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par Alain Lipietz | 17 novembre 2009

Non à la taxation des accidenté-e-s du travail
Texte de mon intervention, au nom des Verts, au meeting unitaire de la Fondation Copernic, Bourse du travail, Paris, 3 novembre.

Toute les interventions qui précèdent l’ont montré d’une façon ou d’une autre : la lutte sur la fiscalisation des indemnités d’accidents du travail se déploie, non sur un axe, mais sur deux.

Il y a d’abord l’aspect banalement dégueulasse ou dégueulassement banal : l’aspect redistributif inversé. C’est la 36ème mesure, qui en précéde encore bien d’autres, imposée par ces Robins des Bois à l’envers qui sont au pouvoir depuis 2002, pour transférer le revenu national des pauvres vers les riches. Cette mesure ne fait que succéder à l’augmentation du ticket modérateur, du forfait hospitalier, aux déremboursements des médicaments, au recul de l’âge de la retraite, au transfert des charges publiques vers la fiscalité locale non-progressive, au bouclier fiscal, etc.

Il faut bien sûr dénoncer le cas particulier de cette fiscalisation des indemnités d’accidents du travail, indemnisation dont on a rappelé à juste titre qu’elle est déjà inférieure aux indemnités d’accidents de circulation !

Une indemnité d’accident de travail doit comprendre au moins deux composantes :

• Le remplacement des revenus perdus du fait de l’accident,

• l’indemnisation de l’incapacité temporelle ou définitive et du pretium doloris (prix de la douleur).

Or elle n’est déjà que de 80 % (60 % au bout d’un an) du revenu perdu, ce qui est une injustice. Elle est donc déjà imposée forfaitairement à 20 puis 40 %.

Oser parler de justice fiscale, quand il s’agit d’imposer cette indemnité au rabais est tout simplement scandaleux, mais nous en avons l’habitude. En réalité, il ne s’agit que de délégitimer le principe même de l’indemnité d’accident de travail, en présentant les accidentés du travail comme des sortes de nantis.

Et nous en arrivons ainsi au deuxième volet tout aussi important : s’il y a des « blessés du travail » , c’est que se livre une guerre dans le travail. S’il faut délégitimer les indemnités d’accidents du travail, c’est pour contrer et pour masquer la montée vertigineuse des accidents et incapacités de travail, c’est pour cacher les violences contre les travailleurs.

On a fait remarquer à juste titre que la mesure ne rapporterait que 140 millions d’Euros aux administrations publiques. C’est financièrement dérisoire, mais cela montre que, pour eux, « ça vaut le coup ». Ca vaut le coup, dans le cadre d’une bataille principalement idéologique, sur la question même des accidents du travail.

C’est une longue bataille qui s’est engagée contre un certain mode d’organisation du travail, morbide et mortifère, depuis 30 ans de libéral-productivisme. Une gestion par le taylorisme culpabilisateur, le « management par le stress », et on parle même de « crash management ». C’est à dire « marche ou crève ». On peut même mesurer la dégradation du travail en France par un indicateur aussi simple que la montée des TMS, des Troubles_musculosquelettiques.

Avec son génie pervers, Sarkozy a su marquer des points sur ce front que la gauche avait abandonné, en faisant l’éloge de ceux qui se lèvent tôt, qui « travaillent plus » pour que d’autres gagnent plus.

Or, dans cette bataille autour d’une organisation du travail de plus en plus épouvantable, le capitalisme vient de perdre une escarmouche. Les suicides chez France Telecom ont provoqué une telle vague d’indignation qu’elle a percé dans les médias ! Même la télévision publique a dû programmer aux heures de grande écoute un excellent reportage sur La mise à mort du travail.

D’une certaine façon, la fiscalisation des accidents du travail, entreprise de de délégitimation des accidentés, est la réponse gouvernementale à la mise en accusation des accidents eux-mêmes.

Et c’est pourquoi nous nous retrouvons tous ici, dans une convergence de partis de gauche, de syndicats, d’écologistes, d’avocats, de juges et d’inspecteurs du travail.

Après des années de dénonciations du capital financier, qui détourne le profit vers la spéculation, le centre de l’attention se recentre enfin vers ce que Marx appelait l’antre, le chaudron, de la production de la plus-value et de tous les profits : le processus de travail lui-même. Ce processus concret, matériel, où la chair et la pensée des humains sont triturés pour en extraire toute les formes du profit, c’est le père de toute richesse (la nature en étant la mère).

C’est là, sur ces questions d’hygiène et de sécurité au travail et dans son environnement immédiat, que peuvent se retrouver, ce soir comme à l’aube du capitalisme, toutes les formes de critiques : écologiste, sociale et juridique.

Je souhaite que nous maintenions cette unité, et qu’une alliance de gauche en France se reconstruise en fondant sa critique et son projet ici, au cœur même du capitalisme productiviste : dans l’écologie du travail concret.

On trouvera en cliquant ici les liens vers la video intégrale de ce meeting et la campagne sur le travail organisée par la Fondation Copernic.




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