont déjà hors de l’emploi à 60 ans.

Les conditions de départ en retraite seront donc aggravées pour tous, car ceux qui conserveront un emploi devront travailler plus longtemps, les autres sombrant dans la précarité, puisqu’ils ne pourront cotiser malgré l’obligation qui leur est faite. Seront particulièrement pénalisés, non seulement ceux qui auront commencé à travailler tôt, mais aussi beaucoup de femmes. Annoncé comme devant être une «  réforme juste  », le projet va creuser davantage les inégalités de pensions entre les hommes et les femmes.

Le gouvernement donne pleine satisfaction au patronat en n’envisageant de prendre en considération la pénibilité du travail qu’au cas par cas, laissant le soin au salarié de faire la preuve médicale qu’il est usé. La retraite devient ainsi une affaire de gestion individuelle dans laquelle le droit collectif à la protection disparaît, et la pénibilité du travail est ramenée à la question du handicap physique, puisqu’il faudra un taux d’incapacité au moins égal à 20 % pour que cette notion soit reconnue. En relevant les bornes de départ en retraite à 62 et 67 ans, le gouvernement ne tient aucun compte du fait que, à 60 ans, l’espérance de vie en bonne santé est moitié moindre que celle de l’espérance de vie tout court. La conséquence risque d’être à l’avenir un raccourcissement de l’espérance de vie dont il n’a cessé de nous dire qu’elle était le problème. Voilà donc trouvée la «  solution démographique  » annoncée !

Selon la vieille tactique politicienne de division du salariat, les fonctionnaires sont encore montrés du doigt et pénalisés, alors que, à qualification égale, le niveau de leur pension est équivalent à celui des salariés du privé (régime complémentaire compris pour ceux-ci). L’augmentation du taux de cotisation pour les fonctionnaires n’est en fait qu’une façon déguisée de baisser leur salaire.

Par petits bouts, à tour de rôle, toutes les catégories voient leurs conditions se dégrader, chaque recul de l’une servant à justifier le recul de la suivante, avec une double, voire triple peine pour les femmes, les travailleurs précaires et ceux qui sont restés longtemps au chômage. En condamnant les salariés âgés à travailler toujours plus tard, on aggrave les difficultés d’entrée dans la vie active des jeunes. L’Insee vient d’établir que, dans le contexte de la crise, le taux de chômage des jeunes s’est encore accru, de même que la proportion de salariés, hommes et femmes, en sous-emploi. La question des retraites ne peut donc être dissociée d’une véritable politique de plein-emploi et d’amélioration des salaires.

Commencée sur la base d’un mensonge grossier, «  il n’y a qu’une solution, travailler plus  », la contre-réforme Sarkozy-Fillon-Parisot s’achève en prévoyant un nouveau hold-up sur la richesse produite par les travailleurs. Le gouvernement et le patronat ont nié la possibilité de trouver de véritables sources de financement supplémentaire parce qu’ils entendaient conserver l’«  acquis  » des classes possédantes au cours des dernières décennies. La baisse historique de la part salariale dans la richesse produite, cause profonde de la crise actuelle, est entérinée. Pourtant, la soumission à cotisation des revenus financiers distribués par les entreprises à leurs actionnaires et créanciers permettrait de réunir des ressources supérieures au déficit de toutes les caisses de retraite, et cela dès aujourd’hui et pour demain. Le gouvernement se contente de prévoir un prélèvement sur le capital ridiculement bas de 3,7 milliards en 2010 alors que le déficit annoncé dépasse 32 milliards.

Au-delà des contrevérités que gouvernement et patronat assènent quotidiennement en matière de financement des retraites, ce qui est en jeu, c’est la place du travail et du temps libéré dans la vie, la place des travailleurs et des retraités à qui il n’est reconnu que le devoir d’exister comme subordonnés à l’exigence du capital et uniquement comme tels. Ce qui est en jeu aussi, c’est le type de développement humain qui est promu : à la nouvelle contre-réforme des retraites correspond un modèle d’où est exclue la possibilité d’utiliser les gains de productivité pour réduire la durée du travail et gagner du temps libre et dans lequel la société est vouée à jamais au productivisme.

Tout cela serait simplement absurde si cela n’intervenait pas dans un moment caractérisé par une crise majeure, inédite par les multiples dimensions qu’elle comporte, du financier à l’économique, du social à l’écologique et du politique au culturel. En un mot, la destruction progressive des retraites par répartition est la figure de proue de la stratégie des classes dominantes cherchant à faire d’une pierre deux coups : faire payer la crise aux salariés, aux retraités et aux populations les plus fragiles sous la pression énorme des marchés financiers et trouver de nouveaux espaces à la marchandisation et à l’accumulation financière. Ce n’est pas simplement absurde, c’est mortifère pour la société. Aussi n’y a-t-il pas d’autre solution pour les salariés que de se mobiliser afin que le projet du gouvernement soit retiré.

Jean-Marie Harribey, Attac ; Caroline Mécary, Fondation Copernic ; Gérard Filoche, 
inspecteur du travail ; Christiane Marty, féministe ; 
Christophe Delecourt, CGT finances ; 
Didier Horus, FSU ; Pierre Khalfa, Solidaires ; 
Olivier Besancenot, NPA ; Martine Billard, PG ; 
Pierre Laurent, PCF ; Razzy Hammadi, PS ; 
Alain Lipietz, Les Verts.

http://www.exigences-citoyennes-retraites.net




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